Una aventura india / Une aventure indienne - Voltaire
1.

Pitágoras, estando en la India, aprendió, como saben todos, en la escuela de los gimnosofistas la lengua de los animales y la de las plantas. Paseándose un día por un prado cerca de la orilla del mar, oyó estas palabras:

Pythagore dans son séjour aux Indes, apprit, comme tout le monde sait, à l'école des gymnosophistes, le langage des bêtes et celui des plantes. Se promenant un jour dans une prairie assez près du rivage de la mer, il entendit ces paroles: 

2.

-¡Qué desdicha la mía de haber nacido hierba, apenas llego a dos pulgadas de alto, cuando me huella bajo sus vastos pies un monstruo voraz, un animal horroroso, que tiene armada la boca de una fila de tajantes hoces con que me siega, me hace añicos, y me traga: los hombres llaman carnero a este monstruo, y no creo que haya en el universo criatura más abominable.

«Que je suis malheureuse d'être née herbe! à peine suis-je parvenue à deux pouces de hauteur que voilà un monstre dévorant, un animal horrible, qui me foule sous ses larges pieds;sa gueule est armée d'une rangée de faux tranchantes, avec laquelle il me coupe, me déchire et m'engloutit. Les hommes nomment ce monstre un mouton. Je ne crois pas qu'il y ait au monde une plus abominable créature.»

3.

Dio Pitágoras algunos pasos más, y encontró una ostra abierta sobre una piedra: todavía no había abrazado la admirable ley que prohíbe comerse a los animales nuestros semejantes; iba a tragarse la ostra, cuando dijo ella estas lastimosas razones:

Pythagore avança quelques pas; il trouve une huître qui bâillait sur un petit rocher; il n'avait point encore embrassé cette admirable loi par laquelle il est défendu,de manger les animaux nos semblables. Il allait avaler l'huître, lorsqu'elle prononça ces mots attendrissants: 

4.

-¡Oh, naturaleza, qué feliz es la hierba, que como yo es obra tuya! Cuando la cortan, renace, y es inmortal; y nosotras desventuradas ostras, en balde nos defiende una doble coraza, que unos malvados nos engullen a docenas para desayunarse, y se acabó para siempre. ¡Qué suerte tan horrenda la de una ostra! ¡Que inhumanos son los hombres!

«ô nature! que l'herbe, qui est comme moi ton ouvrage, est heureuse! Quand on l'a coupée, elle renaît, elle est immortelle; et nous, pauvres huîtres, en vain sommes-nous défendues par une double cuirasse; des scélérats nous mangent par douzaines à leur déjeuner, et c'en est fait pour jamais. Quelle épouvantable destinée que celle d'une huître, et que les hommes sont barbares!».

5.

Estremecido Pitágoras, conoció la enormidad del delito que iba a cometer: pidió llorando perdón a la ostra, y la repuso bonitamente encima de la piedra.

Pythagore tressaillit; il sentit l'énormité du crime qu'il allait commettre: il demanda pardon à l'huître en pleurant, et la remit bien proprement sur son rocher.

6.

Mientras iba meditando profundamente en este suceso, vio de vuelta al pueblo arañas que se comían las moscas, golondrinas que se comían las arañas, y gavilanes que se comían las golondrinas.

Comme il rêvait profondément à cette aventure en retournant à la ville, il vit des araignées qui mangeaient des mouches, des hirondelles qui mangeaient des araignées, des éperviers qui mangeaient des hirondelles.

7.

-¡Todas estas gentes -decía- no son filósofos!

«Tous ces gens-là, dit-il, ne sont pas philosophes»

8.

Al entrar en el pueblo lo apretaron, lo estrujaron y lo tiraron al suelo una muchedumbre de pillos y desarrapados que iban corriendo y gritando:

Pythagore,en entrant, fut heurté, froissé, renversé par une multitude de gredins et de gredines qui couraient en criant: 

9.

-Muy bien hecho; bien lo merecen.

«C'est bien fait, c'est bien fait, ils l'ont bien mérité!

10.

-¿Quién?, ¿qué? -dijo levantándose Pitágoras. 

«-Qui? quoi? dit Pythagore en se relevant. 

11.

Y la gente corría sin cesar diciendo:

Et les gens couraient toujours en disant:

12.

-¡Ah, qué gusto será verlos asar!

«Ah! que nous aurons de plaisir de les voir cuire!»

13.

Pitágoras creyó que hablaban de membrillos o de alguna otra fruta; pero no era así, que era de dos pobres indios.

Pythagore crut qu'on parlait de lentilles ou de quelques autres légumes; point du tout, c'était deux pauvres Indiens. 

14.

-Sin duda -dijo Pitágoras- que serán dos grandes filósofos aburridos de la vida y que anhelan renacer bajo otra forma. Siempre es cosa gustosa mudar de casa, puesto que ningún alojamiento hay bueno; pero sobre gustos no se ha de disputar.

«Ah! sans doute, dit Pythagore, ce sont deux grands philosophes qui sont las de la vie; ils sont bien aises de renaître sous une autre forme; il y a du plaisir à changer de maison, quoiqu'on soit toujours mal logé: il ne faut pas disputer des goûts. »

15.

Siguió con la muchedumbre hasta la plaza pública, y allí vio una gran hoguera encendida, y enfrente de la hoguera un banco que llamaban un tribunal, y en este banco unos jueces; y estos jueces tenían todos en la mano una cola de vaca, y en la cabeza un bonete que se parecía perfectamente a las dos orejas del animal que montaba Isleño cuando vino en otro tiempo al país con Baco, después de atravesar el mar Eritreo a pie enjuto, y parar el Sol y la Luna, como lo cuentan los verídicos órficos.

Il avança avec la foule jusqu'à la place publique, et ce fut là qu'il vit un grand bûcher allumé, et vis-à-vis de ce bûcher un banc qu'on appe­lait un tribunal, et sur ce banc des juges, et ces juges tenaient tous une queue de vache à la main, et ils avaient sur la tête un bonnet ressemblant parfaitement aux deux oreilles de l'animal qui porta Silène1 quand il vint autrefois au pays avec Bacchus, après avoir traversé la mer Erythrée à pied sec, et avoir arrêté le soleil et la lune, comme on le raconte fidèlement dans les Orphiques.

16.

Entre estos jueces se encontraba un hombre de bien a quien conocía mucho Pitágoras; y el sabio de la India explicó al de Samos de qué se trataba en la fiesta que iban a dar al pueblo indio.

Il y avait parmi ces juges un honnête homme fort connu de Pythagore. Le sage de l'Inde expliqua au sage de Samos de quoi il était question dans la fête qu'on allait donner au peuple indou. 

17.

-Los dos indios -le dijo- no tienen ganas ninguna de que los quemen; que les han condenado a este suplicio mis graves colegas: al uno, porque ha dicho que la sustancia de Jaca es distinta de la de Brama; y al otro, porque ha sospechado que era posible agradar al Ser supremo siendo virtuoso, sin agarrar a la hora de la muerte una vaca por la cola; porque, dice él, en todos los tiempos es posible practicar la virtud, y no siempre se encuentra una vaca a mano. Las buenas mujeres de este pueblo se han alborotado de tal modo al oír estas dos proposiciones heréticas, que no han dejado ni a sol ni a sombra a los jueces, hasta que han mandado el suplicio de estos dos infelices.

«Les deux Indiens, dit-il, n'ont nulle envie d'être brûlés; mes graves confrères les ont condamnés à ce supplice, l'un pour avoir dit que la sub­stance de Xaca3 n'est pas la substance de Brama3; et l'autre, pour avoir soupçonné qu'on pouvait plaire à l'Être suprême par la vertu, sans tenir en mourant une vache par la queue; parce que, disait-il, on peut être ver­tueux en tout temps, et qu'on ne trouve pas toujours une vache à point nommé. Les bonnes femmes de la ville ont été si effrayées de ces deux propositions hérétiques4 qu'elles n'ont point donné de repos aux juges jusqu'à ce qu'ils aient ordonné le supplice de ces deux infortunés.»

18.

Infirió Pitágoras que, desde la hierba hasta el hombre, había motivos de quebranto en este mundo, puesto que trajo a la razón a los jueces, y aún a las devotas, cosa que solamente esta vez ha sucedido.

Pythagore jugea que depuis l'herbe jusqu'à l'homme il y avait bien des sujets de chagrin. Il fit pourtant entendre raison aux juges, et même aux dévotes: et c'est ce qui n'est arrivé que cette seule fois.

19.

Fuese luego a predicar la tolerancia a Crotona; más un intolerante pegó fuego a su casa, y se quemó en ella después de haber librado a dos indios de las llamas. ¡Escape el que pudiere!

Ensuite il alla prêcher la tolérance à Crotone; mais un intolérant mit le feu à sa maison: il fut brûlé, lui qui avait tiré deux Indous des flammes.  Sauve qui peut!

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1.

Pitágoras, estando en la India, aprendió, como saben todos, en la escuela de los gimnosofistas la lengua de los animales y la de las plantas. Paseándose un día por un prado cerca de la orilla del mar, oyó estas palabras:

Pythagore dans son séjour aux Indes, apprit, comme tout le monde sait, à l'école des gymnosophistes, le langage des bêtes et celui des plantes. Se promenant un jour dans une prairie assez près du rivage de la mer, il entendit ces paroles: 

2.

-¡Qué desdicha la mía de haber nacido hierba, apenas llego a dos pulgadas de alto, cuando me huella bajo sus vastos pies un monstruo voraz, un animal horroroso, que tiene armada la boca de una fila de tajantes hoces con que me siega, me hace añicos, y me traga: los hombres llaman carnero a este monstruo, y no creo que haya en el universo criatura más abominable.

«Que je suis malheureuse d'être née herbe! à peine suis-je parvenue à deux pouces de hauteur que voilà un monstre dévorant, un animal horrible, qui me foule sous ses larges pieds;sa gueule est armée d'une rangée de faux tranchantes, avec laquelle il me coupe, me déchire et m'engloutit. Les hommes nomment ce monstre un mouton. Je ne crois pas qu'il y ait au monde une plus abominable créature.»

3.

Dio Pitágoras algunos pasos más, y encontró una ostra abierta sobre una piedra: todavía no había abrazado la admirable ley que prohíbe comerse a los animales nuestros semejantes; iba a tragarse la ostra, cuando dijo ella estas lastimosas razones:

Pythagore avança quelques pas; il trouve une huître qui bâillait sur un petit rocher; il n'avait point encore embrassé cette admirable loi par laquelle il est défendu,de manger les animaux nos semblables. Il allait avaler l'huître, lorsqu'elle prononça ces mots attendrissants: 

4.

-¡Oh, naturaleza, qué feliz es la hierba, que como yo es obra tuya! Cuando la cortan, renace, y es inmortal; y nosotras desventuradas ostras, en balde nos defiende una doble coraza, que unos malvados nos engullen a docenas para desayunarse, y se acabó para siempre. ¡Qué suerte tan horrenda la de una ostra! ¡Que inhumanos son los hombres!

«ô nature! que l'herbe, qui est comme moi ton ouvrage, est heureuse! Quand on l'a coupée, elle renaît, elle est immortelle; et nous, pauvres huîtres, en vain sommes-nous défendues par une double cuirasse; des scélérats nous mangent par douzaines à leur déjeuner, et c'en est fait pour jamais. Quelle épouvantable destinée que celle d'une huître, et que les hommes sont barbares!».

5.

Estremecido Pitágoras, conoció la enormidad del delito que iba a cometer: pidió llorando perdón a la ostra, y la repuso bonitamente encima de la piedra.

Pythagore tressaillit; il sentit l'énormité du crime qu'il allait commettre: il demanda pardon à l'huître en pleurant, et la remit bien proprement sur son rocher.

6.

Mientras iba meditando profundamente en este suceso, vio de vuelta al pueblo arañas que se comían las moscas, golondrinas que se comían las arañas, y gavilanes que se comían las golondrinas.

Comme il rêvait profondément à cette aventure en retournant à la ville, il vit des araignées qui mangeaient des mouches, des hirondelles qui mangeaient des araignées, des éperviers qui mangeaient des hirondelles.

7.

-¡Todas estas gentes -decía- no son filósofos!

«Tous ces gens-là, dit-il, ne sont pas philosophes»

8.

Al entrar en el pueblo lo apretaron, lo estrujaron y lo tiraron al suelo una muchedumbre de pillos y desarrapados que iban corriendo y gritando:

Pythagore,en entrant, fut heurté, froissé, renversé par une multitude de gredins et de gredines qui couraient en criant: 

9.

-Muy bien hecho; bien lo merecen.

«C'est bien fait, c'est bien fait, ils l'ont bien mérité!

10.

-¿Quién?, ¿qué? -dijo levantándose Pitágoras. 

«-Qui? quoi? dit Pythagore en se relevant. 

11.

Y la gente corría sin cesar diciendo:

Et les gens couraient toujours en disant:

12.

-¡Ah, qué gusto será verlos asar!

«Ah! que nous aurons de plaisir de les voir cuire!»

13.

Pitágoras creyó que hablaban de membrillos o de alguna otra fruta; pero no era así, que era de dos pobres indios.

Pythagore crut qu'on parlait de lentilles ou de quelques autres légumes; point du tout, c'était deux pauvres Indiens. 

14.

-Sin duda -dijo Pitágoras- que serán dos grandes filósofos aburridos de la vida y que anhelan renacer bajo otra forma. Siempre es cosa gustosa mudar de casa, puesto que ningún alojamiento hay bueno; pero sobre gustos no se ha de disputar.

«Ah! sans doute, dit Pythagore, ce sont deux grands philosophes qui sont las de la vie; ils sont bien aises de renaître sous une autre forme; il y a du plaisir à changer de maison, quoiqu'on soit toujours mal logé: il ne faut pas disputer des goûts. »

15.

Siguió con la muchedumbre hasta la plaza pública, y allí vio una gran hoguera encendida, y enfrente de la hoguera un banco que llamaban un tribunal, y en este banco unos jueces; y estos jueces tenían todos en la mano una cola de vaca, y en la cabeza un bonete que se parecía perfectamente a las dos orejas del animal que montaba Isleño cuando vino en otro tiempo al país con Baco, después de atravesar el mar Eritreo a pie enjuto, y parar el Sol y la Luna, como lo cuentan los verídicos órficos.

Il avança avec la foule jusqu'à la place publique, et ce fut là qu'il vit un grand bûcher allumé, et vis-à-vis de ce bûcher un banc qu'on appe­lait un tribunal, et sur ce banc des juges, et ces juges tenaient tous une queue de vache à la main, et ils avaient sur la tête un bonnet ressemblant parfaitement aux deux oreilles de l'animal qui porta Silène1 quand il vint autrefois au pays avec Bacchus, après avoir traversé la mer Erythrée à pied sec, et avoir arrêté le soleil et la lune, comme on le raconte fidèlement dans les Orphiques.

16.

Entre estos jueces se encontraba un hombre de bien a quien conocía mucho Pitágoras; y el sabio de la India explicó al de Samos de qué se trataba en la fiesta que iban a dar al pueblo indio.

Il y avait parmi ces juges un honnête homme fort connu de Pythagore. Le sage de l'Inde expliqua au sage de Samos de quoi il était question dans la fête qu'on allait donner au peuple indou. 

17.

-Los dos indios -le dijo- no tienen ganas ninguna de que los quemen; que les han condenado a este suplicio mis graves colegas: al uno, porque ha dicho que la sustancia de Jaca es distinta de la de Brama; y al otro, porque ha sospechado que era posible agradar al Ser supremo siendo virtuoso, sin agarrar a la hora de la muerte una vaca por la cola; porque, dice él, en todos los tiempos es posible practicar la virtud, y no siempre se encuentra una vaca a mano. Las buenas mujeres de este pueblo se han alborotado de tal modo al oír estas dos proposiciones heréticas, que no han dejado ni a sol ni a sombra a los jueces, hasta que han mandado el suplicio de estos dos infelices.

«Les deux Indiens, dit-il, n'ont nulle envie d'être brûlés; mes graves confrères les ont condamnés à ce supplice, l'un pour avoir dit que la sub­stance de Xaca3 n'est pas la substance de Brama3; et l'autre, pour avoir soupçonné qu'on pouvait plaire à l'Être suprême par la vertu, sans tenir en mourant une vache par la queue; parce que, disait-il, on peut être ver­tueux en tout temps, et qu'on ne trouve pas toujours une vache à point nommé. Les bonnes femmes de la ville ont été si effrayées de ces deux propositions hérétiques4 qu'elles n'ont point donné de repos aux juges jusqu'à ce qu'ils aient ordonné le supplice de ces deux infortunés.»

18.

Infirió Pitágoras que, desde la hierba hasta el hombre, había motivos de quebranto en este mundo, puesto que trajo a la razón a los jueces, y aún a las devotas, cosa que solamente esta vez ha sucedido.

Pythagore jugea que depuis l'herbe jusqu'à l'homme il y avait bien des sujets de chagrin. Il fit pourtant entendre raison aux juges, et même aux dévotes: et c'est ce qui n'est arrivé que cette seule fois.

19.

Fuese luego a predicar la tolerancia a Crotona; más un intolerante pegó fuego a su casa, y se quemó en ella después de haber librado a dos indios de las llamas. ¡Escape el que pudiere!

Ensuite il alla prêcher la tolérance à Crotone; mais un intolérant mit le feu à sa maison: il fut brûlé, lui qui avait tiré deux Indous des flammes.  Sauve qui peut!

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