Por primera vez, sentí que iba a suceder algo extraordinario, algo nuevo. Me pareció que hacía frío, que el aire se espesaba, que la noche, que mi amada noche, se volvía pesada en mi corazón. Ahora la avenida estaba desierta. Solos, dos agentes de policía paseaban cerca de la parada de coches de caballos y, por la calzada iluminada apenas por las farolas de gas que parecían moribundas, una hilera de vehículos cargados con legumbres se dirigía hacia el mercado de Les Halles. Iban lentamente, llenos de zanahorias, nabos y coles. Los conductores dormían, invisibles, y los caballos mantenían un paso uniforme, siguiendo al vehículo que los precedía, sin ruido sobre el pavimento de madera. Frente a cada una de las luces de la acera, las zanahorias se iluminaban de rojo, los nabos se iluminaban de blanco, las coles se iluminaban de verde, y pasaban, uno tras otro, estos coches rojos; de un rojo de fuego, blancos, de un blanco de plata, verdes, de un verde esmeralda. Los seguí, y luego volví por la calle Royale y aparecí de nuevo en los bulevares. Ya no había nadie, ya no había cafés luminosos, sólo algunos rezagados que se apresuraban. Jamás había visto un París tan muerto, tan desierto. Saqué mi reloj. Eran las dos.
Pour la première fois je sentis qu'il allait arriver quelque chose d'étrange, de nouveau. Il me sembla qu'il faisait froid, que l'air s'épaississait, que la nuit, ma nuit bien-aimée, devenait lourde sur mon coeur. L'avenue était déserte maintenant. Seuls, deux sergents de ville se promenaient auprès de la station des fiacres, et sur la chaussée à peine éclairée par les becs de gaz qui paraissaient mourants, une file de voitures de légumes allait aux Halles. Elles allaient lentement, chargées de carottes, de navets et de choux. Les conducteurs dormaient, invisibles, les chevaux marchaient d'un pas égal, suivant la voiture précédente, sans bruit, sur le pavé de bois. Devant chaque lumière du trottoir, les carottes s'éclairaient en rouge, les navets s'éclairaient en blanc, les choux s'éclairaient en vert; et elles passaient l'une derrière l'autre, ces voitures rouges, d'un rouge de feu, blanches d'un blanc d'argent, vertes d'un vert d'émeraude. Je les suivis, puis je tournai par la rue Royale et revins sur les boulevards. Plus personne, plus de cafés éclairés, quelques attardés seulement qui se hâtaient. Je n'avais jamais vu Paris aussi mort, aussi désert. Je tirai ma montre. Il était deux heures.