-¡Quita allá! ¡qué indigno pensamiento! Quiero escribir un poema como Kacatogan, pero no en un canto, sino en veinticuatro, como todos los grandes hombres; ¡no, no es suficiente, tendrá cuarenta y ocho, con notas y un apéndice! Es necesario que el universo sepa que existo. En mis versos, no dejaré de lamentar mi aislamiento, pero será de tal forma, que los más felices me envidiarán. Puesto que el cielo me ha negado una hembra, diré calumnias de las de los demás. Demostraré que todo está demasiado verde, salvo las uvas que como yo. Los ruiseñores no tienen más que comportarse bien, yo demostraré, como que dos y dos son cuatro, que sus endechas producen malestar y que su mercancía no vale nada. Es necesario que vaya a visitar a Charpentier. Quiero crearme desde el principio una poderosa posición literaria. Deseo tener a mi alrededor una corte compuesta no sólo de periodistas, sino también de autores verdaderos e incluso de mujeres de letras. Escribiré un papel para la señorita Rachel y, si se niega a interpretarlo, publicaré a son de trompeta que su talento es muy inferior al de una vieja actriz de provincias. Iré a Venecia y alquilaré, a orillas del gran canal y en medio de aquella ciudad de ensueño, el bello palacio Mocenigo, que cuesta cuatro libras y diez peniques al día; allí, me inspiraré en todos los recuerdos que el autor de Lara debe haber dejado allí. Desde el fondo de mi soledad, inundaré el mundo con un diluvio de rimas alternas, calcadas de una estrofa de Spencer, en las que aliviaré mi gran alma; haré suspirar a todas las tórtolas, deshacerse en lágrimas a todas las abubillas y gritar a todas las viejas lechuzas. Pero, por lo que respecta a mi persona, me mostraré inexorable e inaccesible al amor. En vano me presionarán y me suplicarán que tenga piedad de las desdichadas seducidas por mis sublimes cantos; a todo ello contestaré: ¡Maldito sea! ¡Oh, exceso de gloria! mis manuscritos se venderán a peso de oro, mis libros cruzarán los mares; la fama, la fortuna, me seguirán por doquier; pero, solo, pareceré indiferente a los murmullos del gentío que me rodeará. En una palabra: seré un perfecto mirlo blanco, un auténtico escritor excéntrico, festejado, mimado, admirado, envidiado, pero completamente gruñón e insoportable.
— Fi donc ! quelle indigne pensée ! Je veux faire un poëme comme Kacatogan, non pas en un chant, mais en vingt-quatre, comme tous les grands hommes ; ce n’est pas assez, il y en aura quarante-huit, avec des notes et un appendice ! Il faut que l’univers apprenne que j’existe. Je ne manquerai pas, dans mes vers, de déplorer mon isolement ; mais ce sera de telle sorte, que les plus heureux me porteront envie. Puisque le ciel m’a refusé une femelle, je dirai un mal affreux de celles des autres. Je prouverai que tout est trop vert, hormis les raisins que je mange. Les rossignols n’ont qu’à se bien tenir ; je démontrerai, comme deux et deux font quatre, que leurs complaintes font mal au cœur, et que leur marchandise ne vaut rien. Il faut que j’aille trouver Charpentier. Je veux me créer tout d’abord une puissante position littéraire. J’entends avoir autour de moi une cour composée, non pas seulement de journalistes, mais d’auteurs véritables et même de femmes de lettres. J’écrirai un rôle pour mademoiselle Rachel, et, si elle refuse de le jouer, je publierai à son de trompe que son talent est bien inférieur à celui d’une vieille actrice de province. J’irai à Venise, et je louerai, sur les bords du grand canal, au milieu de cette cité féerique, le beau palais Mocenigo, qui coûte quatre livres dix sous par jour ; là, je m’inspirerai de tous les souvenirs que l’auteur de Lara doit y avoir laissés. Du fond de ma solitude, j’inonderai le monde d’un déluge de rimes croisées, calquées sur la strophe de Spencer, où je soulagerai ma grande âme ; je ferai soupirer toutes les mésanges, roucouler toutes les tourterelles, fondre en larmes toutes les bécasses, et hurler toutes les vieilles chouettes. Mais, pour ce qui regarde ma personne, je me montrerai inexorable et inaccessible à l’amour. En vain me pressera-t-on, me suppliera-t-on d’avoir pitié des infortunées qu’auront séduites mes chants sublimes ; à tout cela, je répondrai : Foin ! Ô excès de gloire ! mes manuscrits se vendront au poids de l’or, mes livres traverseront les mers ; la renommée, la fortune, me suivront partout ; seul, je semblerai indifférent aux murmures de la foule qui m’environnera. En un mot, je serai un parfait merle blanc, un véritable écrivain excentrique, fêté, choyé, admiré, envié, mais complètement grognon et insupportable.