La tumba / La tombe - Guy de Maupassant
1.

El diecisiete de julio de mil ochocientos ochenta y tres, a las dos y media de la mañana, el guarda del cementerio de Béziers, que vivía en un pequeño pabellón en el extremo del campo de los muertos, fue despertado por los ladridos de su perro encerrado en la cocina.

Le dix-sept juillet mil huit cent quatre-vingt-trois, à deux heures et demie du matin, le gardien du cimetière de Béziers, qui habitait un petit pavillon au bout du champ des morts, fut réveillé par les jappements de son chien enfermé dans la cuisine.

2.

Bajó al punto y vio que el animal olfateaba debajo de la puerta ladrando con furia, como si algún vagabundo merodease alrededor de la casa. El guarda Vincent cogió entonces su escopeta y salió con precaución.

Il descendit aussitôt et vit que l'animal flairait sous la porte en aboyant avec fureur, comme si quelque vagabond eût rôdé autour de la maison. Le gardien Vincent prit alors son fusil et sortit avec précaution.

3.

El perro echó a correr en dirección a la avenida del general Bonnet y se paró en seco junto al mausoleo de la señora Tonloiseau.

Son chien partit en courant dans la direction de l'allée du général Bonnet et s'arrêta net auprès du monument de Mme Tomoiseau.

4.

Avanzando entonces con precaución, el guarda vislumbró enseguida una lucecita hacia la avenida Malenvers. Se deslizó entre las tumbas y fue testigo de un acto horrible de profanación.

Le gardien, avançant alors avec précaution, aperçut bientôt une petite lumière du côté de l'allée Malenvers. Il se glissa entre les tombes et fut témoin d'un acte horrible de profanation.

5.

Un hombre había desenterrado el cadáver de una mujer joven sepultada la víspera, y la sacaba en ese momento de la tumba.

Un homme avait déterré le cadavre d'une jeune femme ensevelie la veille, et il le tirait hors de la tombe.

6.

Una pequeña linterna sorda, colocada sobre un montón de tierra, alumbraba aquella escena repugnante.

Une petite lanterne sourde, posée sur un tas de terre, éclairait cette scène hideuse.

7.

Tras lanzarse sobre aquel miserable, el guarda Vincent lo derribó, le ató las manos y lo condujo al puesto de policía.

Le gardien Vincent, s'étant élancé sur ce misérable, le terrassa, lui lia les mains et le conduisit au poste de police.

8.

Era un joven abogado de la ciudad, rico y bien considerado, que se llamaba Courbataille.

C'était un jeune avocat de la ville, riche, bien vu, du nom de Courbataille.

9.

Fue juzgado. El ministerio fiscal recordó los actos monstruosos del sargento Bertrand1 y conmocionó al auditorio.

Il fut jugé. Le ministère public rappela les actes monstrueux du sergent Bertrand et souleva l'auditoire.

10.

Escalofríos de indignación recorrían la multitud. Cuando se sentó el magistrado estallaron gritos de: «¡A muerte! ¡A muerte!» Al presidente del tribunal le costó gran esfuerzo que se restableciera el silencio.

Des frissons d'indignation passaient dans la foule. Quand le magistrat s'assit, des cris éclatèrent: "A mort! A mort!" Le président eut grand'peine à faire rétablir le silence.

11.

Luego dijo en tono grave:

Puis il prononça d'un ton grave:

12.

—Acusado, ¿qué tiene usted que decir en su defensa?

"Prévenu qu'avez-vous à dire pour votre défense?"

13.

Courbataille, que no había querido abogado, se puso en pie. Era un joven guapo, alto, moreno, de cara franca, rasgos enérgicos y mirada audaz.

Courbataille, qui n'avait point voulu d'avocat, se leva. C'était un beau garçon, grand, brun, avec un visage ouvert, des traits énergiques, un œil ardi.

14.

Del público brotaron silbidos.

Des sifflets jaillirent du public.

15.

Él no se alteró, y empezó a hablar con voz algo velada, algo baja al principio, pero que fue afirmándose poco a poco.

Il ne se troubla pas, et se mit à parler d'une voix un peu voilée, un peu basse d'abord, mais qui s'affermit peu à peu.

16.

»Señor presidente, Señores jurados:

"Monsieur le président, Messieurs les jurés,

17.

»Tengo muy poco que decir. La mujer cuya tumba violé había sido mi amante. La amaba.

"J'ai très peu de choses à dire. La femme dont j'ai violé la tombe avait été ma maîtresse. Je l'aimais.

18.

»La amaba no con un amor sensual, no con una simple ternura de alma y corazón, sino con un amor absoluto, completo, con pasión desesperada.

"Je l'aimais, non point d'un amour sensuel, non point d'une simple tendresse d'âme et de cœur, mais d'un amour absolu, complet, d'une passion éperdue.

19.

»Escúchenme:

"Ecoutez-moi:

20.

»Cuando la conocí por primera vez, al verla sentí una sensación extraña. No fue sorpresa ni admiración, no fue lo que se llama un flechazo, sino un sentimiento de bienestar delicioso, como si me hubieran metido en un baño de agua tibia. Sus gestos me seducían, su voz me fascinaba, al mirarla toda su persona provocaba en mí un placer infinito. Me parecía además que la conocía hacía mucho, que ya la había visto. Llevaba en ella un no sé qué de mi propio espíritu.

"Quand je l'ai rencontrée pour la première fois, j'ai ressenti, en la voyant, une étrange sensation. Ce ne fut point de l'étonnement, ni de l'admiration, ce ne fut point ce qu'on appelle le coup de foudre, mais un sentiment de bien-être délicieux, comme si on m'eût plongé dans un bain tiède. Ses gestes me séduisaient, sa voix me ravissait, toute sa personne me faisait un plaisir infini à regarder. Il me semblait aussi que je la connaissais depuis longtemps, que je l'avais vue déjà. Elle portait en elle quelque chose de mon esprit.

21.

»Me parecía una especie de respuesta a un llamamiento lanzado por mi alma, a ese llamada vaga y continuada que lanzamos a la Esperanza durante todo el curso de nuestra vida.

"Elle m'apparaissait comme une réponse à un appel jeté par mon âme, à cet appel vague et continu que nous poussons vers l'Espérance durant tout le cours de notre vie.

22.

»Cuando la conocí un poco más, el solo pensamiento de volver a verla me turbaba de un modo exquisito y profundo; el contacto de su mano y la mía suponía tal delicia para mí que antes nunca lo hubiera imaginado; su sonrisa derramaba en mis ojos una alegría frenética, me daba deseos de correr, de bailar, de rodar por el suelo.

"Quand je la connus un peu plus, la seule pensée de la revoir m'agitait d'un trouble exquis et profond; le contact de sa main dans ma main était pour moi un tel délice que je n'en avais point imaginé de semblable auparavant, son sourire me versait dans les yeux une allégresse folle, me donnait envie de courir, de danser, de me rouler par terre.

23.

»Así pues se convirtió en mi amante.

"Elle devint donc ma maîtresse.

24.

»Fue más que eso, fue mi vida misma. Yo no esperaba nada más en la tierra, no deseaba nada, nada más. No anhelaba nada más.

"Elle fut plus que cela, elle fut ma vie même. Je n'attendais plus rien sur la terre, je ne désirais rien, plus rien. Je n'enviais plus rien.

25.

»Una noche, que fuimos a dar un paseo un poco más lejos a lo largo del río, la lluvia nos atrapó. Hacía frío.

"Or, un soir, comme nous étions allés nous promener un peu plus loin le long de la rivière, la pluie nous surprit. Elle eut froid.

26.

»Al día siguiente se le declaró una fluxión de pecho. Ocho días más tarde, expiraba.

"Le lendemain une fluxion de poitrine se déclara. Huit jours plus tard elle expirait.

27.

»Durante las horas de agonía, el asombro y el espanto me impidieron comprender bien y reflexionar.

"Pendant les heures d'agonie, l'étonnement, l'effarement m'empêchèrent de bien comprendre, de bien réfléchir.

28.

«Cuando estuvo muerta, la desesperación brutal me dejó tan aturdido que no tenía siquiera pensamiento. Lloraba.

"Quand elle fut morte, le désespoir brutal m'étourdit tellement que je n'avais plus de pensée. Je pleurais.

29.

»Durante todas las horribles fases del entierro, mi dolor agudo y furioso seguía siendo un amor de loco, una especie de dolor sensual, físico.

"Pendant toutes les horribles phases de l'ensevelissement ma douleur aiguë, furieuse, était encore une douleur de fou, une sorte de douleur sensuelle, physique.

30.

«Luego, cuando hubo partido, cuando estuvo enterrada, mi espíritu se aclaró de pronto y pasé toda una serie de sufrimientos morales tan espantosos que hasta el amor mismo que ella me había dado resultaba caro a tal precio.

"Puis quand elle fut partie, quand elle fut en terre, mon esprit redevint net tout d'un coup et je passai par toute une suite de souffrances morales si épouvantables que l'amour même qu'elle m'avait donné était cher à ce prix-là.

31.

Entonces me obsesionó esta idea fija:

"Alors entra en moi cette idée fixe:

32.

"Nunca más volveré a verla.

"Je ne la reverrai plus."

33.

«Cuando se piensa en esto durante todo un día, se apodera de uno la demencia. ¡Piensen! ¡Un ser que te adora, un ser único, porque en toda la extensión de la tierra no existe otro que se le parezca! Ese ser se ha entregado a vosotros, crea con vosotros esa unión misteriosa que se llama el Amor. Sus ojos os parecen más vastos que el espacio, más fascinantes que el mundo, esos ojos claros donde sonríe la ternura. Ese ser os ama. Cuando os habla, su voz derrama una oleada de felicidad.

Quand on réfléchit à cela pendant un jour tout entier, une démence vous emporte! Songez! Un être est là, que vous adorez, un être unique car dans toute l'étendue de la terre il n'en existe pas un second qui lui ressemble. Cet être s'est donné à vous, il crée avec vous cette union mystérieuse qu'on nomme l'Amour. Son œil vous semble plus vaste que l'espace, plus charmant que le monde, son œil clair où sourit la tendresse. Cet être vous aime. Quand il vous parle, sa voix vous verse un flot de bonheur.

34.

»¡Y de golpe desaparece! ¡Piensen! Desaparece no solo para ustedes, sino para siempre. Está muerto. ¿Comprenden esta palabra? Nunca, nunca, nunca, en ninguna parte volverá a existir ese ser. Nunca esos ojos mirarán ya nada; nunca esa voz, nunca una voz semejante, entre todas las voces humanas, pronunciará de la misma forma una siquiera de las palabras que pronunciaba la suya.

"Et tout d'un coup il disparaît! Songez! Il disparaît non pas seulement pour vous, mais pour toujours. Il est mort. Comprenez-vous ce mot? jamais, jamais, jamais, nulle part, cet être n'existera plus. Jamais cet œil ne regardera plus rien; jamais cette voix, jamais une voix pareille, parmi toutes les voix humaines, ne prononcera de la même façon un des mots que prononçait la sienne.

35.

»Nunca ningún rostro volverá a nacer semejante al suyo. ¡Jamás, jamás! Se guardan los moldes de las estatuas; se conservan las marcas que permiten reconstruir los objetos con los mismos contornos y los mismos colores. Pero ese cuerpo y esa cara nunca volverán a reaparecer sobre la tierra. Y sin embargo nacerán millares de criaturas, millones, miles de millones, y mucho más aún, y entre todas las mujeres futuras ésa no volverá a renacer. ¿Es posible? Pensando en ello, uno se vuelve loco.

"Jamais aucun visage ne renaîtra semblable au sien. Jamais, jamais! On garde les moules des statues; on conserve des empreintes qui refont des objets avec les mêmes contours et les mêmes couleurs. Mais ce corps et ce visage, jamais ils ne reparaîtront sur la terre. Et pourtant il en naîtra des milliers de créatures, des millions, des milliards, et bien plus encore, et parmi toutes les femmes futures, jamais celle-là ne se retrouvera. Est-ce possible? On devient fou en y songeant!

36.

»Ha vivido veinte años, no más, y ha desaparecido para siempre, para siempre, para siempre.Ella pensaba, sonreía, me amaba. Nada más. Las moscas que mueren en otoño son tantas como nosotros en la creación. Nada más. Y yo pensaba que su cuerpo, su cuerpo fresco, cálido, tan dulce, tan blanco, tan hermoso, iba a pudrirse en el fondo de un ataúd bajo tierra. Y su alma, su pensamiento, su amor, adónde?

"Elle a existé vingt ans, pas plus, et elle a disparu pour toujours, pour toujours, pour toujours! Elle pensait, elle souriait, elle m'aimait. Plus rien. Les mouches qui meurent à l'automne sont autant que nous dans la création. Plus rien! Et je pensais que son corps, son corps frais, chaud, si doux, si blanc, si beau, s'en allait en pourriture dans le fond d'une boîte sous la terre. Et son âme, sa pensée, son amour, où?

37.

»¡No volver a verla! ¡No volver a verla! Me atormentaba la idea de ese cuerpo descompuesto que, sin embargo, acaso yo pudiera reconocer. ¡Y quise contemplarlo una vez más!

"Ne plus la revoir! Ne plus la revoir! L'idée me hantait de ce corps décomposé, que je pourrais peut-être reconnaître pourtant. Et je voulus la regarder encore une fois!

38.

»Salí con una azada, una linterna y un martillo. Salté la tapia del cementerio. Encontré el agujero de su tumba; aún no lo habían tapado por completo.

"Je partis avec une bêche, une lanterne, un marteau. Je sautai par-dessus le mur du cimetière. Je retrouvai le trou de sa tombe; on ne l'avait pas encore tout à fait rebouché.

39.

»Descubrí el féretro. Y levanté una tabla. Un olor abominable, el aliento infame de las putrefacciones subió hasta mi cara. ¡Oh, su lecho, perfumado de lirios!

"Je mis le cercueil à nu. Et je soulevai une planche. Une odeur abominable, le souffle infâme des putréfactions me monta dans la figure. Oh! son lit, parfumé d'iris!

40.

»¡Abrí sin embargo el ataúd, y hundí dentro mi linterna encendida, y la vi. ¡Tenía la cara azulada, tumefacta, espantosa! De su boca había fluido un líquido negro.

"J'ouvris la bière cependant, et je plongeai dedans ma lanterne allumée, et je la vis. Sa figure était bleue, bouffie, épouvantable! Un liquide noir avait coulé de sa bouche.

41.

»¡Ella! ¡Era ella! Me sobrecogí de horror. ¡Pero estiré el brazo y cogí su pelo para atraer hacia mí aquella cara monstruosa!

"Elle! c'était elle! Une horreur me saisit. Mais j'allongeai le bras et je pris ses cheveux pour attirer à moi cette face monstrueuse!

42.

»Fue entonces cuando me detuvieron.

"C'est alors qu'on m'arrêta.

43.

»Toda la noche guardé, como se guarda el perfume de una mujer tras un abrazo amoroso, el aroma inmundo de aquella podredumbre, el aroma de mi amada.

"Toute la nuit j'ai gardé, comme on garde le parfum d'une femme après une étreinte d'amour, l'odeur immonde de cette pourriture, l'odeur de ma bien-aimée!

44.

»Hagan ustedes de mí lo que quieran.»

"Faites de moi ce que vous voudrez."

45.

Un extraño silencio se dejó caer sobre la sala. Todos parecían esperar algo más. Los jurados se retiraron para deliberar.

Un étrange silence paraissait peser sur la salle. On semblait attendre quelque chose encore. Les jurés se retirèrent pour délibérer.

46.

Cuando regresaron al cabo de unos minutos, el acusado parecía no temer nada e incluso faltarle la capacidad de pensar.

Quand ils rentrèrent au bout de quelques minutes, l'accusé semblait sans craintes, et même sans pensée.

47.

El presidente, con las fórmulas de costumbre, le anunció que sus jueces lo declaraban inocente.

Le président, avec les formules d'usage, lui annonça que les juges le déclaraient innocent.

48.

Él no hizo ni un gesto, y el público aplaudió.

Il ne fit pas un geste, et le public applaudit.

49.

29 de julio 1883

29 juillet 1883

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1.

El diecisiete de julio de mil ochocientos ochenta y tres, a las dos y media de la mañana, el guarda del cementerio de Béziers, que vivía en un pequeño pabellón en el extremo del campo de los muertos, fue despertado por los ladridos de su perro encerrado en la cocina.

Le dix-sept juillet mil huit cent quatre-vingt-trois, à deux heures et demie du matin, le gardien du cimetière de Béziers, qui habitait un petit pavillon au bout du champ des morts, fut réveillé par les jappements de son chien enfermé dans la cuisine.

2.

Bajó al punto y vio que el animal olfateaba debajo de la puerta ladrando con furia, como si algún vagabundo merodease alrededor de la casa. El guarda Vincent cogió entonces su escopeta y salió con precaución.

Il descendit aussitôt et vit que l'animal flairait sous la porte en aboyant avec fureur, comme si quelque vagabond eût rôdé autour de la maison. Le gardien Vincent prit alors son fusil et sortit avec précaution.

3.

El perro echó a correr en dirección a la avenida del general Bonnet y se paró en seco junto al mausoleo de la señora Tonloiseau.

Son chien partit en courant dans la direction de l'allée du général Bonnet et s'arrêta net auprès du monument de Mme Tomoiseau.

4.

Avanzando entonces con precaución, el guarda vislumbró enseguida una lucecita hacia la avenida Malenvers. Se deslizó entre las tumbas y fue testigo de un acto horrible de profanación.

Le gardien, avançant alors avec précaution, aperçut bientôt une petite lumière du côté de l'allée Malenvers. Il se glissa entre les tombes et fut témoin d'un acte horrible de profanation.

5.

Un hombre había desenterrado el cadáver de una mujer joven sepultada la víspera, y la sacaba en ese momento de la tumba.

Un homme avait déterré le cadavre d'une jeune femme ensevelie la veille, et il le tirait hors de la tombe.

6.

Una pequeña linterna sorda, colocada sobre un montón de tierra, alumbraba aquella escena repugnante.

Une petite lanterne sourde, posée sur un tas de terre, éclairait cette scène hideuse.

7.

Tras lanzarse sobre aquel miserable, el guarda Vincent lo derribó, le ató las manos y lo condujo al puesto de policía.

Le gardien Vincent, s'étant élancé sur ce misérable, le terrassa, lui lia les mains et le conduisit au poste de police.

8.

Era un joven abogado de la ciudad, rico y bien considerado, que se llamaba Courbataille.

C'était un jeune avocat de la ville, riche, bien vu, du nom de Courbataille.

9.

Fue juzgado. El ministerio fiscal recordó los actos monstruosos del sargento Bertrand1 y conmocionó al auditorio.

Il fut jugé. Le ministère public rappela les actes monstrueux du sergent Bertrand et souleva l'auditoire.

10.

Escalofríos de indignación recorrían la multitud. Cuando se sentó el magistrado estallaron gritos de: «¡A muerte! ¡A muerte!» Al presidente del tribunal le costó gran esfuerzo que se restableciera el silencio.

Des frissons d'indignation passaient dans la foule. Quand le magistrat s'assit, des cris éclatèrent: "A mort! A mort!" Le président eut grand'peine à faire rétablir le silence.

11.

Luego dijo en tono grave:

Puis il prononça d'un ton grave:

12.

—Acusado, ¿qué tiene usted que decir en su defensa?

"Prévenu qu'avez-vous à dire pour votre défense?"

13.

Courbataille, que no había querido abogado, se puso en pie. Era un joven guapo, alto, moreno, de cara franca, rasgos enérgicos y mirada audaz.

Courbataille, qui n'avait point voulu d'avocat, se leva. C'était un beau garçon, grand, brun, avec un visage ouvert, des traits énergiques, un œil ardi.

14.

Del público brotaron silbidos.

Des sifflets jaillirent du public.

15.

Él no se alteró, y empezó a hablar con voz algo velada, algo baja al principio, pero que fue afirmándose poco a poco.

Il ne se troubla pas, et se mit à parler d'une voix un peu voilée, un peu basse d'abord, mais qui s'affermit peu à peu.

16.

»Señor presidente, Señores jurados:

"Monsieur le président, Messieurs les jurés,

17.

»Tengo muy poco que decir. La mujer cuya tumba violé había sido mi amante. La amaba.

"J'ai très peu de choses à dire. La femme dont j'ai violé la tombe avait été ma maîtresse. Je l'aimais.

18.

»La amaba no con un amor sensual, no con una simple ternura de alma y corazón, sino con un amor absoluto, completo, con pasión desesperada.

"Je l'aimais, non point d'un amour sensuel, non point d'une simple tendresse d'âme et de cœur, mais d'un amour absolu, complet, d'une passion éperdue.

19.

»Escúchenme:

"Ecoutez-moi:

20.

»Cuando la conocí por primera vez, al verla sentí una sensación extraña. No fue sorpresa ni admiración, no fue lo que se llama un flechazo, sino un sentimiento de bienestar delicioso, como si me hubieran metido en un baño de agua tibia. Sus gestos me seducían, su voz me fascinaba, al mirarla toda su persona provocaba en mí un placer infinito. Me parecía además que la conocía hacía mucho, que ya la había visto. Llevaba en ella un no sé qué de mi propio espíritu.

"Quand je l'ai rencontrée pour la première fois, j'ai ressenti, en la voyant, une étrange sensation. Ce ne fut point de l'étonnement, ni de l'admiration, ce ne fut point ce qu'on appelle le coup de foudre, mais un sentiment de bien-être délicieux, comme si on m'eût plongé dans un bain tiède. Ses gestes me séduisaient, sa voix me ravissait, toute sa personne me faisait un plaisir infini à regarder. Il me semblait aussi que je la connaissais depuis longtemps, que je l'avais vue déjà. Elle portait en elle quelque chose de mon esprit.

21.

»Me parecía una especie de respuesta a un llamamiento lanzado por mi alma, a ese llamada vaga y continuada que lanzamos a la Esperanza durante todo el curso de nuestra vida.

"Elle m'apparaissait comme une réponse à un appel jeté par mon âme, à cet appel vague et continu que nous poussons vers l'Espérance durant tout le cours de notre vie.

22.

»Cuando la conocí un poco más, el solo pensamiento de volver a verla me turbaba de un modo exquisito y profundo; el contacto de su mano y la mía suponía tal delicia para mí que antes nunca lo hubiera imaginado; su sonrisa derramaba en mis ojos una alegría frenética, me daba deseos de correr, de bailar, de rodar por el suelo.

"Quand je la connus un peu plus, la seule pensée de la revoir m'agitait d'un trouble exquis et profond; le contact de sa main dans ma main était pour moi un tel délice que je n'en avais point imaginé de semblable auparavant, son sourire me versait dans les yeux une allégresse folle, me donnait envie de courir, de danser, de me rouler par terre.

23.

»Así pues se convirtió en mi amante.

"Elle devint donc ma maîtresse.

24.

»Fue más que eso, fue mi vida misma. Yo no esperaba nada más en la tierra, no deseaba nada, nada más. No anhelaba nada más.

"Elle fut plus que cela, elle fut ma vie même. Je n'attendais plus rien sur la terre, je ne désirais rien, plus rien. Je n'enviais plus rien.

25.

»Una noche, que fuimos a dar un paseo un poco más lejos a lo largo del río, la lluvia nos atrapó. Hacía frío.

"Or, un soir, comme nous étions allés nous promener un peu plus loin le long de la rivière, la pluie nous surprit. Elle eut froid.

26.

»Al día siguiente se le declaró una fluxión de pecho. Ocho días más tarde, expiraba.

"Le lendemain une fluxion de poitrine se déclara. Huit jours plus tard elle expirait.

27.

»Durante las horas de agonía, el asombro y el espanto me impidieron comprender bien y reflexionar.

"Pendant les heures d'agonie, l'étonnement, l'effarement m'empêchèrent de bien comprendre, de bien réfléchir.

28.

«Cuando estuvo muerta, la desesperación brutal me dejó tan aturdido que no tenía siquiera pensamiento. Lloraba.

"Quand elle fut morte, le désespoir brutal m'étourdit tellement que je n'avais plus de pensée. Je pleurais.

29.

»Durante todas las horribles fases del entierro, mi dolor agudo y furioso seguía siendo un amor de loco, una especie de dolor sensual, físico.

"Pendant toutes les horribles phases de l'ensevelissement ma douleur aiguë, furieuse, était encore une douleur de fou, une sorte de douleur sensuelle, physique.

30.

«Luego, cuando hubo partido, cuando estuvo enterrada, mi espíritu se aclaró de pronto y pasé toda una serie de sufrimientos morales tan espantosos que hasta el amor mismo que ella me había dado resultaba caro a tal precio.

"Puis quand elle fut partie, quand elle fut en terre, mon esprit redevint net tout d'un coup et je passai par toute une suite de souffrances morales si épouvantables que l'amour même qu'elle m'avait donné était cher à ce prix-là.

31.

Entonces me obsesionó esta idea fija:

"Alors entra en moi cette idée fixe:

32.

"Nunca más volveré a verla.

"Je ne la reverrai plus."

33.

«Cuando se piensa en esto durante todo un día, se apodera de uno la demencia. ¡Piensen! ¡Un ser que te adora, un ser único, porque en toda la extensión de la tierra no existe otro que se le parezca! Ese ser se ha entregado a vosotros, crea con vosotros esa unión misteriosa que se llama el Amor. Sus ojos os parecen más vastos que el espacio, más fascinantes que el mundo, esos ojos claros donde sonríe la ternura. Ese ser os ama. Cuando os habla, su voz derrama una oleada de felicidad.

Quand on réfléchit à cela pendant un jour tout entier, une démence vous emporte! Songez! Un être est là, que vous adorez, un être unique car dans toute l'étendue de la terre il n'en existe pas un second qui lui ressemble. Cet être s'est donné à vous, il crée avec vous cette union mystérieuse qu'on nomme l'Amour. Son œil vous semble plus vaste que l'espace, plus charmant que le monde, son œil clair où sourit la tendresse. Cet être vous aime. Quand il vous parle, sa voix vous verse un flot de bonheur.

34.

»¡Y de golpe desaparece! ¡Piensen! Desaparece no solo para ustedes, sino para siempre. Está muerto. ¿Comprenden esta palabra? Nunca, nunca, nunca, en ninguna parte volverá a existir ese ser. Nunca esos ojos mirarán ya nada; nunca esa voz, nunca una voz semejante, entre todas las voces humanas, pronunciará de la misma forma una siquiera de las palabras que pronunciaba la suya.

"Et tout d'un coup il disparaît! Songez! Il disparaît non pas seulement pour vous, mais pour toujours. Il est mort. Comprenez-vous ce mot? jamais, jamais, jamais, nulle part, cet être n'existera plus. Jamais cet œil ne regardera plus rien; jamais cette voix, jamais une voix pareille, parmi toutes les voix humaines, ne prononcera de la même façon un des mots que prononçait la sienne.

35.

»Nunca ningún rostro volverá a nacer semejante al suyo. ¡Jamás, jamás! Se guardan los moldes de las estatuas; se conservan las marcas que permiten reconstruir los objetos con los mismos contornos y los mismos colores. Pero ese cuerpo y esa cara nunca volverán a reaparecer sobre la tierra. Y sin embargo nacerán millares de criaturas, millones, miles de millones, y mucho más aún, y entre todas las mujeres futuras ésa no volverá a renacer. ¿Es posible? Pensando en ello, uno se vuelve loco.

"Jamais aucun visage ne renaîtra semblable au sien. Jamais, jamais! On garde les moules des statues; on conserve des empreintes qui refont des objets avec les mêmes contours et les mêmes couleurs. Mais ce corps et ce visage, jamais ils ne reparaîtront sur la terre. Et pourtant il en naîtra des milliers de créatures, des millions, des milliards, et bien plus encore, et parmi toutes les femmes futures, jamais celle-là ne se retrouvera. Est-ce possible? On devient fou en y songeant!

36.

»Ha vivido veinte años, no más, y ha desaparecido para siempre, para siempre, para siempre.Ella pensaba, sonreía, me amaba. Nada más. Las moscas que mueren en otoño son tantas como nosotros en la creación. Nada más. Y yo pensaba que su cuerpo, su cuerpo fresco, cálido, tan dulce, tan blanco, tan hermoso, iba a pudrirse en el fondo de un ataúd bajo tierra. Y su alma, su pensamiento, su amor, adónde?

"Elle a existé vingt ans, pas plus, et elle a disparu pour toujours, pour toujours, pour toujours! Elle pensait, elle souriait, elle m'aimait. Plus rien. Les mouches qui meurent à l'automne sont autant que nous dans la création. Plus rien! Et je pensais que son corps, son corps frais, chaud, si doux, si blanc, si beau, s'en allait en pourriture dans le fond d'une boîte sous la terre. Et son âme, sa pensée, son amour, où?

37.

»¡No volver a verla! ¡No volver a verla! Me atormentaba la idea de ese cuerpo descompuesto que, sin embargo, acaso yo pudiera reconocer. ¡Y quise contemplarlo una vez más!

"Ne plus la revoir! Ne plus la revoir! L'idée me hantait de ce corps décomposé, que je pourrais peut-être reconnaître pourtant. Et je voulus la regarder encore une fois!

38.

»Salí con una azada, una linterna y un martillo. Salté la tapia del cementerio. Encontré el agujero de su tumba; aún no lo habían tapado por completo.

"Je partis avec une bêche, une lanterne, un marteau. Je sautai par-dessus le mur du cimetière. Je retrouvai le trou de sa tombe; on ne l'avait pas encore tout à fait rebouché.

39.

»Descubrí el féretro. Y levanté una tabla. Un olor abominable, el aliento infame de las putrefacciones subió hasta mi cara. ¡Oh, su lecho, perfumado de lirios!

"Je mis le cercueil à nu. Et je soulevai une planche. Une odeur abominable, le souffle infâme des putréfactions me monta dans la figure. Oh! son lit, parfumé d'iris!

40.

»¡Abrí sin embargo el ataúd, y hundí dentro mi linterna encendida, y la vi. ¡Tenía la cara azulada, tumefacta, espantosa! De su boca había fluido un líquido negro.

"J'ouvris la bière cependant, et je plongeai dedans ma lanterne allumée, et je la vis. Sa figure était bleue, bouffie, épouvantable! Un liquide noir avait coulé de sa bouche.

41.

»¡Ella! ¡Era ella! Me sobrecogí de horror. ¡Pero estiré el brazo y cogí su pelo para atraer hacia mí aquella cara monstruosa!

"Elle! c'était elle! Une horreur me saisit. Mais j'allongeai le bras et je pris ses cheveux pour attirer à moi cette face monstrueuse!

42.

»Fue entonces cuando me detuvieron.

"C'est alors qu'on m'arrêta.

43.

»Toda la noche guardé, como se guarda el perfume de una mujer tras un abrazo amoroso, el aroma inmundo de aquella podredumbre, el aroma de mi amada.

"Toute la nuit j'ai gardé, comme on garde le parfum d'une femme après une étreinte d'amour, l'odeur immonde de cette pourriture, l'odeur de ma bien-aimée!

44.

»Hagan ustedes de mí lo que quieran.»

"Faites de moi ce que vous voudrez."

45.

Un extraño silencio se dejó caer sobre la sala. Todos parecían esperar algo más. Los jurados se retiraron para deliberar.

Un étrange silence paraissait peser sur la salle. On semblait attendre quelque chose encore. Les jurés se retirèrent pour délibérer.

46.

Cuando regresaron al cabo de unos minutos, el acusado parecía no temer nada e incluso faltarle la capacidad de pensar.

Quand ils rentrèrent au bout de quelques minutes, l'accusé semblait sans craintes, et même sans pensée.

47.

El presidente, con las fórmulas de costumbre, le anunció que sus jueces lo declaraban inocente.

Le président, avec les formules d'usage, lui annonça que les juges le déclaraient innocent.

48.

Él no hizo ni un gesto, y el público aplaudió.

Il ne fit pas un geste, et le public applaudit.

49.

29 de julio 1883

29 juillet 1883

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