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"La maison du lac" |
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Biografía de Charles Nodier en Wikipedia | |
La maison du lac |
Me promenant sur le lac de Genève, je vis en passant devant un vieux château abandonné, la terreur peinte sur le visage de mon batelier, qui fit force de rames pour gagner le large. Qu’avezvous, lui dis-je ? – Ah ! monsieur, laissez-moi fuir au plus vite ; voyez ce fantôme qui est à une croisée et qui me menace. Je vis en effet un spectre qui faisait des signes menaçants. – Voilà qui est plaisant ! raconte-moi donc ce qui se passe d’extraordinaire dans ce château ? – Monsieur, reprit le batelier, j’étais autrefois pêcheur et très intrépide, mes camarades m’avaient dit cent fois : Honoré, n’approche pas du vieux château ; quoique le poisson y soit très abondant, ne te laisse point tenter, tous les revenants de l’autre monde l’habitent. Je méprisai leurs conseils et trouvant mes filets toujours garnis, je revenais tous les jours dans ce fatal endroit ; j’avais vu plusieurs fois des apparitions, mais je m’en moquais et de dedans ma nacelle, je narguais les revenants. Un soir, soir funeste ! que je tirais ma seine, jevois un fantôme épouvantable marcher sur le lac,je n’en fus pas effrayé, et je saisis mon avironpour repousser le spectre, (c’est le même quevous venez de voir) mais ô terreur ! le monstresecoue son bras et il me fait voir une flamme qui éclaira tout le lac: dans le même instant il remplitma barque de reptiles ; le feu sortait de sabouche, de ses narines, de ses yeux, et sa voix était semblable au tonnerre. Cependant d’unemain vigoureuse il saisit mon bateau et le fitdisparaître en un clin d’œil : comme toute mapetite fortune sombrait, j’entendis le fantôme quidisait: Téméraire, l’enfer va te recevoir, que cetexemple apprenne aux faibles humains à nejamais lutter contre les esprits infernaux. Cependant je nageais de toutes mes forcessans savoir où j’allais, heureusement pour moi jerencontrai un pêcheur qui me recueillit, me fitrevenir à la vie, (car j’étais tombé presque mortdans son bateau) et me conduisit chez moi. Hélas ! je fus sauvé, mais ma barque, mes filets,et mon jeune frère, tout périt. Voilà, monsieur, ce qui m’est arrivé, aussin’approché-je jamais de ce maudit château sansun ordre exprès des voyageurs. Depuis ce temps je mène une triste existence,je suis domestique, tandis qu’avant je gagnaisbien ma vie, et celle de ma pauvre famille. – Mon ami, je suis fâché de ton malheur;néanmoins je veux aller voir ton spectre. – Le cielvous en garde, monsieur, vous n’en reviendrezpas vivant. – Viens-y avec moi ? – Non ! j’ai euune trop bonne leçon. – Eh bien ! débarque-moi.– Pour Dieu, ne faites pas cette folie. – Marchetoujours, débarque-moi. – Soit, je vais vousattendre à quelque distance. Me voilà au commencement de la nuit au pieddu donjon. J’étais armé jusqu’aux dents, noncontre les revenants ; je n’y croyais point, maisdans la crainte de trouver des habitants de cemonde occupés à toute autre chose qu’à prierDieu. J’entre, tout est tranquille dans le château,j’allume de la chandelle, je me promène partout, je vois tout en ordre, je m’installe dans unechambre, mes armes sur une table, j’attendsl’ennemi de pied ferme. Je commençais à croire que les diables ou lesesprits me respecteraient, lorsque j’entendistomber quelque chose de la cheminée, je me lèvepour voir, c’était une tête de mort, un momentaprès une jambe suivit, ensuite des bras et enfinle reste du cadavre. Oh ! oh ! me dis-je, il ne faitpas bon ici ; ces esprits font autre chose que peur.Je songeais à me retirer, lorsqu’un bruit dechaînes se fit entendre, j’écoute, et bientôt je voismon spectre, qui m’adresse ces paroles :Incrédule, ne te suffisait-il pas du terriblechâtiment de ton batelier ; devais-tu venir danscette maison ?... Téméraire, tremble, tout l’enferest déchaîné contre toi. Je ne perds point la tête,je fais feu sur le fantôme ; il se rit de ma colère,et ayant fait un signe, une multitude de démonsaccoururent dans l’appartement. Ils faisaient unvacarme horrible. Je fuis de cette mauditechambre, je gagne un escalier, je monte, je meprécipite dans une autre, j’y trouve un spectreenveloppé d’un linceul tout dégoûtant de sang; je fuis de nouveau, des milliers de squelettes meretiennent avec leurs mains décharnées ; je coursdessus le sabre à la main, mes coups sont de nuleffet, un spectre monstrueux veut se jeter sur moi,je l’évite, je me sauve ; mais je ne sais bientôtplus où aller, une fumée épaisse et infecte remplittoute la maison : sans cesse harcelé par unearmée de fantômes, je me précipite dans unepièce voisine ; mais à peine ai-je mis le pieddedans, que le plafond s’abîme et je tombe je nesais où. Cependant j’étais sans connaissance et je neme reconnus que lorsqu’il fit grand jour, alors jeme trouvai sur les bords du lac. Mes vêtementsétaient en lambeaux, et j’étais si faible que je nepouvais me tenir debout. Mon pauvre bateliervint me prendre et il me dit : Que de dessus le lacil avait vu des choses qui l’avaient glacé d’effroi,et qu’il croyait bien fermement que je n’étais plusde ce monde. Nous reprîmes tristement le chemin deGenève, là, je donnai à mon conducteur unesomme assez forte pour le mettre à même de reprendre son premier état. Quant à moi, je fus plusieurs fois mepromener sur le lac, mais je ne fus plus tenté de visiter l’infernal château. |
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