Historia de un mirlo blanco / Histoire d'un merle blanc - Alfred de Musset
1.

Busqué en un primer momento a mis padres por todos los jardines de los alrededores, pero fue en vano; sin duda se habían refugiado en algún barrio alejado, y no pude jamás tener noticias suyas.

Je cherchai d’abord mes parents dans tous les jardins d’alentour, mais ce fut peine perdue ; ils s’étaient sans doute réfugiés dans quelque quartier éloigné, et je ne pus jamais savoir de leurs nouvelles.

2.

Imbuido de una horrible tristeza, fui a posarme en el canalón al que la ira de mi padre me había exiliado en un primer momento. Allí pasaba los días y las noches lamentando mi triste existencia. Ya no dormía, apenas comía, y estaba a punto de morir de dolor.

Pénétré d’une tristesse affreuse, j’allai me percher sur la gouttière où la colère de mon père m’avait d’abord exilé. J’y passais les jours et les nuits à déplorer ma triste existence. Je ne dormais plus, je mangeais à peine : j’étais près de mourir de douleur.

3.

Un día que me lamentaba como de costumbre, me decía:

Un jour que je me lamentais comme à l’ordinaire :

4.

-Así pues, yo no soy un mirlo puesto que mi padre me desplumaba; ni un palomo mensajero pues caí en el camino cuando quise ir a Bélgica; ni una urraca rusa, puesto que la pequeña marquesa se tapó los oídos tan pronto como abrí el pico; ni una tórtola, puesto que Gourouli, la buena de Gourouli, roncaba como un monje cuando yo cantaba; ni un loro, puesto que Kacatogan no se dignó escucharme; ni un pájaro cualquiera, en fin, puesto que en Mortefontaine me dejaron dormir solo. Y, sin embargo, tengo plumas, tengo patas, tengo alas. No soy ningún monstruo y la prueba es que Gourouli e incluso la pequeña marquesa me encontraban bastante de su agrado. ¿Por qué misterio inexplicable estas plumas, estas alas, estas patas no sabrían formar un conjunto al que se le pudiera dar un nombre? ¿No seré por casualidad…?

— Ainsi donc, me disais-je tout haut, je ne suis ni un merle, puisque mon père me plumait ; ni un pigeon, puisque je suis tombé en route quand j’ai voulu aller en Belgique ; ni une pie russe, puisque la petite marquise s’est bouché les oreilles dès que j’ai ouvert le bec ; ni une tourterelle, puisque Gourouli, la bonne Gourouli elle-même, ronflait comme un moine quand je chantais ; ni un perroquet, puisque Kacatogan n’a pas daigné m’écouter ; ni un oiseau quelconque, enfin, puisque, à Mortefontaine, on m’a laissé coucher tout seul. Et cependant j’ai des plumes sur le corps ; voilà des pattes et voilà des ailes. Je ne suis point un monstre, témoin Gourouli, et cette petite marquise elle-même, qui me trouvaient assez à leur gré. Par quel mystère inexplicable ces plumes, ces ailes et ces pattes ne sauraient-elles former un ensemble auquel on puisse donner un nom ? Ne serais-je pas par hasard ?…

5.

Iba a continuar mis lamentos, cuando fui interrumpido por dos porteras que discutían en la calle.

J’allais poursuivre mes doléances, lorsque je fus interrompu par deux portières qui se disputaient dans la rue.

6.

-¡Ah, pardiez! -dijo una a la otra- si lo consigues, te regalaré un mirlo blanco.

— Ah, parbleu ! dit l’une d’elles à l’autre, si tu en viens jamais à bout, je te fais cadeau d’un merle blanc !

7.

-¡Dios Santo! -exclamé- ése es mi asunto. ¡Oh, Providencia!, soy hijo de un mirlo y soy blanco, luego ¡soy un mirlo blanco!

— Dieu juste ! m’écriai-je, voilà mon affaire. Ô Providence ! je suis fils d’un merle, et je suis blanc : je suis un merle blanc !

8.

Este descubrimiento -tengo que confesarlo- modificó mucho mis esquemas. En lugar de seguir quejándome, empecé a pavonearme y a caminar orgullosamente a lo largo del canalón, mirando el espacio con expresión victoriosa.

Cette découverte, il faut l’avouer, modifia beaucoup mes idées. Au lieu de continuer à me plaindre, je commençai à me rengorger et à marcher fièrement le long de la gouttière, en regardant l’espace d’un air victorieux.

9.

-Ser un mirlo blanco -me dije- no es cualquier cosa, no es moco de pavo. Era demasiado tonto al afligirme por no encontrar a alguien semejante a mí, ¡ése es el destino del genio, es mi destino! Quería huir del mundo, pero ahora quiero sorprenderlo. Puesto que soy el pájaro sin igual cuya existencia niega el vulgo, debo, pretendo comportarme como tal, ni más ni menos que un fénix, y despreciar al resto de volátiles. Tengo que comprarme las Memorias de Alfieri y los poemas de Byron; este alimento substancioso me inspirará un noble orgullo, sin contar con el que Dios me ha dado. Sí, quiero incrementar, si es posible, el prestigio de mi cuna. La Naturaleza me ha hecho raro y yo me haré misterioso. Verme será un favor, una gloria. Y, después de todo -añadí en voz baja- ¿y si me exhibiera tranquilamente por dinero?

— C’est quelque chose, me dis-je, que d’être un merle blanc : cela ne se trouve point dans le pas d’un âne. J’étais bien bon de m’affliger de ne pas rencontrer mon semblable : c’est le sort du génie, c’est le mien ! Je voulais fuir le monde, je veux l’étonner ! Puisque je suis cet oiseau sans pareil dont le vulgaire nie l’existence, je dois et prétends me comporter comme tel, ni plus ni moins que le phénix, et mépriser le reste des volatiles. Il faut que j’achète les Mémoires d’Alfieri et les poëmes de lord Byron ; cette nourriture substantielle m’inspirera un noble orgueil, sans compter celui que Dieu m’a donné. Oui, je veux ajouter, s’il se peut, au prestige de ma naissance. La nature m’a fait rare, je me ferai mystérieux. Ce sera une faveur, une gloire de me voir. — Et, au fait, ajoutai-je plus bas, si je me montrais tout bonnement pour de l’argent ?

10.

-¡Quita allá! ¡qué indigno pensamiento! Quiero escribir un poema como Kacatogan, pero no en un canto, sino en veinticuatro, como todos los grandes hombres; ¡no, no es suficiente, tendrá cuarenta y ocho, con notas y un apéndice! Es necesario que el universo sepa que existo. En mis versos, no dejaré de lamentar mi aislamiento, pero será de tal forma, que los más felices me envidiarán. Puesto que el cielo me ha negado una hembra, diré calumnias de las de los demás. Demostraré que todo está demasiado verde, salvo las uvas que como yo. Los ruiseñores no tienen más que comportarse bien, yo demostraré, como que dos y dos son cuatro, que sus endechas producen malestar y que su mercancía no vale nada. Es necesario que vaya a visitar a Charpentier. Quiero crearme desde el principio una poderosa posición literaria. Deseo tener a mi alrededor una corte compuesta no sólo de periodistas, sino también de autores verdaderos e incluso de mujeres de letras. Escribiré un papel para la señorita Rachel y, si se niega a interpretarlo, publicaré a son de trompeta que su talento es muy inferior al de una vieja actriz de provincias. Iré a Venecia y alquilaré, a orillas del gran canal y en medio de aquella ciudad de ensueño, el bello palacio Mocenigo, que cuesta cuatro libras y diez peniques al día; allí, me inspiraré en todos los recuerdos que el autor de Lara debe haber dejado allí. Desde el fondo de mi soledad, inundaré el mundo con un diluvio de rimas alternas, calcadas de una estrofa de Spencer, en las que aliviaré mi gran alma; haré suspirar a todas las tórtolas, deshacerse en lágrimas a todas las abubillas y gritar a todas las viejas lechuzas. Pero, por lo que respecta a mi persona, me mostraré inexorable e inaccesible al amor. En vano me presionarán y me suplicarán que tenga piedad de las desdichadas seducidas por mis sublimes cantos; a todo ello contestaré: ¡Maldito sea! ¡Oh, exceso de gloria! mis manuscritos se venderán a peso de oro, mis libros cruzarán los mares; la fama, la fortuna, me seguirán por doquier; pero, solo, pareceré indiferente a los murmullos del gentío que me rodeará. En una palabra: seré un perfecto mirlo blanco, un auténtico escritor excéntrico, festejado, mimado, admirado, envidiado, pero completamente gruñón e insoportable.

— Fi donc ! quelle indigne pensée ! Je veux faire un poëme comme Kacatogan, non pas en un chant, mais en vingt-quatre, comme tous les grands hommes ; ce n’est pas assez, il y en aura quarante-huit, avec des notes et un appendice ! Il faut que l’univers apprenne que j’existe. Je ne manquerai pas, dans mes vers, de déplorer mon isolement ; mais ce sera de telle sorte, que les plus heureux me porteront envie. Puisque le ciel m’a refusé une femelle, je dirai un mal affreux de celles des autres. Je prouverai que tout est trop vert, hormis les raisins que je mange. Les rossignols n’ont qu’à se bien tenir ; je démontrerai, comme deux et deux font quatre, que leurs complaintes font mal au cœur, et que leur marchandise ne vaut rien. Il faut que j’aille trouver Charpentier. Je veux me créer tout d’abord une puissante position littéraire. J’entends avoir autour de moi une cour composée, non pas seulement de journalistes, mais d’auteurs véritables et même de femmes de lettres. J’écrirai un rôle pour mademoiselle Rachel, et, si elle refuse de le jouer, je publierai à son de trompe que son talent est bien inférieur à celui d’une vieille actrice de province. J’irai à Venise, et je louerai, sur les bords du grand canal, au milieu de cette cité féerique, le beau palais Mocenigo, qui coûte quatre livres dix sous par jour ; là, je m’inspirerai de tous les souvenirs que l’auteur de Lara doit y avoir laissés. Du fond de ma solitude, j’inonderai le monde d’un déluge de rimes croisées, calquées sur la strophe de Spencer, où je soulagerai ma grande âme ; je ferai soupirer toutes les mésanges, roucouler toutes les tourterelles, fondre en larmes toutes les bécasses, et hurler toutes les vieilles chouettes. Mais, pour ce qui regarde ma personne, je me montrerai inexorable et inaccessible à l’amour. En vain me pressera-t-on, me suppliera-t-on d’avoir pitié des infortunées qu’auront séduites mes chants sublimes ; à tout cela, je répondrai : Foin ! Ô excès de gloire ! mes manuscrits se vendront au poids de l’or, mes livres traverseront les mers ; la renommée, la fortune, me suivront partout ; seul, je semblerai indifférent aux murmures de la foule qui m’environnera. En un mot, je serai un parfait merle blanc, un véritable écrivain excentrique, fêté, choyé, admiré, envié, mais complètement grognon et insupportable.

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Historia de un mirlo blanco / Histoire d'un merle blanc

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1.

Busqué en un primer momento a mis padres por todos los jardines de los alrededores, pero fue en vano; sin duda se habían refugiado en algún barrio alejado, y no pude jamás tener noticias suyas.

Je cherchai d’abord mes parents dans tous les jardins d’alentour, mais ce fut peine perdue ; ils s’étaient sans doute réfugiés dans quelque quartier éloigné, et je ne pus jamais savoir de leurs nouvelles.

2.

Imbuido de una horrible tristeza, fui a posarme en el canalón al que la ira de mi padre me había exiliado en un primer momento. Allí pasaba los días y las noches lamentando mi triste existencia. Ya no dormía, apenas comía, y estaba a punto de morir de dolor.

Pénétré d’une tristesse affreuse, j’allai me percher sur la gouttière où la colère de mon père m’avait d’abord exilé. J’y passais les jours et les nuits à déplorer ma triste existence. Je ne dormais plus, je mangeais à peine : j’étais près de mourir de douleur.

3.

Un día que me lamentaba como de costumbre, me decía:

Un jour que je me lamentais comme à l’ordinaire :

4.

-Así pues, yo no soy un mirlo puesto que mi padre me desplumaba; ni un palomo mensajero pues caí en el camino cuando quise ir a Bélgica; ni una urraca rusa, puesto que la pequeña marquesa se tapó los oídos tan pronto como abrí el pico; ni una tórtola, puesto que Gourouli, la buena de Gourouli, roncaba como un monje cuando yo cantaba; ni un loro, puesto que Kacatogan no se dignó escucharme; ni un pájaro cualquiera, en fin, puesto que en Mortefontaine me dejaron dormir solo. Y, sin embargo, tengo plumas, tengo patas, tengo alas. No soy ningún monstruo y la prueba es que Gourouli e incluso la pequeña marquesa me encontraban bastante de su agrado. ¿Por qué misterio inexplicable estas plumas, estas alas, estas patas no sabrían formar un conjunto al que se le pudiera dar un nombre? ¿No seré por casualidad…?

— Ainsi donc, me disais-je tout haut, je ne suis ni un merle, puisque mon père me plumait ; ni un pigeon, puisque je suis tombé en route quand j’ai voulu aller en Belgique ; ni une pie russe, puisque la petite marquise s’est bouché les oreilles dès que j’ai ouvert le bec ; ni une tourterelle, puisque Gourouli, la bonne Gourouli elle-même, ronflait comme un moine quand je chantais ; ni un perroquet, puisque Kacatogan n’a pas daigné m’écouter ; ni un oiseau quelconque, enfin, puisque, à Mortefontaine, on m’a laissé coucher tout seul. Et cependant j’ai des plumes sur le corps ; voilà des pattes et voilà des ailes. Je ne suis point un monstre, témoin Gourouli, et cette petite marquise elle-même, qui me trouvaient assez à leur gré. Par quel mystère inexplicable ces plumes, ces ailes et ces pattes ne sauraient-elles former un ensemble auquel on puisse donner un nom ? Ne serais-je pas par hasard ?…

5.

Iba a continuar mis lamentos, cuando fui interrumpido por dos porteras que discutían en la calle.

J’allais poursuivre mes doléances, lorsque je fus interrompu par deux portières qui se disputaient dans la rue.

6.

-¡Ah, pardiez! -dijo una a la otra- si lo consigues, te regalaré un mirlo blanco.

— Ah, parbleu ! dit l’une d’elles à l’autre, si tu en viens jamais à bout, je te fais cadeau d’un merle blanc !

7.

-¡Dios Santo! -exclamé- ése es mi asunto. ¡Oh, Providencia!, soy hijo de un mirlo y soy blanco, luego ¡soy un mirlo blanco!

— Dieu juste ! m’écriai-je, voilà mon affaire. Ô Providence ! je suis fils d’un merle, et je suis blanc : je suis un merle blanc !

8.

Este descubrimiento -tengo que confesarlo- modificó mucho mis esquemas. En lugar de seguir quejándome, empecé a pavonearme y a caminar orgullosamente a lo largo del canalón, mirando el espacio con expresión victoriosa.

Cette découverte, il faut l’avouer, modifia beaucoup mes idées. Au lieu de continuer à me plaindre, je commençai à me rengorger et à marcher fièrement le long de la gouttière, en regardant l’espace d’un air victorieux.

9.

-Ser un mirlo blanco -me dije- no es cualquier cosa, no es moco de pavo. Era demasiado tonto al afligirme por no encontrar a alguien semejante a mí, ¡ése es el destino del genio, es mi destino! Quería huir del mundo, pero ahora quiero sorprenderlo. Puesto que soy el pájaro sin igual cuya existencia niega el vulgo, debo, pretendo comportarme como tal, ni más ni menos que un fénix, y despreciar al resto de volátiles. Tengo que comprarme las Memorias de Alfieri y los poemas de Byron; este alimento substancioso me inspirará un noble orgullo, sin contar con el que Dios me ha dado. Sí, quiero incrementar, si es posible, el prestigio de mi cuna. La Naturaleza me ha hecho raro y yo me haré misterioso. Verme será un favor, una gloria. Y, después de todo -añadí en voz baja- ¿y si me exhibiera tranquilamente por dinero?

— C’est quelque chose, me dis-je, que d’être un merle blanc : cela ne se trouve point dans le pas d’un âne. J’étais bien bon de m’affliger de ne pas rencontrer mon semblable : c’est le sort du génie, c’est le mien ! Je voulais fuir le monde, je veux l’étonner ! Puisque je suis cet oiseau sans pareil dont le vulgaire nie l’existence, je dois et prétends me comporter comme tel, ni plus ni moins que le phénix, et mépriser le reste des volatiles. Il faut que j’achète les Mémoires d’Alfieri et les poëmes de lord Byron ; cette nourriture substantielle m’inspirera un noble orgueil, sans compter celui que Dieu m’a donné. Oui, je veux ajouter, s’il se peut, au prestige de ma naissance. La nature m’a fait rare, je me ferai mystérieux. Ce sera une faveur, une gloire de me voir. — Et, au fait, ajoutai-je plus bas, si je me montrais tout bonnement pour de l’argent ?

10.

-¡Quita allá! ¡qué indigno pensamiento! Quiero escribir un poema como Kacatogan, pero no en un canto, sino en veinticuatro, como todos los grandes hombres; ¡no, no es suficiente, tendrá cuarenta y ocho, con notas y un apéndice! Es necesario que el universo sepa que existo. En mis versos, no dejaré de lamentar mi aislamiento, pero será de tal forma, que los más felices me envidiarán. Puesto que el cielo me ha negado una hembra, diré calumnias de las de los demás. Demostraré que todo está demasiado verde, salvo las uvas que como yo. Los ruiseñores no tienen más que comportarse bien, yo demostraré, como que dos y dos son cuatro, que sus endechas producen malestar y que su mercancía no vale nada. Es necesario que vaya a visitar a Charpentier. Quiero crearme desde el principio una poderosa posición literaria. Deseo tener a mi alrededor una corte compuesta no sólo de periodistas, sino también de autores verdaderos e incluso de mujeres de letras. Escribiré un papel para la señorita Rachel y, si se niega a interpretarlo, publicaré a son de trompeta que su talento es muy inferior al de una vieja actriz de provincias. Iré a Venecia y alquilaré, a orillas del gran canal y en medio de aquella ciudad de ensueño, el bello palacio Mocenigo, que cuesta cuatro libras y diez peniques al día; allí, me inspiraré en todos los recuerdos que el autor de Lara debe haber dejado allí. Desde el fondo de mi soledad, inundaré el mundo con un diluvio de rimas alternas, calcadas de una estrofa de Spencer, en las que aliviaré mi gran alma; haré suspirar a todas las tórtolas, deshacerse en lágrimas a todas las abubillas y gritar a todas las viejas lechuzas. Pero, por lo que respecta a mi persona, me mostraré inexorable e inaccesible al amor. En vano me presionarán y me suplicarán que tenga piedad de las desdichadas seducidas por mis sublimes cantos; a todo ello contestaré: ¡Maldito sea! ¡Oh, exceso de gloria! mis manuscritos se venderán a peso de oro, mis libros cruzarán los mares; la fama, la fortuna, me seguirán por doquier; pero, solo, pareceré indiferente a los murmullos del gentío que me rodeará. En una palabra: seré un perfecto mirlo blanco, un auténtico escritor excéntrico, festejado, mimado, admirado, envidiado, pero completamente gruñón e insoportable.

— Fi donc ! quelle indigne pensée ! Je veux faire un poëme comme Kacatogan, non pas en un chant, mais en vingt-quatre, comme tous les grands hommes ; ce n’est pas assez, il y en aura quarante-huit, avec des notes et un appendice ! Il faut que l’univers apprenne que j’existe. Je ne manquerai pas, dans mes vers, de déplorer mon isolement ; mais ce sera de telle sorte, que les plus heureux me porteront envie. Puisque le ciel m’a refusé une femelle, je dirai un mal affreux de celles des autres. Je prouverai que tout est trop vert, hormis les raisins que je mange. Les rossignols n’ont qu’à se bien tenir ; je démontrerai, comme deux et deux font quatre, que leurs complaintes font mal au cœur, et que leur marchandise ne vaut rien. Il faut que j’aille trouver Charpentier. Je veux me créer tout d’abord une puissante position littéraire. J’entends avoir autour de moi une cour composée, non pas seulement de journalistes, mais d’auteurs véritables et même de femmes de lettres. J’écrirai un rôle pour mademoiselle Rachel, et, si elle refuse de le jouer, je publierai à son de trompe que son talent est bien inférieur à celui d’une vieille actrice de province. J’irai à Venise, et je louerai, sur les bords du grand canal, au milieu de cette cité féerique, le beau palais Mocenigo, qui coûte quatre livres dix sous par jour ; là, je m’inspirerai de tous les souvenirs que l’auteur de Lara doit y avoir laissés. Du fond de ma solitude, j’inonderai le monde d’un déluge de rimes croisées, calquées sur la strophe de Spencer, où je soulagerai ma grande âme ; je ferai soupirer toutes les mésanges, roucouler toutes les tourterelles, fondre en larmes toutes les bécasses, et hurler toutes les vieilles chouettes. Mais, pour ce qui regarde ma personne, je me montrerai inexorable et inaccessible à l’amour. En vain me pressera-t-on, me suppliera-t-on d’avoir pitié des infortunées qu’auront séduites mes chants sublimes ; à tout cela, je répondrai : Foin ! Ô excès de gloire ! mes manuscrits se vendront au poids de l’or, mes livres traverseront les mers ; la renommée, la fortune, me suivront partout ; seul, je semblerai indifférent aux murmures de la foule qui m’environnera. En un mot, je serai un parfait merle blanc, un véritable écrivain excentrique, fêté, choyé, admiré, envié, mais complètement grognon et insupportable.

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