Los suicidas / Suicides - Guy de Maupassant
1.

No pasa un día sin que aparezca en los periódicos la relación de algún suceso como éste:

Il ne passe guère de jour sans qu'on lise dans quelque journal le fait divers suivant:

2.

"Anoche, los vecinos de la casa número tal de la calle tal oyeron dos o tres detonaciones y, saliendo a la escalera para saber lo que ocurría, entre todos pudieron comprobar que se habían producido en el cuarto del señor X. Al abrir la puerta de dicho cuarto —después de llamar inútilmente— vieron al inquilino tendido en el suelo, sobre un charco de sangre y empuñando aún el revólver con el cual se había ocasionado la muerte".

"Dans la nuit de mercredi à jeudi, les habitants de la maison portant le n° 40 de la rue de... ont été réveillés par deux détonations successives. Le bruit partait d'un logement habité par M. X... La porte fut ouverte, et on trouva ce locataire baigné dans son sang, tenant encore à la main le revolver avec lequel il s'était donné la mort.

3.

"Se ignora la causa de tan funesta determinación, porque el señor X. vivía en posición desahogada y, teniendo ya cincuenta y siete años, disfrutaba de bastante salud".

"M. X... était âgé de cinquante-sept ans, jouissait d'une aisance honorable et avait tout ce qu'il faut pour être heureux. On ignore absolument la cause de sa funeste détermination."

4.

¿Qué angustiosos tormentos, qué ocultas desdichas, qué horribles desencantos convierten a esas personas, al parecer felices, en suicidas? Indagamos, presumimos al punto, dramas pasionales, misterios de amor, desastres de intereses, y como no se descubre jamás una causa precisa, cubrimos con una palabra esas muertes inexplicables: "Misterio, misterio".

Quelles douleurs profondes, quelles lésions du coeur, désespoirs cachés, blessures brûlantes poussent au suicide ces gens qui sont heureux ? On cherche, on imagine des drames d'amour, on soupçonne des désastres d'argent et, comme on ne découvre jamais rien de précis, on met sur ces morts, le mot "Mystère".

5.

Una carta escrita poco antes de morir, por uno de los muchos que "se suicidan sin motivo", cayó en mi poder. La juzgo interesante. No descubre ningún derrumbamiento, ninguna miseria espantosa, nada de lo extraordinario que se busca siempre para justificar una catástrofe; pero pone de relieve la sucesión de pequeños desencantos que desorganizan fatalmente la existencia solitaria de un hombre que ha perdido todas las ilusiones y acaso explique —a los nerviosos y a los sensitivos, al menos— la tragedia inexplicable de "suicidios inmotivados".

Une lettre trouvée sur la table d'un de ces "suicidés sans raison", et écrite pendant la dernière nuit, auprès du pistolet chargé, est tombée entre nos mains. Nous la croyons intéressante. Elle ne révèle aucune des grandes catastrophes qu'on cherche toujours derrière ces actes de désespoir ; mais elle montre la lente succession des petites misères de la vie, la désorganisation fatale d'une existence solitaire, dont les rêves sont disparus, elle donne la raison de ces fins tragiques que les nerveux et les sensitifs seuls comprendront.

6.

Leámosla:

La voici :

7.

"Son ya las doce de la noche. Cuando haya escrito esta carta, voy a matarme. ¿Por qué? Trato de razonar mi determinación, para darme cuenta yo mismo de que se impone fatalmente, de que no debo aplazarla".

"Il est minuit. Quand j'aurai fini cette lettre, je me tuerai. Pourquoi ? Je vais tâcher de le dire, non pour ceux qui liront ces lignes, mais pour moi-même, pour renforcer mon courage défaillant, me bien pénétrer de la nécessité maintenant fatale de cet acte qui ne pourrait être que différé.

8.

"Mis padres eran gentes muy sencillas y crédulas. Yo creí en todo, como ellos".

J'ai été élevé par des parents simples qui croyaient à tout. Et j'ai cru comme eux.

9.

"Mi engaño duró mucho. Hace poco, se desgarraron para mí los últimos jirones que me velaban la verdad.

Mon rêve dura longtemps. Les derniers lambeaux viennent seulement de se déchirer.

10.

Pero hace ya bastantes años que todos los acontecimientos de mi existencia palidecen. La significación de lo más brillante y atractivo se me presenta en su torpe realidad; la verdadera causa del amor llegó incluso a sustraerme de las poéticas ternuras".

Depuis quelques années déjà un phénomène se passe en moi. Tous les événements de l'existence qui, autrefois, resplendissaient à mes yeux comme des aurores, me semblent se décolorer. La signification des choses m'est apparue dans sa réalité brutale ; et la raison vraie de l'amour m'a dégoûté même des poétiques tendresses.

11.

"Nos engañan estúpidas y agradables ilusiones que se renuevan sin cesar".

Nous sommes les jouets éternels d'illusions stupides et charmantes toujours renouvelées.

12.

"Envejeciendo, me había resignado a la horrible miseria de las cosas, a lo vano de todo esfuerzo, a lo inútil que resulta siempre la esperanza: cuando una luz nueva inundó el vacío de mi vida esta noche, después de comer".

Alors, vieillissant, j'avais pris mon parti de l'horrible misère des choses, de l'inutilité des efforts, de la vanité des attentes, quand une lumière nouvelle sur le néant de tout m'est apparue ce soir, après dîner.

13.

"¡Antes yo era feliz! Todo me alegraba: las mujeres al pasar, las calles, mi vivienda, y aun la hechura de mis ropas constituía para mí una preocupación agradable. Pero las mismas ideas, los mismos actos repetidos, monótonos, acabaron por sumergir mi alma en una laxitud espantosa".

Autrefois, j'étais joyeux ! Tout me charmait : les femmes qui passent, l'aspect des rues, les lieux que j'habite ; et je m'intéressais même à la forme des vêtements. Mais la répétition des mêmes visions a fini par m'emplir le coeur de lassitude et d'ennui, comme il arriverait pour un spectateur entrant chaque soir au même théâtre.

14.

"Todos los días, a la misma hora, durante treinta años, me levanté de la cama; y todos los días, en el mismo restaurante, durante treinta años, a las mismas horas, me servían los mismos platos mozos diferentes".

Tous les jours, à la même heure depuis trente ans, je me lève ; et, dans le même restaurant, depuis trente ans, je mange aux mêmes heures les mêmes plats apportés par des garçons différents.

15.

"Me propuse viajar. El aislamiento que sentimos en ciudades nuevas, en residencias desconocidas, me asustó. Sentíame tan abandonado sobre la tierra, tan insignificante, que volví a tomar el camino de mi casa".

J'ai tenté de voyager ? L'isolement qu'on éprouve en des lieux inconnus m'a fait peur. Je me suis senti tellement seul sur la terre, et si petit, que j'ai repris bien vite la route de chez moi.

16.

"Y, entonces, la inmutable fisonomía de los muebles, fijos en el mismo lugar durante treinta años, las rozaduras de mis sillones, que yo conocí nuevos, el olor de mi casa —cada casa que habitamos, con el tiempo adquiere un olor especial— acabaron produciéndome náuseas y la negra melancolía de vivir mecánicamente".

Mais alors l'immuable physionomie de mes meubles, depuis trente ans à la même place, l'usure de mes fauteuils que j'avais connus neufs, l'odeur de mon appartement (car chaque logis prend, avec le temps, une odeur particulière), m'ont donné, chaque soir, la nausée des habitudes et la noire mélancolie de vivre ainsi.

17.

"Todo se repite sin cesar y de un modo lamentable. Hasta la manera de introducir —al volver cada noche— la llave en la cerradura; el sitio donde siempre dejo las cerillas; la mirada que al entrar esparzo en torno de mi habitación, mientras el fósforo se inflama. Y todo me provoca —para verme libre de una existencia tan ruin— a tirarme por el balcón".

Tout se répète sans cesse et lamentablement. La manière même dont je mets en rentrant la clef dans la serrure, la place où je trouve toujours mes allumettes, le premier coup d'oeil jeté dans ma chambre quand le phosphore s'enflamme, me donnent envie de sauter par la fenêtre et d'en finir avec ces événements monotones auxquels nous n'échappons jamais.

18.

"Mientras me afeito, cada mañana me seduce la idea de degollarme, y mi rostro, el mismo siempre, que se refleja en el espejo con las mejillas cubiertas de jabón, muchas veces me hizo llorar de tristeza".

J'éprouve chaque jour, en me rasant, un désir immodéré de me couper la gorge ; et ma figure, toujours la même, que je revois dans la petite place avec du savon sur les joues, m'a plusieurs fois fait pleurer de tristesse.

19.

"Ni siquiera me complace tropezar con personas a las cuales veía con gusto hace tiempo; las conozco tanto que adivino lo que me dirán y lo que les diré; a fuerza de razonar con las mismas, descubrimos la ilación de sus ideas. Cada cerebro es como un circo donde un pobre caballo da vueltas. Por mucho que nos empeñemos en buscar otros caminos, por muchas cabriolas que hagamos, la pista no varía de forma ni ofrece lances imprevistos ni abre puertas ignoradas. Hay que dar vueltas y más vueltas, pasando siempre por las mismas reflexiones, por los mismos chistes, por las mismas costumbres, por las mismas creencias, por los mismos desencantos".

Je ne puis même plus me retrouver auprès des gens que je rencontrais jadis avec plaisir, tant je les connais, tant je sais ce qu'ils vont me dire et ce que je vais répondre, tant j'ai vu le moule de leurs pensées immuables, le pli de leurs raisonnements. Chaque cerveau est comme un cirque, où tourne éternellement un pauvre cheval enfermé. Quels que soient nos efforts, nos détours, nos crochets, la limite est proche et arrondie d'une façon continue, sans saillies imprévues et sans porte sur l'inconnu. Il faut tourner, tourner toujours, par les mêmes idées, les mêmes joies, les mêmes plaisanteries, les mêmes habitudes, les mêmes croyances, les mêmes écoeurements.

20.

"Al retirarme hoy a mi casa, una insistente niebla invadía el bulevar, oscureciendo los faroles de gas, que parecían candilejas. Pesaba el ambiente húmedo sobre mis hombros como una carga. Seguramente hago una digestión difícil".

Le brouillard était affreux, ce soir. Il enveloppait le boulevard où les becs de gaz obscurcis semblaient des chandelles fumeuses. Un poids plus lourd que d'habitude me pesait sur les épaules. Je digérais mal, probablement.

21.

"Y una buena digestión lo es todo en la vida. Ofrece inspiraciones al artista, deseos a los jóvenes enamorados, luminosas ideas a los pensadores, alegría de vivir a todo el mundo, y permite comer con abundancia —lo cual es también una dicha. Un estómago enfermo conduce al escepticismo, a la incredulidad, engendra sueños terribles y ansias de muerte. Lo he notado con frecuencia. Es posible que no me matara esta noche, haciendo una buena digestión".

Car une bonne digestion est tout dans la vie. C'est elle qui donne l'inspiration à l'artiste, les désirs amoureux aux jeunes gens, des idées claires aux penseurs, la joie de vivre à tout le monde, et elle permet de manger beaucoup (ce qui est encore le plus grand bonheur). Un estomac malade pousse au scepticisme, à l'incrédulité, fait germer les songes noirs et les désirs de mort. Je l'ai remarqué fort souvent. Je ne me tuerais peut-être pas si j'avais bien digéré ce soir.

22.

"Después de haberme acomodado en el sillón donde me siento hace treinta años todos los días, miré alrededor, creyéndome víctima de un desaliento espantoso".

Quand je fus assis dans le fauteuil où je m'assois tous les jours depuis trente ans, je jetai les yeux autour de moi, et je me sentis saisi par une détresse si horrible que je me crus près de devenir fou.

23.

"¿De qué medio valerme para escapar a mi razón macilenta, más horrible aún que la desordenada locura? Cualquier empleo, cualquier trabajo me parece más odioso que la acción en que vivo. Quise poner en orden mis papeles".

Je cherchai ce que je pourrais faire pour échapper à moi-même ? Toute occupation m'épouvanta comme plus odieuse encore que l'inaction. Alors, je songeai à mettre de l'ordre dans mes papiers.

24.

"Hacía tiempo que deseaba registrar los cajones de mi escritorio, porque durante los treinta últimos años había metido allí, al azar, las cartas y las cuentas. Aquel desorden llegó a preocuparme algunas veces; pero me sobrecoge una fatiga tal en cuanto me propongo un trabajo metódico y ordenado, que nunca me atreví a empezar".

Voici longtemps que je songeais à cette besogne d'épurer mes tiroirs ; car depuis trente ans, je jette pêle-mêle dans le même meuble mes lettres et mes factures, et le désordre de ce mélange m'a souvent causé bien des ennuis. Mais j'éprouve une telle fatigue morale et physique à la seule pensée de ranger quelque chose que je n'ai jamais eu le courage de me mettre à ce travail odieux.

25.

"Esta noche me senté junto a mi escritorio y abrí, resuelto a preservar algunos papeles y romper la mayor parte".

Donc je m'assis devant mon secrétaire et je l'ouvris, voulant faire un choix dans mes papiers anciens pour en détruire une grande partie.

26.

"Quedéme de pronto pensativo ante aquel hacinamiento de hojas amarillentas; luego cogí una".

Je demeurai d'abord troublé devant cet entassement de feuilles jaunies, puis j'en pris une.

27.

"¡Oh! Si aprecian en algo su vida, no toquen jamás las cartas viejas que guardan los cajones de su escritorio. Y si no pueden resistir la tentación de abrirlos, cojan a granel, con los ojos cerrados, los paquetes de cartas para tirarlos al fuego; no lean ni una sola frase, porque sólo ver la escritura olvidada y de pronto reconocida, los lanza en un océano de recuerdos; quemen esos papeles que matan; cuando estén hechos pavesas, pisotéenlos para convertirlos en impalpables cenizas... Y si no lo hacen así, los anonadarán como acaban de anonadarme y destruirme".

Oh ! ne touchez jamais à ce meuble, à ce cimetière, des correspondances d'autrefois, si vous tenez à la vie ! Et, si vous l'ouvrez par hasard, saisissez à pleines mains les lettres qu'il contient, fermez les yeux pour n'en point lire un mot, pour qu'une seule écriture oubliée et reconnue ne vous jette d'un seul coup dans l'océan des souvenirs ; portez au feu ces papiers mortels ; et, quand ils seront en cendres, écrasez-les encore en une poussière invisible... ou sinon vous êtes perdu... comme je suis perdu depuis une heure !...

28.

"¡Ah! Las primeras cartas no me han interesado; eran de fechas recientes y de personas que viven y a las que veo, sin gusto, con alguna frecuencia. Pero, de pronto, la vista de un sobre me ha estremecido. Al reconocer los rasgos de la escritura se han cubierto mis ojos de lágrimas. Era la letra de mi mejor amigo, del compañero de mi juventud, del confidente de mis esperanzas. Y se me apareció tan claramente, con su bondadosa sonrisa, tendiéndome las manos, que sentí un escalofrío penetrante; hasta mis huesos vibraron. Sí, sí; los muertos vuelven. ¡Lo he visto! Nuestra memoria es un mundo más acabado aún que el universo; ¡puede hacer vivir hasta lo que no existe! ".

Ah! les premières lettres que j'ai relues ne m'ont point intéressé. Elles étaient récentes d'ailleurs, et me venaient d'hommes vivants que je rencontre encore assez souvent et dont la présence ne me touche guère. Mais soudain une enveloppe m'a fait tressaillir. Une grande écriture large y avait tracé mon nom ; et brusquement les larmes me sont montées aux yeux. C'était mon plus cher ami, celui-là, le compagnon de ma jeunesse, le confident de mes espérances ; et il m'apparut si nettement, avec son sourire bon enfant et la main tendue vers moi qu'un frisson me secoua les os. Oui, oui, les morts reviennent, car je l'ai vu ! Notre mémoire est un monde plus parfait que l'univers: elle rend la vie à ce qui n'existe plus!

29.

"Con la mano temblorosa y los ojos turbios, recorrí toda su carta, y en mi pobre corazón angustiado, he sentido un desgarramiento espantoso. Mis lamentaciones eran tan lastimosas, como si me hubiesen magullado las carnes".

La main tremblante, le regard brumeux, j'ai relu tout ce qu'il me disait, et dans mon pauvre coeur sanglotant j'ai senti une meurtrissure si douloureuse que je me mis à pousser des gémissements comme un homme dont on brise les membres.

30.

"Así he ido remontándome a través de mi vida, como remontamos un río, luchando contra la corriente. Aparecieron personas olvidadas, cuyos nombres no puedo recordar; pero su rostro sí lo recuerdo. En las cartas de mi madre, resucitan criados antiguos, el aspecto de nuestra casa y mil detalles nimios que una inteligencia infantil recoge".

Alors j'ai remonté toute ma vie ainsi qu'on remonte un fleuve. J'ai reconnu des gens oubliés depuis si longtemps que je ne savais plus leur nom. Leur figure seule vivait en moi. Dans les lettres de ma mère, j'ai retrouvé les vieux domestiques et la forme de notre maison et les petits détails insignifiants où s'attache l'esprit des enfants.

31.

"Sí; he visto de pronto los vestidos que usó mi madre en distintas épocas y, según la moda y según el tocado, mostraba una fisonomía diferente. Sobre todo me obsesionaba con un traje de seda rameado, y recuerdo que un día, llevando aquel traje, me amonestó dulcemente: 'Roberto, hijo mío, si no procuras erguirte un poco, serás jorobado toda tu vida' ".

Oui, j'ai revu soudain toutes les vieilles toilettes de ma mère avec ses physionomies différentes suivant les modes qu'elle portait et les coiffures qu'elle avait successivement adoptées. Elle me hantait surtout dans une robe de soie à ramages anciens ; et je me rappelais une phrase, qu'un jour, portant cette robe, elle m'avait dite : "Robert, mon enfant, si tu ne te tiens pas droit, tu seras bossu toute ta vie."

32.

"Luego, al abrir otro cajón, aparecieron las prendas marchitas de mis amores: un zapatito de baile, un pañuelo desgarrado, una liga de seda, trencitas de pelo, flores... Y las novelas de mi vida sentimental me sumergieron más en la triste melancolía de lo que no vuelve. ¡Ah! ¡Las frentes juveniles orladas con rubios cabellos, las manos acariciadoras, los ojos insinuantes, la sonrisa que promete un beso, el beso que asegura un paraíso!... Y ¡el primer beso!... Aquel beso delicioso, interminable, que ofusca la mirada, que abate la imaginación, que nos posee y nos glorifica, ofreciéndonos a la vez un goce ideal y la promesa de otros goces deseados. Cogiendo con ambas manos aquellas prendas tristes de lejanas ternuras, las cubrí de caricias furiosas y en mi corazón desolado por los recuerdos sentía resonar cada hora de abandono, sufriendo un suplicio más cruel que las monstruosas leyendas infernales. ¡Ah! ¿Por qué las abandoné o por qué me abandonaron?".

Puis soudain, ouvrant un autre tiroir, je me retrouvai en face de mes souvenirs d'amour : une bottine de bal, un mouchoir déchiré, une jarretière même, des cheveux et des fleurs desséchées. Alors les doux romans de ma vie, dont les héroïnes encore vivantes ont aujourd'hui des cheveux tout blancs, m'ont plongé dans l'amère mélancolie des choses à jamais finies. Oh ! les fronts jeunes où frisent les cheveux dorés, la caresse des mains, le regard qui parle, les coeurs qui battent, ce sourire qui promet les lèvres, ces lèvres qui promettent l'étreinte... Et le premier baiser..., ce baiser sans fin qui fait se fermer les yeux, qui anéantit toute pensée dans l'incommensurable bonheur de la possession prochaine.

33.

"Quedaba por ver una carta fechada hacía medio siglo. Me la dictó el maestro de escritura:

Prenant Une dernière lettre restait. Elle était de moi et dictée de cinquante ans auparavant par mon professeur d'écriture. La voici :

34.

'MAMITA DE MI ALMA, 

MA PETITE MAMAN CHÉRIE, 

35.

'Hoy cumplo siete años. A esa edad ya se discurre; ya sé lo que te debo. Te juro emplear bien la vida que me has dado.

"J'ai aujourd'hui sept ans. C'est l'âge de raison, j'en profite pour te remercier de m'avoir donné le jour.

36.

'Tu hijo que te adora, 

"Ton petit garçon qui t'adore, 

37.

Roberto'.

Robert.

38.

"Me había remontado hasta el origen. El recuerdo era desconsolador. ¿Y el porvenir? Quise profundizar en lo que me faltaba de vida, y se me apareció la vejez espantosa y solitaria, con su cortejo de achaques y dolencias... ¡Todo acabado para mí! ¡Nadie junto a mí! ".

C'était fini. J'arrivais à la source, et brusquement je me retournai pour envisager le reste de mes jours. Je vis la vieillesse hideuse et solitaire, et les infirmités prochaines et tout fini, fini, fini ! Et personne autour de moi.

39.

"El revólver está sobre la mesa... Es tentador... "¡No lean nunca las cartas de otros tiempos! ¡No recuerden viejas memorias!..."

Mon revolver est là, sur la table... Je l'arme... Ne relisez jamais vos vieilles lettres."

40.

Así es como se matan muchos hombres en cuya plácida existencia no hallamos el verdadero motivo de su fatal resolución.

Et voilà comment se tuent beaucoup d'hommes dont on fouille en vain l'existence pour y découvrir de grands chagrins.

00:00 17:32

Tamaño de Fuente
Tipografía
Alineación

Velocidad de Reproducción
Reproducir siguiente automáticamente
Alineación
Cambiar Idioma
Modo Noche
Volumen
Compartir
Favorito

4235

3969

3971

Guy de Maupassant

Autor.aspx?id=310

Los suicidas / Suicides

TextosParalelosVersion.aspx?id=2619&idB=2621

1.

No pasa un día sin que aparezca en los periódicos la relación de algún suceso como éste:

Il ne passe guère de jour sans qu'on lise dans quelque journal le fait divers suivant:

2.

"Anoche, los vecinos de la casa número tal de la calle tal oyeron dos o tres detonaciones y, saliendo a la escalera para saber lo que ocurría, entre todos pudieron comprobar que se habían producido en el cuarto del señor X. Al abrir la puerta de dicho cuarto —después de llamar inútilmente— vieron al inquilino tendido en el suelo, sobre un charco de sangre y empuñando aún el revólver con el cual se había ocasionado la muerte".

"Dans la nuit de mercredi à jeudi, les habitants de la maison portant le n° 40 de la rue de... ont été réveillés par deux détonations successives. Le bruit partait d'un logement habité par M. X... La porte fut ouverte, et on trouva ce locataire baigné dans son sang, tenant encore à la main le revolver avec lequel il s'était donné la mort.

3.

"Se ignora la causa de tan funesta determinación, porque el señor X. vivía en posición desahogada y, teniendo ya cincuenta y siete años, disfrutaba de bastante salud".

"M. X... était âgé de cinquante-sept ans, jouissait d'une aisance honorable et avait tout ce qu'il faut pour être heureux. On ignore absolument la cause de sa funeste détermination."

4.

¿Qué angustiosos tormentos, qué ocultas desdichas, qué horribles desencantos convierten a esas personas, al parecer felices, en suicidas? Indagamos, presumimos al punto, dramas pasionales, misterios de amor, desastres de intereses, y como no se descubre jamás una causa precisa, cubrimos con una palabra esas muertes inexplicables: "Misterio, misterio".

Quelles douleurs profondes, quelles lésions du coeur, désespoirs cachés, blessures brûlantes poussent au suicide ces gens qui sont heureux ? On cherche, on imagine des drames d'amour, on soupçonne des désastres d'argent et, comme on ne découvre jamais rien de précis, on met sur ces morts, le mot "Mystère".

5.

Una carta escrita poco antes de morir, por uno de los muchos que "se suicidan sin motivo", cayó en mi poder. La juzgo interesante. No descubre ningún derrumbamiento, ninguna miseria espantosa, nada de lo extraordinario que se busca siempre para justificar una catástrofe; pero pone de relieve la sucesión de pequeños desencantos que desorganizan fatalmente la existencia solitaria de un hombre que ha perdido todas las ilusiones y acaso explique —a los nerviosos y a los sensitivos, al menos— la tragedia inexplicable de "suicidios inmotivados".

Une lettre trouvée sur la table d'un de ces "suicidés sans raison", et écrite pendant la dernière nuit, auprès du pistolet chargé, est tombée entre nos mains. Nous la croyons intéressante. Elle ne révèle aucune des grandes catastrophes qu'on cherche toujours derrière ces actes de désespoir ; mais elle montre la lente succession des petites misères de la vie, la désorganisation fatale d'une existence solitaire, dont les rêves sont disparus, elle donne la raison de ces fins tragiques que les nerveux et les sensitifs seuls comprendront.

6.

Leámosla:

La voici :

7.

"Son ya las doce de la noche. Cuando haya escrito esta carta, voy a matarme. ¿Por qué? Trato de razonar mi determinación, para darme cuenta yo mismo de que se impone fatalmente, de que no debo aplazarla".

"Il est minuit. Quand j'aurai fini cette lettre, je me tuerai. Pourquoi ? Je vais tâcher de le dire, non pour ceux qui liront ces lignes, mais pour moi-même, pour renforcer mon courage défaillant, me bien pénétrer de la nécessité maintenant fatale de cet acte qui ne pourrait être que différé.

8.

"Mis padres eran gentes muy sencillas y crédulas. Yo creí en todo, como ellos".

J'ai été élevé par des parents simples qui croyaient à tout. Et j'ai cru comme eux.

9.

"Mi engaño duró mucho. Hace poco, se desgarraron para mí los últimos jirones que me velaban la verdad.

Mon rêve dura longtemps. Les derniers lambeaux viennent seulement de se déchirer.

10.

Pero hace ya bastantes años que todos los acontecimientos de mi existencia palidecen. La significación de lo más brillante y atractivo se me presenta en su torpe realidad; la verdadera causa del amor llegó incluso a sustraerme de las poéticas ternuras".

Depuis quelques années déjà un phénomène se passe en moi. Tous les événements de l'existence qui, autrefois, resplendissaient à mes yeux comme des aurores, me semblent se décolorer. La signification des choses m'est apparue dans sa réalité brutale ; et la raison vraie de l'amour m'a dégoûté même des poétiques tendresses.

11.

"Nos engañan estúpidas y agradables ilusiones que se renuevan sin cesar".

Nous sommes les jouets éternels d'illusions stupides et charmantes toujours renouvelées.

12.

"Envejeciendo, me había resignado a la horrible miseria de las cosas, a lo vano de todo esfuerzo, a lo inútil que resulta siempre la esperanza: cuando una luz nueva inundó el vacío de mi vida esta noche, después de comer".

Alors, vieillissant, j'avais pris mon parti de l'horrible misère des choses, de l'inutilité des efforts, de la vanité des attentes, quand une lumière nouvelle sur le néant de tout m'est apparue ce soir, après dîner.

13.

"¡Antes yo era feliz! Todo me alegraba: las mujeres al pasar, las calles, mi vivienda, y aun la hechura de mis ropas constituía para mí una preocupación agradable. Pero las mismas ideas, los mismos actos repetidos, monótonos, acabaron por sumergir mi alma en una laxitud espantosa".

Autrefois, j'étais joyeux ! Tout me charmait : les femmes qui passent, l'aspect des rues, les lieux que j'habite ; et je m'intéressais même à la forme des vêtements. Mais la répétition des mêmes visions a fini par m'emplir le coeur de lassitude et d'ennui, comme il arriverait pour un spectateur entrant chaque soir au même théâtre.

14.

"Todos los días, a la misma hora, durante treinta años, me levanté de la cama; y todos los días, en el mismo restaurante, durante treinta años, a las mismas horas, me servían los mismos platos mozos diferentes".

Tous les jours, à la même heure depuis trente ans, je me lève ; et, dans le même restaurant, depuis trente ans, je mange aux mêmes heures les mêmes plats apportés par des garçons différents.

15.

"Me propuse viajar. El aislamiento que sentimos en ciudades nuevas, en residencias desconocidas, me asustó. Sentíame tan abandonado sobre la tierra, tan insignificante, que volví a tomar el camino de mi casa".

J'ai tenté de voyager ? L'isolement qu'on éprouve en des lieux inconnus m'a fait peur. Je me suis senti tellement seul sur la terre, et si petit, que j'ai repris bien vite la route de chez moi.

16.

"Y, entonces, la inmutable fisonomía de los muebles, fijos en el mismo lugar durante treinta años, las rozaduras de mis sillones, que yo conocí nuevos, el olor de mi casa —cada casa que habitamos, con el tiempo adquiere un olor especial— acabaron produciéndome náuseas y la negra melancolía de vivir mecánicamente".

Mais alors l'immuable physionomie de mes meubles, depuis trente ans à la même place, l'usure de mes fauteuils que j'avais connus neufs, l'odeur de mon appartement (car chaque logis prend, avec le temps, une odeur particulière), m'ont donné, chaque soir, la nausée des habitudes et la noire mélancolie de vivre ainsi.

17.

"Todo se repite sin cesar y de un modo lamentable. Hasta la manera de introducir —al volver cada noche— la llave en la cerradura; el sitio donde siempre dejo las cerillas; la mirada que al entrar esparzo en torno de mi habitación, mientras el fósforo se inflama. Y todo me provoca —para verme libre de una existencia tan ruin— a tirarme por el balcón".

Tout se répète sans cesse et lamentablement. La manière même dont je mets en rentrant la clef dans la serrure, la place où je trouve toujours mes allumettes, le premier coup d'oeil jeté dans ma chambre quand le phosphore s'enflamme, me donnent envie de sauter par la fenêtre et d'en finir avec ces événements monotones auxquels nous n'échappons jamais.

18.

"Mientras me afeito, cada mañana me seduce la idea de degollarme, y mi rostro, el mismo siempre, que se refleja en el espejo con las mejillas cubiertas de jabón, muchas veces me hizo llorar de tristeza".

J'éprouve chaque jour, en me rasant, un désir immodéré de me couper la gorge ; et ma figure, toujours la même, que je revois dans la petite place avec du savon sur les joues, m'a plusieurs fois fait pleurer de tristesse.

19.

"Ni siquiera me complace tropezar con personas a las cuales veía con gusto hace tiempo; las conozco tanto que adivino lo que me dirán y lo que les diré; a fuerza de razonar con las mismas, descubrimos la ilación de sus ideas. Cada cerebro es como un circo donde un pobre caballo da vueltas. Por mucho que nos empeñemos en buscar otros caminos, por muchas cabriolas que hagamos, la pista no varía de forma ni ofrece lances imprevistos ni abre puertas ignoradas. Hay que dar vueltas y más vueltas, pasando siempre por las mismas reflexiones, por los mismos chistes, por las mismas costumbres, por las mismas creencias, por los mismos desencantos".

Je ne puis même plus me retrouver auprès des gens que je rencontrais jadis avec plaisir, tant je les connais, tant je sais ce qu'ils vont me dire et ce que je vais répondre, tant j'ai vu le moule de leurs pensées immuables, le pli de leurs raisonnements. Chaque cerveau est comme un cirque, où tourne éternellement un pauvre cheval enfermé. Quels que soient nos efforts, nos détours, nos crochets, la limite est proche et arrondie d'une façon continue, sans saillies imprévues et sans porte sur l'inconnu. Il faut tourner, tourner toujours, par les mêmes idées, les mêmes joies, les mêmes plaisanteries, les mêmes habitudes, les mêmes croyances, les mêmes écoeurements.

20.

"Al retirarme hoy a mi casa, una insistente niebla invadía el bulevar, oscureciendo los faroles de gas, que parecían candilejas. Pesaba el ambiente húmedo sobre mis hombros como una carga. Seguramente hago una digestión difícil".

Le brouillard était affreux, ce soir. Il enveloppait le boulevard où les becs de gaz obscurcis semblaient des chandelles fumeuses. Un poids plus lourd que d'habitude me pesait sur les épaules. Je digérais mal, probablement.

21.

"Y una buena digestión lo es todo en la vida. Ofrece inspiraciones al artista, deseos a los jóvenes enamorados, luminosas ideas a los pensadores, alegría de vivir a todo el mundo, y permite comer con abundancia —lo cual es también una dicha. Un estómago enfermo conduce al escepticismo, a la incredulidad, engendra sueños terribles y ansias de muerte. Lo he notado con frecuencia. Es posible que no me matara esta noche, haciendo una buena digestión".

Car une bonne digestion est tout dans la vie. C'est elle qui donne l'inspiration à l'artiste, les désirs amoureux aux jeunes gens, des idées claires aux penseurs, la joie de vivre à tout le monde, et elle permet de manger beaucoup (ce qui est encore le plus grand bonheur). Un estomac malade pousse au scepticisme, à l'incrédulité, fait germer les songes noirs et les désirs de mort. Je l'ai remarqué fort souvent. Je ne me tuerais peut-être pas si j'avais bien digéré ce soir.

22.

"Después de haberme acomodado en el sillón donde me siento hace treinta años todos los días, miré alrededor, creyéndome víctima de un desaliento espantoso".

Quand je fus assis dans le fauteuil où je m'assois tous les jours depuis trente ans, je jetai les yeux autour de moi, et je me sentis saisi par une détresse si horrible que je me crus près de devenir fou.

23.

"¿De qué medio valerme para escapar a mi razón macilenta, más horrible aún que la desordenada locura? Cualquier empleo, cualquier trabajo me parece más odioso que la acción en que vivo. Quise poner en orden mis papeles".

Je cherchai ce que je pourrais faire pour échapper à moi-même ? Toute occupation m'épouvanta comme plus odieuse encore que l'inaction. Alors, je songeai à mettre de l'ordre dans mes papiers.

24.

"Hacía tiempo que deseaba registrar los cajones de mi escritorio, porque durante los treinta últimos años había metido allí, al azar, las cartas y las cuentas. Aquel desorden llegó a preocuparme algunas veces; pero me sobrecoge una fatiga tal en cuanto me propongo un trabajo metódico y ordenado, que nunca me atreví a empezar".

Voici longtemps que je songeais à cette besogne d'épurer mes tiroirs ; car depuis trente ans, je jette pêle-mêle dans le même meuble mes lettres et mes factures, et le désordre de ce mélange m'a souvent causé bien des ennuis. Mais j'éprouve une telle fatigue morale et physique à la seule pensée de ranger quelque chose que je n'ai jamais eu le courage de me mettre à ce travail odieux.

25.

"Esta noche me senté junto a mi escritorio y abrí, resuelto a preservar algunos papeles y romper la mayor parte".

Donc je m'assis devant mon secrétaire et je l'ouvris, voulant faire un choix dans mes papiers anciens pour en détruire une grande partie.

26.

"Quedéme de pronto pensativo ante aquel hacinamiento de hojas amarillentas; luego cogí una".

Je demeurai d'abord troublé devant cet entassement de feuilles jaunies, puis j'en pris une.

27.

"¡Oh! Si aprecian en algo su vida, no toquen jamás las cartas viejas que guardan los cajones de su escritorio. Y si no pueden resistir la tentación de abrirlos, cojan a granel, con los ojos cerrados, los paquetes de cartas para tirarlos al fuego; no lean ni una sola frase, porque sólo ver la escritura olvidada y de pronto reconocida, los lanza en un océano de recuerdos; quemen esos papeles que matan; cuando estén hechos pavesas, pisotéenlos para convertirlos en impalpables cenizas... Y si no lo hacen así, los anonadarán como acaban de anonadarme y destruirme".

Oh ! ne touchez jamais à ce meuble, à ce cimetière, des correspondances d'autrefois, si vous tenez à la vie ! Et, si vous l'ouvrez par hasard, saisissez à pleines mains les lettres qu'il contient, fermez les yeux pour n'en point lire un mot, pour qu'une seule écriture oubliée et reconnue ne vous jette d'un seul coup dans l'océan des souvenirs ; portez au feu ces papiers mortels ; et, quand ils seront en cendres, écrasez-les encore en une poussière invisible... ou sinon vous êtes perdu... comme je suis perdu depuis une heure !...

28.

"¡Ah! Las primeras cartas no me han interesado; eran de fechas recientes y de personas que viven y a las que veo, sin gusto, con alguna frecuencia. Pero, de pronto, la vista de un sobre me ha estremecido. Al reconocer los rasgos de la escritura se han cubierto mis ojos de lágrimas. Era la letra de mi mejor amigo, del compañero de mi juventud, del confidente de mis esperanzas. Y se me apareció tan claramente, con su bondadosa sonrisa, tendiéndome las manos, que sentí un escalofrío penetrante; hasta mis huesos vibraron. Sí, sí; los muertos vuelven. ¡Lo he visto! Nuestra memoria es un mundo más acabado aún que el universo; ¡puede hacer vivir hasta lo que no existe! ".

Ah! les premières lettres que j'ai relues ne m'ont point intéressé. Elles étaient récentes d'ailleurs, et me venaient d'hommes vivants que je rencontre encore assez souvent et dont la présence ne me touche guère. Mais soudain une enveloppe m'a fait tressaillir. Une grande écriture large y avait tracé mon nom ; et brusquement les larmes me sont montées aux yeux. C'était mon plus cher ami, celui-là, le compagnon de ma jeunesse, le confident de mes espérances ; et il m'apparut si nettement, avec son sourire bon enfant et la main tendue vers moi qu'un frisson me secoua les os. Oui, oui, les morts reviennent, car je l'ai vu ! Notre mémoire est un monde plus parfait que l'univers: elle rend la vie à ce qui n'existe plus!

29.

"Con la mano temblorosa y los ojos turbios, recorrí toda su carta, y en mi pobre corazón angustiado, he sentido un desgarramiento espantoso. Mis lamentaciones eran tan lastimosas, como si me hubiesen magullado las carnes".

La main tremblante, le regard brumeux, j'ai relu tout ce qu'il me disait, et dans mon pauvre coeur sanglotant j'ai senti une meurtrissure si douloureuse que je me mis à pousser des gémissements comme un homme dont on brise les membres.

30.

"Así he ido remontándome a través de mi vida, como remontamos un río, luchando contra la corriente. Aparecieron personas olvidadas, cuyos nombres no puedo recordar; pero su rostro sí lo recuerdo. En las cartas de mi madre, resucitan criados antiguos, el aspecto de nuestra casa y mil detalles nimios que una inteligencia infantil recoge".

Alors j'ai remonté toute ma vie ainsi qu'on remonte un fleuve. J'ai reconnu des gens oubliés depuis si longtemps que je ne savais plus leur nom. Leur figure seule vivait en moi. Dans les lettres de ma mère, j'ai retrouvé les vieux domestiques et la forme de notre maison et les petits détails insignifiants où s'attache l'esprit des enfants.

31.

"Sí; he visto de pronto los vestidos que usó mi madre en distintas épocas y, según la moda y según el tocado, mostraba una fisonomía diferente. Sobre todo me obsesionaba con un traje de seda rameado, y recuerdo que un día, llevando aquel traje, me amonestó dulcemente: 'Roberto, hijo mío, si no procuras erguirte un poco, serás jorobado toda tu vida' ".

Oui, j'ai revu soudain toutes les vieilles toilettes de ma mère avec ses physionomies différentes suivant les modes qu'elle portait et les coiffures qu'elle avait successivement adoptées. Elle me hantait surtout dans une robe de soie à ramages anciens ; et je me rappelais une phrase, qu'un jour, portant cette robe, elle m'avait dite : "Robert, mon enfant, si tu ne te tiens pas droit, tu seras bossu toute ta vie."

32.

"Luego, al abrir otro cajón, aparecieron las prendas marchitas de mis amores: un zapatito de baile, un pañuelo desgarrado, una liga de seda, trencitas de pelo, flores... Y las novelas de mi vida sentimental me sumergieron más en la triste melancolía de lo que no vuelve. ¡Ah! ¡Las frentes juveniles orladas con rubios cabellos, las manos acariciadoras, los ojos insinuantes, la sonrisa que promete un beso, el beso que asegura un paraíso!... Y ¡el primer beso!... Aquel beso delicioso, interminable, que ofusca la mirada, que abate la imaginación, que nos posee y nos glorifica, ofreciéndonos a la vez un goce ideal y la promesa de otros goces deseados. Cogiendo con ambas manos aquellas prendas tristes de lejanas ternuras, las cubrí de caricias furiosas y en mi corazón desolado por los recuerdos sentía resonar cada hora de abandono, sufriendo un suplicio más cruel que las monstruosas leyendas infernales. ¡Ah! ¿Por qué las abandoné o por qué me abandonaron?".

Puis soudain, ouvrant un autre tiroir, je me retrouvai en face de mes souvenirs d'amour : une bottine de bal, un mouchoir déchiré, une jarretière même, des cheveux et des fleurs desséchées. Alors les doux romans de ma vie, dont les héroïnes encore vivantes ont aujourd'hui des cheveux tout blancs, m'ont plongé dans l'amère mélancolie des choses à jamais finies. Oh ! les fronts jeunes où frisent les cheveux dorés, la caresse des mains, le regard qui parle, les coeurs qui battent, ce sourire qui promet les lèvres, ces lèvres qui promettent l'étreinte... Et le premier baiser..., ce baiser sans fin qui fait se fermer les yeux, qui anéantit toute pensée dans l'incommensurable bonheur de la possession prochaine.

33.

"Quedaba por ver una carta fechada hacía medio siglo. Me la dictó el maestro de escritura:

Prenant Une dernière lettre restait. Elle était de moi et dictée de cinquante ans auparavant par mon professeur d'écriture. La voici :

34.

'MAMITA DE MI ALMA, 

MA PETITE MAMAN CHÉRIE, 

35.

'Hoy cumplo siete años. A esa edad ya se discurre; ya sé lo que te debo. Te juro emplear bien la vida que me has dado.

"J'ai aujourd'hui sept ans. C'est l'âge de raison, j'en profite pour te remercier de m'avoir donné le jour.

36.

'Tu hijo que te adora, 

"Ton petit garçon qui t'adore, 

37.

Roberto'.

Robert.

38.

"Me había remontado hasta el origen. El recuerdo era desconsolador. ¿Y el porvenir? Quise profundizar en lo que me faltaba de vida, y se me apareció la vejez espantosa y solitaria, con su cortejo de achaques y dolencias... ¡Todo acabado para mí! ¡Nadie junto a mí! ".

C'était fini. J'arrivais à la source, et brusquement je me retournai pour envisager le reste de mes jours. Je vis la vieillesse hideuse et solitaire, et les infirmités prochaines et tout fini, fini, fini ! Et personne autour de moi.

39.

"El revólver está sobre la mesa... Es tentador... "¡No lean nunca las cartas de otros tiempos! ¡No recuerden viejas memorias!..."

Mon revolver est là, sur la table... Je l'arme... Ne relisez jamais vos vieilles lettres."

40.

Así es como se matan muchos hombres en cuya plácida existencia no hallamos el verdadero motivo de su fatal resolución.

Et voilà comment se tuent beaucoup d'hommes dont on fouille en vain l'existence pour y découvrir de grands chagrins.

Audio.aspx?id=3969&c=336560FB5A1BEC744C7CF177ABCC8272023EFB6F

1052

17 minutos 32 segundos

0

0

ESP / FRA / ING

Esta página web usa cookies

Utilizamos cookies propias y de terceros para gestionar el sitio web, recabar información sobre la utilización del mismo y mejorar nuestros servicios. Más información.