El gran Michú / Le grand Michu - Émile Zola
1.

I

I

2.

Una siesta, a la hora del recreo, el gran Michú me llamó aparte, a un ángulo del patio. Su aire grave me produjo cierta inquietud, porque el gran Michú era todo un valiente, dotado de enormes puños, a quien por nada del mundo hubiese querido tener por enemigo.

Une après-midi, à la récréation de quatre heures, le grand Michu me prit à part, dans un coin de la cour. Il avait un air grave qui me frappa d'une certaine crainte; car le grand Michu était un gaillard, aux poings énormes, que, pour rien au monde, je n'aurais voulu avoir pour ennemi.

3.

—Oye (me dijo, con su voz gruesa de campesino a medio cepillar); oye: ¿quieres ser de los nuestros?

—Écoute, me dit-il de sa voix grasse de paysan à peine dégrossi, écoute, veux-tu en être?

4.

Respondí en redondo que sí: me lisonjeaba tener alguna cosa de común con el gran Michú. Explicóme entonces que se trataba de un complot. Deliciosa sensación, que no he vuelto nunca a experimentar, me produjeron sus confidencias. Al fin entraba en las alegres aventuras de la vida iba a tener un secreto que guardar, una batalla que reñir. Y, ciertamente, el secreto terror que sentía al comprometerme, entraba por buena parte en la alegría picante con que aceptaba mi nueva misión de cómplice.

Je répondis carrément: «Oui!» flatté d'être de quelque chose avec le grand Michu. Alors, il m'expliqua qu'il s'agissait d'un complot. Les confidences qu'il me fit, me causèrent une sensation délicieuse, que je n'ai jamais peut-être éprouvée depuis. Enfin, j'entrais dans les folles aventures de la vie, j'allais avoir un secret à garder, une bataille à livrer. Et, certes, l'effroi inavoué que je ressentais à l'idée de me compromettre de la sorte, comptait pour une bonne moitié dans les joies cuisantes de mon nouveau rôle de complice.

5.

Mientras el gran Michú hablaba, permanecía yo como en admiración delante de él. Me inició en el secreto con tono un tanto rudo, como a recluta cuya energía no inspira mucha confianza. Sin embargo, el aire de inquieta satisfacción, el éxtasis entusiasta con que le escuchaba, debieron hacerle formar mejor opinión de mí.

Aussi, pendant que le grand Michu parlait, étais-je en admiration devant lui. Il m'initia d'un ton un peu rude, comme un conscrit dans l'énergie duquel on a une médiocre confiance. Cependant, le frémissement d'aise, l'air d'extase enthousiaste que je devais avoir en l'écoutant, finirent par lui donner une meilleure opinion de moi.

6.

Como la campana diese el segundo toque, antes de separarnos para ocupar cada cual su puesto en las filas y volver a la sala de estudio, me dijo en voz baja:

Comme la cloche sonnait le second coup, en allant tous deux prendre nos rangs pour rentrer à l'étude:

7.

—Convenido, ¿no es verdad? Serás de los nuestros... No tengas miedo; sobre todo, no nos vendas.

—C'est entendu, n'est-ce pas? me dit-il à voix basse. Tu es des nôtres… Tu n'auras pas peur, au moins; tu ne trahiras pas?

8.

—¡Oh, no, ya verás!... Te lo juro.

—Oh! non, tu verras… C'est juré.

9.

Me miró con sus ojos grises, cara a cara, con verdadera dignidad de hombre maduro, y añadió:

Il me regarda de ses yeux gris, bien en face, avec une vraie dignité d'homme mûr, et me dit encore:

10.

—En otro caso, ya lo sabes; no te pagaré, pero diré en todas partes que eres un traidor y nadie te volverá a hablar.

—Autrement, tu sais, je ne te battrai pas, mais je dirai partout que tu es un traître, et personne ne te parlera plus.

11.

Recuerdo aún el efecto singular que me causó esta amenaza. Me dió un valor extraordinario.—«¡Bah! (me decía) Que hagan conmigo lo que quieran. ¡Al diablo si vendo a Michú.» Esperé con febril impaciencia la hora de la comida. El motín debía estallar en el refectorio.

Je me souviens encore du singulier effet que me produisit cette menace. Elle me donna un courage énorme. «Bast! me disais-je, ils peuvent bien me donner deux mille vers; du diable si je trahis Michu!» J'attendis avec une impatience fébrile l'heure du dîner. La révolte devait éclater au réfectoire.

12.

II

II

13.

El gran Michú era del Var. Su padre, campesino que poseía algunas fanegas de tierra, se había batido el 51, en la insurrección provocada por el golpe de Estado. Abandonado por muerto en la llanura deuchane, logró ocultarse. Cuando reapareció, le dejaron en paz. Unicamente las autoridades del país, los notables, los grandes y pequeños rentistas, solo dijeron en adelante al nombrarle: «Ese tunante de Michú».

Le grand Michu était du Var. Son père, un paysan qui possédait quelques bouts de terre, avait fait le coup de feu en 51, lors de l'insurrection provoquée par le coup d'État. Laissé pour mort dans la plaine d'Uchâne, il avait réussi à se cacher. Quand il reparut, on ne l'inquiéta pas. Seulement, les autorités du pays, les notables, les gros et les petits rentiers ne l'appelèrent plus que ce brigand de Michu.

14.

Aquel tunante, aquel hombre honrado sin instrucción, había enviado a su hijo al colegio de'A... Sin duda él lo quería sabio para el triunfo de la causa que él no había podido defender, él, con las armas en la mano. En el colegio conocíamos vagamente esta historia, y mirábamos a nuestro camarada como a un personaje muy temible.

Ce brigand, cet honnête homme illettré, envoya son fils au collège d'A… Sans doute il le voulait savant pour le triomphe de la cause qu'il n'avait pu défendre, lui, que les armes à la main. Nous savions vaguement cette histoire, au collège, ce qui nous faisait regarder notre camarade comme un personnage très-redoutable.

15.

El gran Michú era de mucha más edad que nosotros. Tenia diez y ocho años, aunque no había pasado del cuarto curso. Nadie, sin embargo, se atrevía a hacerle bromas. Era uno de esos espíritus rectos, que aprenden con dificultad, que nunca adivinan nada, pero que cuando llegan a saber una cosa, la saben a conciencia y para siempre. Fuerte como tallado en piedra, reinaba soberanamente en las horas de recreo. Por otra parte, estaba dotado de una dulzura extraordinaria. No le vi encolerizado más que una vez; quería estrangular a un inspector que nos decía que todos los republicanos eran ladrones y asesinos. Fue preciso echar de la clase al gran Michú.

Le grand Michu était, d'ailleurs, beaucoup plus âgé que nous. Il avait près de dix-huit ans, bien qu'il ne se trouvât encore qu'en quatrième. Mais on n'osait le plaisanter. C'était un de ces esprits droits, qui apprennent difficilement, qui ne devinent rien; seulement, quand il savait une chose, il la savait à fond et pour toujours. Fort, comme taillé à coups de hache, il régnait en maître pendant les récréations. Avec cela, d'une douceur extrême. Je ne l'ai jamais vu qu'une fois en colère; il voulait étrangler un pion qui nous enseignait que tous les républicains étaient des voleurs et des assassins. On faillit mettre le grand Michu à la porte.

16.

Más tarde, cuando mi antiguo camarada so me ha aparecido en mis recuerdos, he podido comprender su sencillez y fortaleza. Muy niño aún, su padre había hecho de él todo un hombre.

Ce n'est que plus tard, lorsque j'ai revu mon ancien camarade dans mes souvenirs, que j'ai pu comprendre son attitude douce et forte. De bonne heure, son père avait dû en faire un homme.

17.

III

III

18.

El gran Michú se divertía en el colegio, lo que no dejaba de asombrarnos No obstante, experimentaba un suplicio, del que no se atrevía a hablar: ¡el hambre! El gran Michú tenía siempre hambre.

Le grand Michu se plaisait au collège, ce qui n'était pas le moindre de nos étonnements. Il n'y éprouvait qu'un supplice dont il n'osait parler: la faim. Le grand Michu avait toujours faim.

19.

No es fácil formarse idea de semejante apetito. El gran Michú, que era muy orgulloso, representaba a veces comedias humillantes para escamotearnos un pedazo de pan, el desayuno o la merienda. Criado al aire libre, al pie de la cadena de montañas de los Maures, padecía más cruelmente que nosotros con la mezquina comida del colegio.

Je ne me souviens pas d'avoir vu un pareil appétit. Lui qui était très-fier, il allait parfois jusqu'à jouer des comédies humiliantes pour nous escroquer un morceau de pain, un déjeuner ou un goûter. Élevé en plein air, au pied de la chaîne des Maures, il souffrait encore plus cruellement que nous de la maigre cuisine du collège.

20.

Era éste uno de los principales asuntos de nuestras conversaciones, en el patio, a lo largo de las paredes, que nos protegían con su sombra. Los más éramos muy delicados. Recuerdo especialmente cierto plato de bacalao con salsa roja, y otro de judías con caldo blanco, que se habían convertido en objeto de unánimes maldiciones. Los días en que se servían estos platos no cesábamos de quejarnos. El gran Michú, por compañerismo, gritaba con nosotros, auque se hubiera tragado de buena gana las seis raciones de su mesa.

C'était là un de nos grands sujets de conversation, dans la cour, le long du mur qui nous abritait de son filet d'ombre. Nous autres, nous étions des délicats. Je me rappelle surtout une certaine morue à la sauce rousse et certains haricots à la sauce blanche qui étaient devenus le sujet d'une malédiction générale. Les jours où ces plats apparaissaient, nous ne tarissions pas. Le grand Michu, par respect humain, criait avec nous, bien qu'il eût avalé volontiers les six portions de sa table.

21.

El gran Michú sólo se quejaba de la cantidad. La casualidad, como para exasperarle, le había puesto al extremo de la mesa, junto a un jeven inspector que nos dejaba fumar en paseo. La regla era que los inspectores tuviesen dos raciones; así, cuando había salchichas, era de ver al gran Michú siguiendo con los ojos los dos pedazos que se extendían de un lado a otro en el plato del inspector.

Le grand Michu ne se plaignait guère que de la quantité des vivres. Le hasard, comme pour l'exaspérer, l'avait placé au bout de la table, à côté du pion, un jeune gringalet qui nous laissait fumer en promenade. La règle était que les maîtres d'étude avaient droit à deux portions. Aussi, quand on servait des saucisses, fallait-il voir le grand Michu lorgner les deux bouts de saucisses qui s'allongeaient côte à côte sur l'assiette du petit pion.

22.

—Soy dos veces mas robusto que él (me dijo un dia), y se le da doble ración que a mí. ¡Y no deja nada! ¡Tal vez no tiene bastante!

—Je suis deux fois plus gros que lui, me dit-il un jour, et c'est lui qui a deux fois plus à manger que moi. Il ne laisse rien, va; il n'en a pas de trop!

23.

IV

IV

24.

Ahora bien: los más atrevidos resolvieron que nos debíamos de sublevar contra el bacalao con caldo rojo y las judías con salsa blanca.

Or, les meneurs avaient résolu que nous devions à la fin nous révolter contre la morue à la sauce rousse et les haricots à la sauce blanche.

25.

Naturalmente los conspiradores ofrecieron la dirección del complot al gran Michú. El plan era de una sencillez heróica. Creíase que bastaría con que cada cual declarase en huelga a su apetito y se negara a probar bocado hasta que el provisor declarase solemnemente que se mejoraría la comida. El gran Miehú aprobó el plan, y he aquí uno de los más hermosos rasgos de abnegación y valor que he conocido en mi vida. Aceptó la jefatura del movimiento con el tranquilo heroismo de los antiguos romanos que se sacrificaban por el bien público.

Naturellement, les conspirateurs offrirent au grand Michu d'être leur chef. Le plan de ces messieurs était d'une simplicité héroïque: il suffirait, pensaient-ils, de mettre leur appétit en grève, de refuser toute nourriture, jusqu'à ce que le proviseur déclarât solennellement que l'ordinaire serait amélioré. L'approbation que le grand Michu donna à ce plan, est un des plus beaux traits d'abnégation et de courage que je connaisse. Il accepta d'être le chef du mouvement, avec le tranquille héroïsme de ces anciens Romains qui se sacrifiaient pour la chose publique.

26.

No cabe duda; él se cuidaba muy poco de que desapareciesen el bacalao y las judías: él sólo pensaba en una cosa: en tenerlos a discreción. ¡Y para colmo de males, se le decía que ayunara! Mas tarde me ha confesado que la solidaridad, el sacrificio en aras de los otros, virtud republicana que su padre le había enseñado, nunca se vió sometida a prueba mas dura.

Songez donc! lui se souciait bien de voir disparaître la morue et les haricots; il ne souhaitait qu'une chose, en avoir davantage, à discrétion! Et, pour comble, on lui demandait de jeûner! Il m'a avoué depuis que jamais cette vertu républicaine que son père lui avait enseignée, la solidarité, le dévouement de l'individu aux intérêts de la communauté, n'avait été mise en lui à une plus rude épreuve.

27.

Por la noche en el refectorio, — tocaba aquel día bacalao con caldo rojo,—comenzó la huelga con unanimidad verdaderamente admirable; sólo se consentía el pan. Llegan los platos: nadie los mira; se come pan seco. Y esto gravemente, sin conversar en voz baja según teníamos por costumbre. Los más pequeños eran los únicos que se reían.

Le soir, au réfectoire,—c'était le jour de la morue à la sausse rousse,—la grève commença avec un ensemble vraiment beau. Le pain seul était permis. Les plats arrivent, nous n'y touchons pas, nous mangeons notre pain sec. Et cela gravement, sans causer à voix basse, comme nous en avions l'habitude. Il n'y avait que les petits qui riaient.

28.

El gran Michú estuvo soberbio. Aquel día, ni aun pan comió. Puestos ambos codos sobre la mesa, miraba con desden al inspector, que devoraba su parte.

Le grand Michu fut superbe. Il alla, ce premier soir, jusqu'à ne pas même manger de pain. Il avait mis les deux coudes sur la table, il regardait dédaigneusement le petit pion qui dévorait.

29.

Sin embargo, el inspector dió aviso al provisor, que entró en el refectorio como una tromba. Nos apostrofó rudamente, preguntándonos qué era lo que teníamos que decir de aquel plato, que probó y declaró exquisito.

Cependant, le surveillant fit appeler le proviseur, qui entra dans le réfectoire comme une tempête. Il nous apostropha rudement, nous demandant ce que nous pouvions reprocher à ce dîner, auquel il goûta et qu'il déclara exquis.

30.

Entonces, levantándose el gran Michú:

Alors le grand Michu se leva.

31.

—Señor (dijo): ol bacalao está podrido. No podremos digerirlo.

—Monsieur, dit-il, c'est la morue qui est pourrie, nous ne parvenons pas à la digérer.

32.

—¡Ah! ¡Magnífico! (gritó el inspector, sin dar tiempo de contestar al provisor). Las demás noches se ha comido Ud. casi toda la fuente.

—Ah! bien, cria le gringalet de pion, sans laisser au proviseur le temps de répondre, les autres soirs, vous avez pourtant mangé presque tout le plat à vous seul.

33.

El gran Michú se ruborizó hasta lo blanco de los ojos. Aquel día se contentaron con mandarnos sencillamente a la cama, diciendo que ya lo pensaríamos mejor.

Le grand Michu rougit extrêmement. Ce soir-là, on nous envoya simplement coucher, en nous disant que, le lendemain, nous aurions sans doute réfléchi.

34.

V

V

35.

Al día siguiente, y al otro, el gran Michú estuvo terrible. Las palabras del inspector le habían herido en medio del corazón. Nos animaba, nos decía que seríamos unos cobardes si cedíamos. Ahora fundaba todo su orgullo en demostrarnos que. cuando quería, podía pasar sin comer.

Le lendemain et le surlendemain, le grand Michu fut terrible. Les paroles du maître d'étude l'avaient frappé au coeur. Il nous soutint, il nous dit que nous serions des lâches si nous cédions. Maintenant, il mettait tout son orgueil à montrer que, lorsqu'il le voulait, il ne mangeait pas.

36.

Fue un verdadero mártir. Los demás ocultábamos en nuestro pupitre pastillas de chocolate, tarros de dulce, hasta chacina, así nos ahorrábamos el tener que comer tan sólo el pan seco, de que llenábamos los bolsillos. Él, Michú, que carecía de parientes en la población, y a quien, por otra parte, no gustaban tales confituras, se mantuvo exclusivamente con las cortezas que podía encontrar.

Ce fut un vrai martyr. Nous autres, nous cachions tous dans nos pupitres du chocolat, des pots de confiture, jusqu'à de la charcuterie, qui nous aidèrent à ne pas manger tout à fait sec le pain dont nous emplissions nos poches. Lui, qui n'avait pas un parent dans la ville, et qui se refusait d'ailleurs de pareilles douceurs, s'en tint strictement aux quelques croûtes qu'il put trouver.

37.

Al fin, el provisor declaró que en vista de la obstinación de los alumnos, que se negaban a comer, iba a suprimir el pan. El motín estalló entonces en el almuerzo. Tocaban judías con caldo blanco.

Le surlendemain, le proviseur ayant déclaré que, puisque les élèves s'entêtaient à ne pas toucher aux plats, il allait cesser de faire distribuer du pain, la révolte éclata, au déjeuner. C'était le jour des haricots à la sauce blanche.

38.

El gran Michú, cuya cabeza debía estar perturbada por el efecto de un hambre atroz, se irguió bruscamente. Cogió el plato del Inspector, que comía a dos carrillos para burlarse de nosotros y darnos envidia, y lo tiró en medio de la sala: después entonó la Marsellesa con vigorosa voz. Fue como un gran soplo que a todos nos puso en pie. Los platos, los vasos las botellas bailaron una bonita danza. Y los inspectores, saltando por encima de los cacharros rotos, se apresuraron a cedernos el campo. El inspector enemigo de Michú recibió en su huida un plato de judías sobre la espalda, cuya salsa dejó en ella una gran mancha blanca.

Le grand Michu, dont une faim atroce devait troubler la tête, se leva brusquement. Il prit l'assiette du pion, qui mangeait à belles dents, pour nous narguer et nous donner envie, la jeta au milieu de la salle, puis entonna la Marseillaise d'une voix forte. Ce fut comme un grand souffle qui nous souleva tous. Les assiettes, les verres, les bouteilles, dansèrent une jolie danse. Et les pions, enjambant les débris, se hâtèrent de nous abandonner le réfectoire. Le gringalet, dans sa fuite, reçut sur les épaules un plat de haricots, dont la sauce lui fit une large collerette blanche.

39.

Sin embargo, se trataba de fortificar la plaza. Nombróse general al gran Michú, que hizo amontonar todas las mesas junto a las puertas. Recuerdo que cada cual tenía en la mano su cuchillo. Y la Marsellesa no cesaba. El motín se convertía en revolución. Por fortuna nos abandonaron a nosotros mismos durante tres largas horas. Parece que se había ido a avisar a la guardia. Estas tres horas de locura bastaron para calmarnos.

Cependant, il s'agissait de fortifier la place. Le grand Michu fut nommé général. Il fit porter, entasser les tables devant les portes. Je me souviens que nous avions tous pris nos couteaux à la main. Et la Marseillaise tonnait toujours. La révolte tournait à la révolution. Heureusement, on nous laissa à nous-mêmes pendant trois grandes heures. Il paraît qu'on était allé chercher la garde. Ces trois heures de tapage suffirent pour nous calmer.

40.

Había en el fondo del refectorio dos anchas ventanas que daban al patio. Los más tímidos, asustados de la larga impunidad en que se nos dejaba, abrieron una de ellas y desaparecieron. No faltó quién los siguiera. Al poco rato, el gran Michú sólo tenía una docena de insurrectos a su lado. Entonces dijo con voz ruda:

Il y avait au fond du réfectoire deux larges fenêtres qui donnaient sur la cour. Les plus timides, épouvantés de la longue impunité dans laquelle on nous laissait, ouvrirent doucement une des fenêtres et disparurent. Ils furent peu à peu suivis par les autres élèves. Bientôt le grand Michu n'eut plus qu'une dizaine d'insurgés autour de lui. Il leur dit alors d'une voix rude:

41.

—Id a reuniros con los otros: basta que haya un culpable.

—Allez retrouver les autres, il suffit qu'il y ait un coupable.

42.

En seguida, dirigiéndose a mí, que vacilaba, añadió:

Puis s'adressant à moi qui hésitais, il ajouta:

43.

—¡Te devuelvo tu palabra! ¿Lo entiendes?

—Je te rends la parole, entends-tu!

44.

Cuando la guardia derribó una de las puertas, encontró al gran Michú completamente solo, sentado tranquilamente al extremo de las mesas. Aquella misma tarde fue enviado a su casa. En cuanto a los demás, nos aprovechamos poco del motín. Durante algunas semanas se evitó servirnos bacalao y judías. Después reaparecieron, aunque el bacalao aderezado con salsa blanca y las judias con caldo rojo.

Lorsque la garde eut enfoncé une des portes, elle trouva le grand Michu tout seul, assis tranquillement sur le bout d'une table, au milieu de la vaisselle cassée. Le soir même, il fut renvoyé à son père. Quant à nous, nous profitâmes peu de cette révolte. On évita bien pendant quelques semaines de nous servir de la morue et des haricots. Puis, ils reparurent; seulement la morue était à la sauce blanche, et les haricots, à la sauce rousse.

45.

VI

VI

46.

Al cabo de muchos años volví a encontrar al gran Michú. No había podido continuar sus estudios, y cultivaba las fanegas de tierra que su padre le dejara al morir.

Longtemps après, j'ai revu le grand Michu. Il n'avait pu continuer ses études. Il cultivait à son tour les quelques bouts de terre que son père lui avait laissés en mourant.

47.

—Habría hecho (me dijo) un mal abogado o un mal médico, porque soy muy duro de mollera. Más vale que sea un campesino. Tal es mi suerte... Sin embargo, me jugasteis una buena pasada. ¡Y a mí, que me gustaban a rabiar el bacalao y las judías!

—J'aurais fait, m'a-t-il dit, un mauvais avocat ou un mauvais médecin, car j'avais la tête bien dure. Il vaut mieux que je sois un paysan. C'est mon affaire… N'importe, vous m'avez joliment lâché. Et moi qui justement adorais la morue et les haricots!

48.

(Nouveaux contes à Ninon)

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Émile Zola

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El gran Michú / Le grand Michu

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1.

I

I

2.

Una siesta, a la hora del recreo, el gran Michú me llamó aparte, a un ángulo del patio. Su aire grave me produjo cierta inquietud, porque el gran Michú era todo un valiente, dotado de enormes puños, a quien por nada del mundo hubiese querido tener por enemigo.

Une après-midi, à la récréation de quatre heures, le grand Michu me prit à part, dans un coin de la cour. Il avait un air grave qui me frappa d'une certaine crainte; car le grand Michu était un gaillard, aux poings énormes, que, pour rien au monde, je n'aurais voulu avoir pour ennemi.

3.

—Oye (me dijo, con su voz gruesa de campesino a medio cepillar); oye: ¿quieres ser de los nuestros?

—Écoute, me dit-il de sa voix grasse de paysan à peine dégrossi, écoute, veux-tu en être?

4.

Respondí en redondo que sí: me lisonjeaba tener alguna cosa de común con el gran Michú. Explicóme entonces que se trataba de un complot. Deliciosa sensación, que no he vuelto nunca a experimentar, me produjeron sus confidencias. Al fin entraba en las alegres aventuras de la vida iba a tener un secreto que guardar, una batalla que reñir. Y, ciertamente, el secreto terror que sentía al comprometerme, entraba por buena parte en la alegría picante con que aceptaba mi nueva misión de cómplice.

Je répondis carrément: «Oui!» flatté d'être de quelque chose avec le grand Michu. Alors, il m'expliqua qu'il s'agissait d'un complot. Les confidences qu'il me fit, me causèrent une sensation délicieuse, que je n'ai jamais peut-être éprouvée depuis. Enfin, j'entrais dans les folles aventures de la vie, j'allais avoir un secret à garder, une bataille à livrer. Et, certes, l'effroi inavoué que je ressentais à l'idée de me compromettre de la sorte, comptait pour une bonne moitié dans les joies cuisantes de mon nouveau rôle de complice.

5.

Mientras el gran Michú hablaba, permanecía yo como en admiración delante de él. Me inició en el secreto con tono un tanto rudo, como a recluta cuya energía no inspira mucha confianza. Sin embargo, el aire de inquieta satisfacción, el éxtasis entusiasta con que le escuchaba, debieron hacerle formar mejor opinión de mí.

Aussi, pendant que le grand Michu parlait, étais-je en admiration devant lui. Il m'initia d'un ton un peu rude, comme un conscrit dans l'énergie duquel on a une médiocre confiance. Cependant, le frémissement d'aise, l'air d'extase enthousiaste que je devais avoir en l'écoutant, finirent par lui donner une meilleure opinion de moi.

6.

Como la campana diese el segundo toque, antes de separarnos para ocupar cada cual su puesto en las filas y volver a la sala de estudio, me dijo en voz baja:

Comme la cloche sonnait le second coup, en allant tous deux prendre nos rangs pour rentrer à l'étude:

7.

—Convenido, ¿no es verdad? Serás de los nuestros... No tengas miedo; sobre todo, no nos vendas.

—C'est entendu, n'est-ce pas? me dit-il à voix basse. Tu es des nôtres… Tu n'auras pas peur, au moins; tu ne trahiras pas?

8.

—¡Oh, no, ya verás!... Te lo juro.

—Oh! non, tu verras… C'est juré.

9.

Me miró con sus ojos grises, cara a cara, con verdadera dignidad de hombre maduro, y añadió:

Il me regarda de ses yeux gris, bien en face, avec une vraie dignité d'homme mûr, et me dit encore:

10.

—En otro caso, ya lo sabes; no te pagaré, pero diré en todas partes que eres un traidor y nadie te volverá a hablar.

—Autrement, tu sais, je ne te battrai pas, mais je dirai partout que tu es un traître, et personne ne te parlera plus.

11.

Recuerdo aún el efecto singular que me causó esta amenaza. Me dió un valor extraordinario.—«¡Bah! (me decía) Que hagan conmigo lo que quieran. ¡Al diablo si vendo a Michú.» Esperé con febril impaciencia la hora de la comida. El motín debía estallar en el refectorio.

Je me souviens encore du singulier effet que me produisit cette menace. Elle me donna un courage énorme. «Bast! me disais-je, ils peuvent bien me donner deux mille vers; du diable si je trahis Michu!» J'attendis avec une impatience fébrile l'heure du dîner. La révolte devait éclater au réfectoire.

12.

II

II

13.

El gran Michú era del Var. Su padre, campesino que poseía algunas fanegas de tierra, se había batido el 51, en la insurrección provocada por el golpe de Estado. Abandonado por muerto en la llanura deuchane, logró ocultarse. Cuando reapareció, le dejaron en paz. Unicamente las autoridades del país, los notables, los grandes y pequeños rentistas, solo dijeron en adelante al nombrarle: «Ese tunante de Michú».

Le grand Michu était du Var. Son père, un paysan qui possédait quelques bouts de terre, avait fait le coup de feu en 51, lors de l'insurrection provoquée par le coup d'État. Laissé pour mort dans la plaine d'Uchâne, il avait réussi à se cacher. Quand il reparut, on ne l'inquiéta pas. Seulement, les autorités du pays, les notables, les gros et les petits rentiers ne l'appelèrent plus que ce brigand de Michu.

14.

Aquel tunante, aquel hombre honrado sin instrucción, había enviado a su hijo al colegio de'A... Sin duda él lo quería sabio para el triunfo de la causa que él no había podido defender, él, con las armas en la mano. En el colegio conocíamos vagamente esta historia, y mirábamos a nuestro camarada como a un personaje muy temible.

Ce brigand, cet honnête homme illettré, envoya son fils au collège d'A… Sans doute il le voulait savant pour le triomphe de la cause qu'il n'avait pu défendre, lui, que les armes à la main. Nous savions vaguement cette histoire, au collège, ce qui nous faisait regarder notre camarade comme un personnage très-redoutable.

15.

El gran Michú era de mucha más edad que nosotros. Tenia diez y ocho años, aunque no había pasado del cuarto curso. Nadie, sin embargo, se atrevía a hacerle bromas. Era uno de esos espíritus rectos, que aprenden con dificultad, que nunca adivinan nada, pero que cuando llegan a saber una cosa, la saben a conciencia y para siempre. Fuerte como tallado en piedra, reinaba soberanamente en las horas de recreo. Por otra parte, estaba dotado de una dulzura extraordinaria. No le vi encolerizado más que una vez; quería estrangular a un inspector que nos decía que todos los republicanos eran ladrones y asesinos. Fue preciso echar de la clase al gran Michú.

Le grand Michu était, d'ailleurs, beaucoup plus âgé que nous. Il avait près de dix-huit ans, bien qu'il ne se trouvât encore qu'en quatrième. Mais on n'osait le plaisanter. C'était un de ces esprits droits, qui apprennent difficilement, qui ne devinent rien; seulement, quand il savait une chose, il la savait à fond et pour toujours. Fort, comme taillé à coups de hache, il régnait en maître pendant les récréations. Avec cela, d'une douceur extrême. Je ne l'ai jamais vu qu'une fois en colère; il voulait étrangler un pion qui nous enseignait que tous les républicains étaient des voleurs et des assassins. On faillit mettre le grand Michu à la porte.

16.

Más tarde, cuando mi antiguo camarada so me ha aparecido en mis recuerdos, he podido comprender su sencillez y fortaleza. Muy niño aún, su padre había hecho de él todo un hombre.

Ce n'est que plus tard, lorsque j'ai revu mon ancien camarade dans mes souvenirs, que j'ai pu comprendre son attitude douce et forte. De bonne heure, son père avait dû en faire un homme.

17.

III

III

18.

El gran Michú se divertía en el colegio, lo que no dejaba de asombrarnos No obstante, experimentaba un suplicio, del que no se atrevía a hablar: ¡el hambre! El gran Michú tenía siempre hambre.

Le grand Michu se plaisait au collège, ce qui n'était pas le moindre de nos étonnements. Il n'y éprouvait qu'un supplice dont il n'osait parler: la faim. Le grand Michu avait toujours faim.

19.

No es fácil formarse idea de semejante apetito. El gran Michú, que era muy orgulloso, representaba a veces comedias humillantes para escamotearnos un pedazo de pan, el desayuno o la merienda. Criado al aire libre, al pie de la cadena de montañas de los Maures, padecía más cruelmente que nosotros con la mezquina comida del colegio.

Je ne me souviens pas d'avoir vu un pareil appétit. Lui qui était très-fier, il allait parfois jusqu'à jouer des comédies humiliantes pour nous escroquer un morceau de pain, un déjeuner ou un goûter. Élevé en plein air, au pied de la chaîne des Maures, il souffrait encore plus cruellement que nous de la maigre cuisine du collège.

20.

Era éste uno de los principales asuntos de nuestras conversaciones, en el patio, a lo largo de las paredes, que nos protegían con su sombra. Los más éramos muy delicados. Recuerdo especialmente cierto plato de bacalao con salsa roja, y otro de judías con caldo blanco, que se habían convertido en objeto de unánimes maldiciones. Los días en que se servían estos platos no cesábamos de quejarnos. El gran Michú, por compañerismo, gritaba con nosotros, auque se hubiera tragado de buena gana las seis raciones de su mesa.

C'était là un de nos grands sujets de conversation, dans la cour, le long du mur qui nous abritait de son filet d'ombre. Nous autres, nous étions des délicats. Je me rappelle surtout une certaine morue à la sauce rousse et certains haricots à la sauce blanche qui étaient devenus le sujet d'une malédiction générale. Les jours où ces plats apparaissaient, nous ne tarissions pas. Le grand Michu, par respect humain, criait avec nous, bien qu'il eût avalé volontiers les six portions de sa table.

21.

El gran Michú sólo se quejaba de la cantidad. La casualidad, como para exasperarle, le había puesto al extremo de la mesa, junto a un jeven inspector que nos dejaba fumar en paseo. La regla era que los inspectores tuviesen dos raciones; así, cuando había salchichas, era de ver al gran Michú siguiendo con los ojos los dos pedazos que se extendían de un lado a otro en el plato del inspector.

Le grand Michu ne se plaignait guère que de la quantité des vivres. Le hasard, comme pour l'exaspérer, l'avait placé au bout de la table, à côté du pion, un jeune gringalet qui nous laissait fumer en promenade. La règle était que les maîtres d'étude avaient droit à deux portions. Aussi, quand on servait des saucisses, fallait-il voir le grand Michu lorgner les deux bouts de saucisses qui s'allongeaient côte à côte sur l'assiette du petit pion.

22.

—Soy dos veces mas robusto que él (me dijo un dia), y se le da doble ración que a mí. ¡Y no deja nada! ¡Tal vez no tiene bastante!

—Je suis deux fois plus gros que lui, me dit-il un jour, et c'est lui qui a deux fois plus à manger que moi. Il ne laisse rien, va; il n'en a pas de trop!

23.

IV

IV

24.

Ahora bien: los más atrevidos resolvieron que nos debíamos de sublevar contra el bacalao con caldo rojo y las judías con salsa blanca.

Or, les meneurs avaient résolu que nous devions à la fin nous révolter contre la morue à la sauce rousse et les haricots à la sauce blanche.

25.

Naturalmente los conspiradores ofrecieron la dirección del complot al gran Michú. El plan era de una sencillez heróica. Creíase que bastaría con que cada cual declarase en huelga a su apetito y se negara a probar bocado hasta que el provisor declarase solemnemente que se mejoraría la comida. El gran Miehú aprobó el plan, y he aquí uno de los más hermosos rasgos de abnegación y valor que he conocido en mi vida. Aceptó la jefatura del movimiento con el tranquilo heroismo de los antiguos romanos que se sacrificaban por el bien público.

Naturellement, les conspirateurs offrirent au grand Michu d'être leur chef. Le plan de ces messieurs était d'une simplicité héroïque: il suffirait, pensaient-ils, de mettre leur appétit en grève, de refuser toute nourriture, jusqu'à ce que le proviseur déclarât solennellement que l'ordinaire serait amélioré. L'approbation que le grand Michu donna à ce plan, est un des plus beaux traits d'abnégation et de courage que je connaisse. Il accepta d'être le chef du mouvement, avec le tranquille héroïsme de ces anciens Romains qui se sacrifiaient pour la chose publique.

26.

No cabe duda; él se cuidaba muy poco de que desapareciesen el bacalao y las judías: él sólo pensaba en una cosa: en tenerlos a discreción. ¡Y para colmo de males, se le decía que ayunara! Mas tarde me ha confesado que la solidaridad, el sacrificio en aras de los otros, virtud republicana que su padre le había enseñado, nunca se vió sometida a prueba mas dura.

Songez donc! lui se souciait bien de voir disparaître la morue et les haricots; il ne souhaitait qu'une chose, en avoir davantage, à discrétion! Et, pour comble, on lui demandait de jeûner! Il m'a avoué depuis que jamais cette vertu républicaine que son père lui avait enseignée, la solidarité, le dévouement de l'individu aux intérêts de la communauté, n'avait été mise en lui à une plus rude épreuve.

27.

Por la noche en el refectorio, — tocaba aquel día bacalao con caldo rojo,—comenzó la huelga con unanimidad verdaderamente admirable; sólo se consentía el pan. Llegan los platos: nadie los mira; se come pan seco. Y esto gravemente, sin conversar en voz baja según teníamos por costumbre. Los más pequeños eran los únicos que se reían.

Le soir, au réfectoire,—c'était le jour de la morue à la sausse rousse,—la grève commença avec un ensemble vraiment beau. Le pain seul était permis. Les plats arrivent, nous n'y touchons pas, nous mangeons notre pain sec. Et cela gravement, sans causer à voix basse, comme nous en avions l'habitude. Il n'y avait que les petits qui riaient.

28.

El gran Michú estuvo soberbio. Aquel día, ni aun pan comió. Puestos ambos codos sobre la mesa, miraba con desden al inspector, que devoraba su parte.

Le grand Michu fut superbe. Il alla, ce premier soir, jusqu'à ne pas même manger de pain. Il avait mis les deux coudes sur la table, il regardait dédaigneusement le petit pion qui dévorait.

29.

Sin embargo, el inspector dió aviso al provisor, que entró en el refectorio como una tromba. Nos apostrofó rudamente, preguntándonos qué era lo que teníamos que decir de aquel plato, que probó y declaró exquisito.

Cependant, le surveillant fit appeler le proviseur, qui entra dans le réfectoire comme une tempête. Il nous apostropha rudement, nous demandant ce que nous pouvions reprocher à ce dîner, auquel il goûta et qu'il déclara exquis.

30.

Entonces, levantándose el gran Michú:

Alors le grand Michu se leva.

31.

—Señor (dijo): ol bacalao está podrido. No podremos digerirlo.

—Monsieur, dit-il, c'est la morue qui est pourrie, nous ne parvenons pas à la digérer.

32.

—¡Ah! ¡Magnífico! (gritó el inspector, sin dar tiempo de contestar al provisor). Las demás noches se ha comido Ud. casi toda la fuente.

—Ah! bien, cria le gringalet de pion, sans laisser au proviseur le temps de répondre, les autres soirs, vous avez pourtant mangé presque tout le plat à vous seul.

33.

El gran Michú se ruborizó hasta lo blanco de los ojos. Aquel día se contentaron con mandarnos sencillamente a la cama, diciendo que ya lo pensaríamos mejor.

Le grand Michu rougit extrêmement. Ce soir-là, on nous envoya simplement coucher, en nous disant que, le lendemain, nous aurions sans doute réfléchi.

34.

V

V

35.

Al día siguiente, y al otro, el gran Michú estuvo terrible. Las palabras del inspector le habían herido en medio del corazón. Nos animaba, nos decía que seríamos unos cobardes si cedíamos. Ahora fundaba todo su orgullo en demostrarnos que. cuando quería, podía pasar sin comer.

Le lendemain et le surlendemain, le grand Michu fut terrible. Les paroles du maître d'étude l'avaient frappé au coeur. Il nous soutint, il nous dit que nous serions des lâches si nous cédions. Maintenant, il mettait tout son orgueil à montrer que, lorsqu'il le voulait, il ne mangeait pas.

36.

Fue un verdadero mártir. Los demás ocultábamos en nuestro pupitre pastillas de chocolate, tarros de dulce, hasta chacina, así nos ahorrábamos el tener que comer tan sólo el pan seco, de que llenábamos los bolsillos. Él, Michú, que carecía de parientes en la población, y a quien, por otra parte, no gustaban tales confituras, se mantuvo exclusivamente con las cortezas que podía encontrar.

Ce fut un vrai martyr. Nous autres, nous cachions tous dans nos pupitres du chocolat, des pots de confiture, jusqu'à de la charcuterie, qui nous aidèrent à ne pas manger tout à fait sec le pain dont nous emplissions nos poches. Lui, qui n'avait pas un parent dans la ville, et qui se refusait d'ailleurs de pareilles douceurs, s'en tint strictement aux quelques croûtes qu'il put trouver.

37.

Al fin, el provisor declaró que en vista de la obstinación de los alumnos, que se negaban a comer, iba a suprimir el pan. El motín estalló entonces en el almuerzo. Tocaban judías con caldo blanco.

Le surlendemain, le proviseur ayant déclaré que, puisque les élèves s'entêtaient à ne pas toucher aux plats, il allait cesser de faire distribuer du pain, la révolte éclata, au déjeuner. C'était le jour des haricots à la sauce blanche.

38.

El gran Michú, cuya cabeza debía estar perturbada por el efecto de un hambre atroz, se irguió bruscamente. Cogió el plato del Inspector, que comía a dos carrillos para burlarse de nosotros y darnos envidia, y lo tiró en medio de la sala: después entonó la Marsellesa con vigorosa voz. Fue como un gran soplo que a todos nos puso en pie. Los platos, los vasos las botellas bailaron una bonita danza. Y los inspectores, saltando por encima de los cacharros rotos, se apresuraron a cedernos el campo. El inspector enemigo de Michú recibió en su huida un plato de judías sobre la espalda, cuya salsa dejó en ella una gran mancha blanca.

Le grand Michu, dont une faim atroce devait troubler la tête, se leva brusquement. Il prit l'assiette du pion, qui mangeait à belles dents, pour nous narguer et nous donner envie, la jeta au milieu de la salle, puis entonna la Marseillaise d'une voix forte. Ce fut comme un grand souffle qui nous souleva tous. Les assiettes, les verres, les bouteilles, dansèrent une jolie danse. Et les pions, enjambant les débris, se hâtèrent de nous abandonner le réfectoire. Le gringalet, dans sa fuite, reçut sur les épaules un plat de haricots, dont la sauce lui fit une large collerette blanche.

39.

Sin embargo, se trataba de fortificar la plaza. Nombróse general al gran Michú, que hizo amontonar todas las mesas junto a las puertas. Recuerdo que cada cual tenía en la mano su cuchillo. Y la Marsellesa no cesaba. El motín se convertía en revolución. Por fortuna nos abandonaron a nosotros mismos durante tres largas horas. Parece que se había ido a avisar a la guardia. Estas tres horas de locura bastaron para calmarnos.

Cependant, il s'agissait de fortifier la place. Le grand Michu fut nommé général. Il fit porter, entasser les tables devant les portes. Je me souviens que nous avions tous pris nos couteaux à la main. Et la Marseillaise tonnait toujours. La révolte tournait à la révolution. Heureusement, on nous laissa à nous-mêmes pendant trois grandes heures. Il paraît qu'on était allé chercher la garde. Ces trois heures de tapage suffirent pour nous calmer.

40.

Había en el fondo del refectorio dos anchas ventanas que daban al patio. Los más tímidos, asustados de la larga impunidad en que se nos dejaba, abrieron una de ellas y desaparecieron. No faltó quién los siguiera. Al poco rato, el gran Michú sólo tenía una docena de insurrectos a su lado. Entonces dijo con voz ruda:

Il y avait au fond du réfectoire deux larges fenêtres qui donnaient sur la cour. Les plus timides, épouvantés de la longue impunité dans laquelle on nous laissait, ouvrirent doucement une des fenêtres et disparurent. Ils furent peu à peu suivis par les autres élèves. Bientôt le grand Michu n'eut plus qu'une dizaine d'insurgés autour de lui. Il leur dit alors d'une voix rude:

41.

—Id a reuniros con los otros: basta que haya un culpable.

—Allez retrouver les autres, il suffit qu'il y ait un coupable.

42.

En seguida, dirigiéndose a mí, que vacilaba, añadió:

Puis s'adressant à moi qui hésitais, il ajouta:

43.

—¡Te devuelvo tu palabra! ¿Lo entiendes?

—Je te rends la parole, entends-tu!

44.

Cuando la guardia derribó una de las puertas, encontró al gran Michú completamente solo, sentado tranquilamente al extremo de las mesas. Aquella misma tarde fue enviado a su casa. En cuanto a los demás, nos aprovechamos poco del motín. Durante algunas semanas se evitó servirnos bacalao y judías. Después reaparecieron, aunque el bacalao aderezado con salsa blanca y las judias con caldo rojo.

Lorsque la garde eut enfoncé une des portes, elle trouva le grand Michu tout seul, assis tranquillement sur le bout d'une table, au milieu de la vaisselle cassée. Le soir même, il fut renvoyé à son père. Quant à nous, nous profitâmes peu de cette révolte. On évita bien pendant quelques semaines de nous servir de la morue et des haricots. Puis, ils reparurent; seulement la morue était à la sauce blanche, et les haricots, à la sauce rousse.

45.

VI

VI

46.

Al cabo de muchos años volví a encontrar al gran Michú. No había podido continuar sus estudios, y cultivaba las fanegas de tierra que su padre le dejara al morir.

Longtemps après, j'ai revu le grand Michu. Il n'avait pu continuer ses études. Il cultivait à son tour les quelques bouts de terre que son père lui avait laissés en mourant.

47.

—Habría hecho (me dijo) un mal abogado o un mal médico, porque soy muy duro de mollera. Más vale que sea un campesino. Tal es mi suerte... Sin embargo, me jugasteis una buena pasada. ¡Y a mí, que me gustaban a rabiar el bacalao y las judías!

—J'aurais fait, m'a-t-il dit, un mauvais avocat ou un mauvais médecin, car j'avais la tête bien dure. Il vaut mieux que je sois un paysan. C'est mon affaire… N'importe, vous m'avez joliment lâché. Et moi qui justement adorais la morue et les haricots!

48.

(Nouveaux contes à Ninon)

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