El hombre de la sesera de oro / L'homme a la cervelle d'or - Alphonse Daudet
1.

Al leer su carta, señora, me ha asaltado algo así como un remordimiento. Me he recriminado el color pesimista de mis cuentos y me he comprometido a enviarle algo alegre, profundamente alegre.

En lisant votre lettre, madame, j'ai eu comme un remords. Je m'en suis voulu de la couleur un peu trop demi-deuil de mes historiettes, et je m'étais promis de vous offrir aujourd'hui quelque chose de joyeux, de follement joyeux.

2.

¿Por qué habría de estar triste, después de todo? Vivo a mil leguas de las nieblas parisinas, sobre una colina luminosa, en la región de los tamboriles y del vino moscatel. A mi alrededor todo es sol y música; tengo orquestas de aguzanieves, orfeones de abejarucos, por la mañana los chorlitos que hacen ¡chorolí, chorolí!; a mediodía las chicharras, luego los zagales tocando la zampoña y las guapas mozas morenas a las que se les oye reír en los viñedos... En verdad, el lugar está mal elegido para tejer fantasías tenebrosas; yo debería, más bien, enviar a las damas poemas color de rosa y cestas llenas de cuentos galantes...

Pourquoi serais-je triste, après tout ? Je vis à mille lieues des brouillards parisiens, sur une colline lumineuse, dans Ie pays des tambourins et du vin muscat. Autour de chez moi tout n'est que soleil et musique ; j'ai des orchestres de culs-blancs, des orphéons de mésanges ; Ie matin, les courlis qui font : " Coureli ! coureli ! ", à midi, les cigales ; puis les pâtres qui jouent du fifre, et les belles filles brunes qu'on entend rire dans les vignes... En vérité, l'endroit est mal choisi pour broyer du noir ; je devrais plutôt expédier aux dames des poèmes couleur de rose et des pleins paniers de contes galants.

3.

¡Pues bien, no! Todavía estoy demasiado cerca de París. A diario llegan hasta mis pinos las salpicaduras de sus tristezas... En este momento en el que escribo, acabo de saber que el pobre Charles Barbara ha muerto en la miseria; por lo cual mi molino se ha vuelto de luto riguroso. ¡Adiós a los chorlitos y a las chicharras! Ya no tengo ánimos para contar cosas alegres. 

Eh bien, non ! je suis encore trop près de Paris. Tous les jours, jusque dans mes pins, il m'envoie les éclaboussures de ses tristesses... À l'heure même où j'écris ces lignes, je viens d'apprendre la mort misérable du pauvre Charles Barbara; et mon moulin en est tout en deuil. Adieu les courlis et les cigales ! Je n'ai plus Ie cœur à rien de gai...

4.

Por esa causa, señora, en lugar del lindo cuento festivo que había decidido escribir para usted, no leerá hoy sino una leyenda melancólica.

Voilà pourquoi, madame, au lieu du joli conte badin que je m'étais promis de vous faire, vous n'aurez encore aujourd'hui qu'une légende mélancolique.

5.

* * *

* * *

6.

Érase una vez un hombre que tenía la sesera de oro; sí, señora, una sesera completamente de oro. Cuando vino al mundo, los médicos pensaron que aquel niño no podría vivir, tan pesada era su cabeza y tan desmesurado su cráneo. Sin embargo, vivió y creció al sol como un hermoso retoño de olivo; sólo que su gruesa cabeza le arrastraba siempre, y daba pena verlo tropezar con los muebles al andar... A menudo se caía. Un día rodó desde lo alto de una escalinata y vino a dar con la frente en un peldaño de mármol, donde su cráneo resonó como un lingote. Le creyeron muerto; pero, al levantarlo, sólo le encontraron una leve herida con dos o tres gotitas de oro cuajadas entre sus cabellos rubios. Fue así como los padres supieron que tenía una sesera de oro.

II était une fois un homme qui avait une cervelle d'or ; oui, madame, une cervelle toute en or. Lorsqu'il vint au monde, les médecins pensaient que cet enfant ne vivrait pas, tant sa tête était lourde et son crâne démesuré. Il vécut cependant et grandit au soleil comme un beau plant d'olivier ; seulement sa grosse tête l'entraînait toujours, et c'était pitié de Ie voir se cogner à tous les meubles en marchant... Il tombait souvent. Un jour, il roula du haut d'un perron et vint donner du front contre un degré de marbre, où son crâne sonna comme un lingot. On Ie crut mort, mais en Ie relevant, on ne lui trouva qu'une légère blessure, avec deux ou trois gouttelettes d'or caillées dans ses cheveux blonds. C'est ainsi que les parents apprirent que l'enfant avait une cervelle en or.

7.

No lo divulgaron; ni siquiera el niño sospechó nada. De vez en cuando éste preguntaba por qué ya no le permitían correr y jugar fuera de casa con a los demás niños.

La chose lut tenue secrète ; Ie pauvre petit lui-même ne se douta de rien. De temps en temps, il demandait pourquoi on ne Ie laissait plus courir devant la porte avec les garçonnets de la rue.

8.

-¡Podrían robarte, mi tesoro! -decía la madre.

- On vous volerait, mon beau trésor ! lui répondait sa mère...

9.

Entonces el chiquillo sentía miedo de que lo raptaran y se ponía a jugar solo, sin decir palabra, vagando pesadamente de una habitación a otra.

Alors Ie petit avait grand-peur d'être volé ; il retournait jouer tout seul, sans rien dire, et se trimbalait lourdement d'une salle à l'autre...

10.

Sólo al cumplir los dieciocho años le revelaron sus padres el don monstruoso que debía al destino; y como lo habían alimentado y educado desde que nació, le pidieron, en compensación, una parte de su oro. El chico no vaciló: en el acto -¿cómo?, ¿por qué medios?, la leyenda no lo dice- se arrancó del cráneo un buen trozo de oro macizo y lo depositó en el regazo de su madre...

À dix-huit ans seulement, ses parents lui révélèrent Ie don monstrueux qu'il tenait du destin; et, comme ils l'avaient élevé et nourri jusque-là, ils lui demandèrent en retour un peu de son or. L'enfant n'hésita pas ; sur l'heure même - comment ? par quels moyens ? la légende ne l'a pas dit -, il s'arracha du crâne un morceau d'or massif, un morceau gros comme une noix, qu'il jeta fièrement sur les genoux de sa mère...

11.

Luego, deslumbrado por los caudales que llevaba en la cabeza, abandonó la casa paterna y se fue por el mundo dilapidando su tesoro. A juzgar por el modo de vivir a lo grande, regiamente y derrochando el oro sin contarlo, habríase dicho que aquella sesera era inagotable... Pero se iba agotando y, poco a poco, su mirada se fue apagando y sus mejillas se demacraron. Un día, la mañana siguiente de una fiesta desenfrenada, el desgraciado, que se había quedado solo entre los restos del festín, se espantó al ver el enorme trozo que le faltaba a su lingote; por lo que pensó que debía detener su despilfarro.

Puis, tout ébloui des richesses qu'il portait dans la tête, fou de désirs, ivre de sa puissance, il quitta la maison paternelle et s'en alla par Ie monde en gaspillant son trésor. Du train dont il menait sa vie, royalement, et semant l'or sans compter, on aurait dit que sa cervelle était inépuisable... Elle s'épuisait cependant, et à mesure on pouvait voir les yeux s'éteindre, la joue devenir plus creuse. Un jour enfin, au matin d'une débauche folle, Ie malheureux, resté seul parmi les débris du festin et les lustres qui pâlissaient, s'épouvanta de l'énorme brèche qu'il avait déjà faite à son lingot : il était temps de s'arrêter.

12.

A partir de entonces su existencia cambió. Se retiró y empezó a vivir del trabajo de sus manos, atemorizado y receloso como un avaro, huyendo de las tentaciones, procurando olvidar las fatales riquezas a las que no quería tocar... Por desdicha, un amigo le había seguido en su soledad y este amigo conocía su secreto. Una noche, el desventurado fue despertado súbitamente por un intenso dolor de cabeza; se incorporó desatinado, y vio a la luz de la luna a su amigo que escapaba ocultando algo bajo su capa... ¡Un trozo más de sesera que le quitaban!

Dès lors, ce fut une existence nouvelle. L'homme à la cervelle d'or s'en alla vivre, à l'écart, du travail de ses mains, soupçonneux et craintif comme un avare, fuyant les tentations, tâchant d'oublier lui-même ces fatales richesses auxquelles il ne voulait plus toucher... Par malheur un ami l'avait suivi dans sa solitude, et cet ami connaissait son secret. Une nuit, Ie pauvre homme fut réveillé en sursaut par une douleur à la tête, une effroyable douleur ; il se dressa éperdu, et vit, dans un rayon de lune, l'ami qui fuyait en cachant quelque chose sous son manteau... Encore un peu de cervelle qu'on lui emportait !...

13.

Poco después se enamoró, y esta vez se acabó todo. Amaba a una mujercita rubia, que también lo amaba, pero que amaba más aún las plumas, los lazos, los pompones, los bordados y pasamanerías. Entre las manos de aquella gentil criatura -mitad pájaro, mitad muñeca- las monedas de oro se fundían sin sentir. Era caprichosa a más no poder; y él no sabía decir no. Por no contrariarla llegó incluso a ocultarle el origen de su fortuna.

À quelque temps de là, l'homme à la cervelle d'or devint amoureux, et cette fois tout fut fini... Il aimait du meilleur de son âme une petite femme blonde, qui l'aimait bien aussi, mais qui préférait encore les pompons, les plumes blanches et les jolis glands mordorés battant Ie long des bottines. Entre les mains de cette mignonne créature - moitié oiseau, moitié poupée -, les piécettes d'or fondaient que c'était un plaisir. Elle avait tous les caprices; et lui ne savait jamais dire non ; même, de peur de la peiner il lui cacha jusqu'au bout Ie triste secret de sa fortune.

14.

-¿Así que somos muy ricos? -decía ella.

- Nous sommes donc bien riches ? disait-elle.

15.

El pobre hombre respondía:

Le pauvre homme lui répondait :

16.

-¡Oh, sí!... ¡Muy ricos! 

- Oh ! oui... bien riches !

17.

Y sonreía con amor al pajarito azul que, inocentemente, le iba devorando el cráneo.

Et il souriait avec amour au petit oiseau bleu qui lui mangeait le crâne innocemment. 

18.

Pese a todo, a veces le entraba miedo y le daban ganas de volverse avaro, pero entonces llegaba su mujercita mimosa y le rogaba:

Quelquefois cependant la peur le prenait, il avait des envies d'être avare ; mais alors la petite femme venait vers lui en sautillant, et lui disait :

19.

-Cariño, tú que eres tan rico... ¡Cómprame algo que sea muy caro!

- Mon mari, qui êtes si riche! achetez-moi quelque chose de bien cher..

20.

Y él le compraba algo muy caro. Así pasaron dos años, hasta que una mañana la mujercita, sin saber por qué, se murió como un pajarito... El tesoro tocaba a su fin, pero con lo que le quedaba, el viudo encargó un hermoso entierro para su amada muerta. Campanas al vuelo, carroza tapizada de negro, caballos empenachados, lágrimas de plata sobre el terciopelo, nada le pareció demasiado suntuoso. Ahora ya ¿qué le importaba su oro? Lo prodigó: le dio a la iglesia, a los sepultureros, a las vendedoras de siemprevivas; por todas partes lo repartió sin regatear... Por eso, al salir del cementerio ya no le quedaba casi nada de su maravillosa sesera; tan sólo unos trocitos pegados a las paredes del cráneo.

Et il lui achetait quelque chose de bien cher. Cela dura ainsi pendant deux ans ; puis, un matin, la petite femme mourut, sans qu'on sût pourquoi, comme un oiseau... Le trésor touchait à sa fin ; avec ce qui lui restait, Ie veuf fit faire à sa chère morte un bel enterrement. Cloches à toute volée, lourds carrosses tendus de noir chevaux empanachés, larmes d'argent dans Ie velours, rien ne lui parut trop beau. Que lui importait son or maintenant ?... Il en donna pour l'église, pour les porteurs, pour les revendeuses d'immortelles : il en donna partout sans marchandises... Aussi, en sortant du cimetière, il ne lui restait presque plus rien de cette cervelle merveilleuse, à peine quelques parcelles aux parois du crâne.

21.

Entonces lo vieron irse por las calles con aspecto extraviado y las manos por delante, tropezando como un beodo. Al anochecer, a la hora en que se encienden los bazares, se detuvo ante un amplio escaparate en el que todo un amasijo de lujosas telas y pedrerías espejeaba bajo las lámparas; y permaneció allí un buen rato contemplando un par de chinelas de raso azul con ribetes de plumas de cisne. «Sé de alguien a quien estos escarpines le darán una gran alegría», se decía sonriendo; y, sin recordar que su esposa estaba muerta, entró para comprarlos. Desde el fondo de la trastienda la tendera oyó un grito agudo; acudió y retrocedió espantada al ver al hombre de pie, recostado sobre el mostrador, mirándola angustiosamente. Tenía en una mano los escarpines y en la otra, ensangrentada, unas cuantas partículas de oro en las uñas.

Alors on Ie vit s'en aller dans les rues, l'air égaré, les mains en avant, trébuchant comme un homme ivre. Le soir, à l'heure où les bazars s'illuminent, il s'arrêta devant une large vitrine dans laquelle tout un fouillis d'étoiles et de parures reluisait aux lumières, et resta là longtemps à regarder deux bottines de satin bleu bordées de duvet de cygne. " Je sais quelqu'un à qui ces bottines feraient bien plaisir ", se disait-il en souriant ; et, ne se souvenant déjà plus que la petite femme était morte, il entra pour les acheter Du fond de son arrière-boutique, la marchande entendit un grand cri ; elle accourut et recula de peur en voyant un homme debout, qui s'accotait au comptoir et il regardait douloureusement d'un air hébété. Il tenait d'une main les bottines bleues à bordure de cygne, et présentait l'autre main toute sanglante, avec des raclures d'or au bout des ongles.

22.

* * *

* * *

23.

Pese a su aspecto de cuento fantástico, esta leyenda es cierta por los cuatro costados... Hay en el mundo personas condenadas a vivir de su cerebro, y pagan con oro de ley, con su médula y su propia sustancia, las más ínfimas cosas de la existencia. Cada día es para ellos un sufrimiento, y luego, cuando están hartas de sufrir...

Telle est, madame, la légende de l'homme à la cervelle d'or. Malgré ses airs de conte fantastique, cette légende est vraie d'un bout à l'autre... Il y a par le monde de pauvres gens qui sont condamnés à vivre avec leur cerveau, et payent en bel or fin, avec leur moelle et leur substance, les moindres choses de la vie. C'est pour eux une douleur de chaque jour ; et puis, quand ils sont las de souffrir...

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El hombre de la sesera de oro / L'homme a la cervelle d'or

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1.

Al leer su carta, señora, me ha asaltado algo así como un remordimiento. Me he recriminado el color pesimista de mis cuentos y me he comprometido a enviarle algo alegre, profundamente alegre.

En lisant votre lettre, madame, j'ai eu comme un remords. Je m'en suis voulu de la couleur un peu trop demi-deuil de mes historiettes, et je m'étais promis de vous offrir aujourd'hui quelque chose de joyeux, de follement joyeux.

2.

¿Por qué habría de estar triste, después de todo? Vivo a mil leguas de las nieblas parisinas, sobre una colina luminosa, en la región de los tamboriles y del vino moscatel. A mi alrededor todo es sol y música; tengo orquestas de aguzanieves, orfeones de abejarucos, por la mañana los chorlitos que hacen ¡chorolí, chorolí!; a mediodía las chicharras, luego los zagales tocando la zampoña y las guapas mozas morenas a las que se les oye reír en los viñedos... En verdad, el lugar está mal elegido para tejer fantasías tenebrosas; yo debería, más bien, enviar a las damas poemas color de rosa y cestas llenas de cuentos galantes...

Pourquoi serais-je triste, après tout ? Je vis à mille lieues des brouillards parisiens, sur une colline lumineuse, dans Ie pays des tambourins et du vin muscat. Autour de chez moi tout n'est que soleil et musique ; j'ai des orchestres de culs-blancs, des orphéons de mésanges ; Ie matin, les courlis qui font : " Coureli ! coureli ! ", à midi, les cigales ; puis les pâtres qui jouent du fifre, et les belles filles brunes qu'on entend rire dans les vignes... En vérité, l'endroit est mal choisi pour broyer du noir ; je devrais plutôt expédier aux dames des poèmes couleur de rose et des pleins paniers de contes galants.

3.

¡Pues bien, no! Todavía estoy demasiado cerca de París. A diario llegan hasta mis pinos las salpicaduras de sus tristezas... En este momento en el que escribo, acabo de saber que el pobre Charles Barbara ha muerto en la miseria; por lo cual mi molino se ha vuelto de luto riguroso. ¡Adiós a los chorlitos y a las chicharras! Ya no tengo ánimos para contar cosas alegres. 

Eh bien, non ! je suis encore trop près de Paris. Tous les jours, jusque dans mes pins, il m'envoie les éclaboussures de ses tristesses... À l'heure même où j'écris ces lignes, je viens d'apprendre la mort misérable du pauvre Charles Barbara; et mon moulin en est tout en deuil. Adieu les courlis et les cigales ! Je n'ai plus Ie cœur à rien de gai...

4.

Por esa causa, señora, en lugar del lindo cuento festivo que había decidido escribir para usted, no leerá hoy sino una leyenda melancólica.

Voilà pourquoi, madame, au lieu du joli conte badin que je m'étais promis de vous faire, vous n'aurez encore aujourd'hui qu'une légende mélancolique.

5.

* * *

* * *

6.

Érase una vez un hombre que tenía la sesera de oro; sí, señora, una sesera completamente de oro. Cuando vino al mundo, los médicos pensaron que aquel niño no podría vivir, tan pesada era su cabeza y tan desmesurado su cráneo. Sin embargo, vivió y creció al sol como un hermoso retoño de olivo; sólo que su gruesa cabeza le arrastraba siempre, y daba pena verlo tropezar con los muebles al andar... A menudo se caía. Un día rodó desde lo alto de una escalinata y vino a dar con la frente en un peldaño de mármol, donde su cráneo resonó como un lingote. Le creyeron muerto; pero, al levantarlo, sólo le encontraron una leve herida con dos o tres gotitas de oro cuajadas entre sus cabellos rubios. Fue así como los padres supieron que tenía una sesera de oro.

II était une fois un homme qui avait une cervelle d'or ; oui, madame, une cervelle toute en or. Lorsqu'il vint au monde, les médecins pensaient que cet enfant ne vivrait pas, tant sa tête était lourde et son crâne démesuré. Il vécut cependant et grandit au soleil comme un beau plant d'olivier ; seulement sa grosse tête l'entraînait toujours, et c'était pitié de Ie voir se cogner à tous les meubles en marchant... Il tombait souvent. Un jour, il roula du haut d'un perron et vint donner du front contre un degré de marbre, où son crâne sonna comme un lingot. On Ie crut mort, mais en Ie relevant, on ne lui trouva qu'une légère blessure, avec deux ou trois gouttelettes d'or caillées dans ses cheveux blonds. C'est ainsi que les parents apprirent que l'enfant avait une cervelle en or.

7.

No lo divulgaron; ni siquiera el niño sospechó nada. De vez en cuando éste preguntaba por qué ya no le permitían correr y jugar fuera de casa con a los demás niños.

La chose lut tenue secrète ; Ie pauvre petit lui-même ne se douta de rien. De temps en temps, il demandait pourquoi on ne Ie laissait plus courir devant la porte avec les garçonnets de la rue.

8.

-¡Podrían robarte, mi tesoro! -decía la madre.

- On vous volerait, mon beau trésor ! lui répondait sa mère...

9.

Entonces el chiquillo sentía miedo de que lo raptaran y se ponía a jugar solo, sin decir palabra, vagando pesadamente de una habitación a otra.

Alors Ie petit avait grand-peur d'être volé ; il retournait jouer tout seul, sans rien dire, et se trimbalait lourdement d'une salle à l'autre...

10.

Sólo al cumplir los dieciocho años le revelaron sus padres el don monstruoso que debía al destino; y como lo habían alimentado y educado desde que nació, le pidieron, en compensación, una parte de su oro. El chico no vaciló: en el acto -¿cómo?, ¿por qué medios?, la leyenda no lo dice- se arrancó del cráneo un buen trozo de oro macizo y lo depositó en el regazo de su madre...

À dix-huit ans seulement, ses parents lui révélèrent Ie don monstrueux qu'il tenait du destin; et, comme ils l'avaient élevé et nourri jusque-là, ils lui demandèrent en retour un peu de son or. L'enfant n'hésita pas ; sur l'heure même - comment ? par quels moyens ? la légende ne l'a pas dit -, il s'arracha du crâne un morceau d'or massif, un morceau gros comme une noix, qu'il jeta fièrement sur les genoux de sa mère...

11.

Luego, deslumbrado por los caudales que llevaba en la cabeza, abandonó la casa paterna y se fue por el mundo dilapidando su tesoro. A juzgar por el modo de vivir a lo grande, regiamente y derrochando el oro sin contarlo, habríase dicho que aquella sesera era inagotable... Pero se iba agotando y, poco a poco, su mirada se fue apagando y sus mejillas se demacraron. Un día, la mañana siguiente de una fiesta desenfrenada, el desgraciado, que se había quedado solo entre los restos del festín, se espantó al ver el enorme trozo que le faltaba a su lingote; por lo que pensó que debía detener su despilfarro.

Puis, tout ébloui des richesses qu'il portait dans la tête, fou de désirs, ivre de sa puissance, il quitta la maison paternelle et s'en alla par Ie monde en gaspillant son trésor. Du train dont il menait sa vie, royalement, et semant l'or sans compter, on aurait dit que sa cervelle était inépuisable... Elle s'épuisait cependant, et à mesure on pouvait voir les yeux s'éteindre, la joue devenir plus creuse. Un jour enfin, au matin d'une débauche folle, Ie malheureux, resté seul parmi les débris du festin et les lustres qui pâlissaient, s'épouvanta de l'énorme brèche qu'il avait déjà faite à son lingot : il était temps de s'arrêter.

12.

A partir de entonces su existencia cambió. Se retiró y empezó a vivir del trabajo de sus manos, atemorizado y receloso como un avaro, huyendo de las tentaciones, procurando olvidar las fatales riquezas a las que no quería tocar... Por desdicha, un amigo le había seguido en su soledad y este amigo conocía su secreto. Una noche, el desventurado fue despertado súbitamente por un intenso dolor de cabeza; se incorporó desatinado, y vio a la luz de la luna a su amigo que escapaba ocultando algo bajo su capa... ¡Un trozo más de sesera que le quitaban!

Dès lors, ce fut une existence nouvelle. L'homme à la cervelle d'or s'en alla vivre, à l'écart, du travail de ses mains, soupçonneux et craintif comme un avare, fuyant les tentations, tâchant d'oublier lui-même ces fatales richesses auxquelles il ne voulait plus toucher... Par malheur un ami l'avait suivi dans sa solitude, et cet ami connaissait son secret. Une nuit, Ie pauvre homme fut réveillé en sursaut par une douleur à la tête, une effroyable douleur ; il se dressa éperdu, et vit, dans un rayon de lune, l'ami qui fuyait en cachant quelque chose sous son manteau... Encore un peu de cervelle qu'on lui emportait !...

13.

Poco después se enamoró, y esta vez se acabó todo. Amaba a una mujercita rubia, que también lo amaba, pero que amaba más aún las plumas, los lazos, los pompones, los bordados y pasamanerías. Entre las manos de aquella gentil criatura -mitad pájaro, mitad muñeca- las monedas de oro se fundían sin sentir. Era caprichosa a más no poder; y él no sabía decir no. Por no contrariarla llegó incluso a ocultarle el origen de su fortuna.

À quelque temps de là, l'homme à la cervelle d'or devint amoureux, et cette fois tout fut fini... Il aimait du meilleur de son âme une petite femme blonde, qui l'aimait bien aussi, mais qui préférait encore les pompons, les plumes blanches et les jolis glands mordorés battant Ie long des bottines. Entre les mains de cette mignonne créature - moitié oiseau, moitié poupée -, les piécettes d'or fondaient que c'était un plaisir. Elle avait tous les caprices; et lui ne savait jamais dire non ; même, de peur de la peiner il lui cacha jusqu'au bout Ie triste secret de sa fortune.

14.

-¿Así que somos muy ricos? -decía ella.

- Nous sommes donc bien riches ? disait-elle.

15.

El pobre hombre respondía:

Le pauvre homme lui répondait :

16.

-¡Oh, sí!... ¡Muy ricos! 

- Oh ! oui... bien riches !

17.

Y sonreía con amor al pajarito azul que, inocentemente, le iba devorando el cráneo.

Et il souriait avec amour au petit oiseau bleu qui lui mangeait le crâne innocemment. 

18.

Pese a todo, a veces le entraba miedo y le daban ganas de volverse avaro, pero entonces llegaba su mujercita mimosa y le rogaba:

Quelquefois cependant la peur le prenait, il avait des envies d'être avare ; mais alors la petite femme venait vers lui en sautillant, et lui disait :

19.

-Cariño, tú que eres tan rico... ¡Cómprame algo que sea muy caro!

- Mon mari, qui êtes si riche! achetez-moi quelque chose de bien cher..

20.

Y él le compraba algo muy caro. Así pasaron dos años, hasta que una mañana la mujercita, sin saber por qué, se murió como un pajarito... El tesoro tocaba a su fin, pero con lo que le quedaba, el viudo encargó un hermoso entierro para su amada muerta. Campanas al vuelo, carroza tapizada de negro, caballos empenachados, lágrimas de plata sobre el terciopelo, nada le pareció demasiado suntuoso. Ahora ya ¿qué le importaba su oro? Lo prodigó: le dio a la iglesia, a los sepultureros, a las vendedoras de siemprevivas; por todas partes lo repartió sin regatear... Por eso, al salir del cementerio ya no le quedaba casi nada de su maravillosa sesera; tan sólo unos trocitos pegados a las paredes del cráneo.

Et il lui achetait quelque chose de bien cher. Cela dura ainsi pendant deux ans ; puis, un matin, la petite femme mourut, sans qu'on sût pourquoi, comme un oiseau... Le trésor touchait à sa fin ; avec ce qui lui restait, Ie veuf fit faire à sa chère morte un bel enterrement. Cloches à toute volée, lourds carrosses tendus de noir chevaux empanachés, larmes d'argent dans Ie velours, rien ne lui parut trop beau. Que lui importait son or maintenant ?... Il en donna pour l'église, pour les porteurs, pour les revendeuses d'immortelles : il en donna partout sans marchandises... Aussi, en sortant du cimetière, il ne lui restait presque plus rien de cette cervelle merveilleuse, à peine quelques parcelles aux parois du crâne.

21.

Entonces lo vieron irse por las calles con aspecto extraviado y las manos por delante, tropezando como un beodo. Al anochecer, a la hora en que se encienden los bazares, se detuvo ante un amplio escaparate en el que todo un amasijo de lujosas telas y pedrerías espejeaba bajo las lámparas; y permaneció allí un buen rato contemplando un par de chinelas de raso azul con ribetes de plumas de cisne. «Sé de alguien a quien estos escarpines le darán una gran alegría», se decía sonriendo; y, sin recordar que su esposa estaba muerta, entró para comprarlos. Desde el fondo de la trastienda la tendera oyó un grito agudo; acudió y retrocedió espantada al ver al hombre de pie, recostado sobre el mostrador, mirándola angustiosamente. Tenía en una mano los escarpines y en la otra, ensangrentada, unas cuantas partículas de oro en las uñas.

Alors on Ie vit s'en aller dans les rues, l'air égaré, les mains en avant, trébuchant comme un homme ivre. Le soir, à l'heure où les bazars s'illuminent, il s'arrêta devant une large vitrine dans laquelle tout un fouillis d'étoiles et de parures reluisait aux lumières, et resta là longtemps à regarder deux bottines de satin bleu bordées de duvet de cygne. " Je sais quelqu'un à qui ces bottines feraient bien plaisir ", se disait-il en souriant ; et, ne se souvenant déjà plus que la petite femme était morte, il entra pour les acheter Du fond de son arrière-boutique, la marchande entendit un grand cri ; elle accourut et recula de peur en voyant un homme debout, qui s'accotait au comptoir et il regardait douloureusement d'un air hébété. Il tenait d'une main les bottines bleues à bordure de cygne, et présentait l'autre main toute sanglante, avec des raclures d'or au bout des ongles.

22.

* * *

* * *

23.

Pese a su aspecto de cuento fantástico, esta leyenda es cierta por los cuatro costados... Hay en el mundo personas condenadas a vivir de su cerebro, y pagan con oro de ley, con su médula y su propia sustancia, las más ínfimas cosas de la existencia. Cada día es para ellos un sufrimiento, y luego, cuando están hartas de sufrir...

Telle est, madame, la légende de l'homme à la cervelle d'or. Malgré ses airs de conte fantastique, cette légende est vraie d'un bout à l'autre... Il y a par le monde de pauvres gens qui sont condamnés à vivre avec leur cerveau, et payent en bel or fin, avec leur moelle et leur substance, les moindres choses de la vie. C'est pour eux une douleur de chaque jour ; et puis, quand ils sont las de souffrir...

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