Me dijo un día el brama: Quisiera no haber nacido. Le pregunté por qué, y me respondió: Cuarenta años hace que estoy estudiando, y todos cuarenta los he perdido; enseño a los demás, y lo ignoro todo. Este estado me tiene tan aburrido y tan descontento, que no puedo aguantar la vida: he nacido, vivo en el tiempo, y no sé qué cosa es el tiempo; me hallo en un punto entre dos eternidades, como dicen nuestros sabios, y no tengo idea de la eternidad; consto de materia, pienso, y nunca he podido averiguar la causa eficiente del pensamiento; ignoro si es mi entendimiento una mera facultad, como la de andar y digerir, y si pienso con mi cabeza lo mismo que palpo con mis manos. No solamente ignoro el principio de mis pensamientos, mas también se me esconde igualmente el de mis movimientos: no sé porque existo, y no obstante todos los días me hacen preguntas sobre todos estos puntos; y como tengo que responder por precision y no sé qué decir, hablo mucho, y después de haber hablado me quedo confuso y avergonzado de mí mismo.
Le bramin me dit un jour: «Je voudrais n’être jamais né. » Je lui demandai pourquoi. Il me répondit: «J’étudie depuis quarante ans, ce sont quarante années de perdues; j’enseigne les autres, et j’ignore tout; cet état porte dans mon âme tant d’humiliation et de dégoût que la vie m’est insupportable ; je suis né, je vis dans le temps, et je ne sais pas ce que c’est que le temps ; je me trouve dans un point entre deux éternités, comme disent nos sages, et je n’ai nulle idée de l’éternité ; je suis composé de matière; je pense, je n’ai jamais pu m’instruire de ce qui produit la pensée; j’ignore si mon entendement est en moi une simple faculté, comme celle de marcher, de digérer, et si je pense avec ma tête comme je prends avec mes mains. Non-seulement le principe de ma pensée m’est inconnu, mais le principe de mes mouvements m’est également caché: je ne sais pourquoi j’existe; cependant on me fait chaque jour des questions sur tous ces points: il faut répondre; je n’ai rien de bon à dire; je parle beaucoup, et je demeure confus et honteux de moi-même après avoir parlé.