Historia de un mirlo blanco / Histoire d'un merle blanc - Alfred de Musset
1.

Mi padre tuvo la crueldad de dejarme durante muchos días en aquella mortificante situación. Pero pese a su violencia, tenía buen corazón, y por las miradas indirectas que me echaba, yo veía claramente que le habría gustado perdonarme y llamarme; mi madre, sobre todo, levantaba hacia mí sin cesar unos ojos llenos de ternura y, a veces, incluso se arriesgaba a llamarme con un gritito lastimero; pero mi horrible plumaje blanco les inspiraba, a su pesar, una repugnancia y un espanto para los que -lo vi claro- no había remedio.

Mon père eut l’inhumanité de me laisser pendant plusieurs jours dans cette situation mortifiante. Malgré sa violence, il avait bon cœur, et, aux regards détournés qu’il me lançait, je voyais bien qu’il aurait voulu me pardonner et me rappeler ; ma mère, surtout, levait sans cesse vers moi des yeux pleins de tendresse, et se risquait même parfois à m’appeler d’un petit cri plaintif ; mais mon horrible plumage blanc leur inspirait, malgré eux, une répugnance et un effroi auxquels je vis bien qu’il n’y avait point de remède.

2.

-¡Yo no soy un mirlo! -me repetía-; y, efectivamente, cuando me espulgaba por la mañana y me miraba en el agua del canalón, no veía sino demasiado claro hasta qué punto me diferenciaba de mi familia. ¡Oh, cielo! -repetía también- ¡díme pues qué es lo que soy!

— Je ne suis point un merle ! me répétais-je ; et, en effet, en m’épluchant le matin et en me mirant dans l’eau de la gouttière, je ne reconnaissais que trop clairement combien je ressemblais peu à ma famille. — Ô ciel ! répétais-je encore, apprends-moi donc ce que je suis !

3.

Cierta noche que llovía a mares, iba a dormirme extenuado de hambre y pena, cuando vi posarse cerca de mí un pájaro más mojado, más pálido y más delgado de lo que yo creía posible. Era más o menos de mi color, por lo que pude juzgar a través de la lluvia que nos inundaba; apenas tenía sobre el cuerpo plumas suficientes como para vestir un gorrión, y era más grueso que yo. En un primer momento me pareció un pájaro pobre y necesitado; pero, pese a la tormenta que maltrataba su frente casi rapada, conservaba una expresión de altivez que me encantó. Le hice, modestamente, una gran reverencia, a la que respondió con un picotazo que estuvo a punto de tirarme del canalón. Al ver que me rascaba una oreja y me retiraba compungido sin tratar de responderle en su mismo lenguaje:

Une certaine nuit qu’il pleuvait à verse, j’allais m’endormir exténué de faim et de chagrin, lorsque je vis se poser près de moi un oiseau plus mouillé, plus pâle et plus maigre que je ne le croyais possible. Il était à peu près de ma couleur, autant que j’en pus juger à travers >la pluie qui nous inondait ; à peine avait-il sur le corps assez de plumes pour habiller un moineau, et il était plus gros que moi. Il me sembla, au premier abord, un oiseau tout à fait pauvre et nécessiteux ; mais il gardait, en dépit de l’orage qui maltraitait son front presque tondu, un air de fierté qui me charma. Je lui fis modestement une grande révérence, à laquelle il répondit par un coup de bec qui faillit me jeter à bas de la gouttière. Voyant que je me grattais l’oreille et que je me retirais avec componction sans essayer de lui répondre en sa langue :

4.

-¿Quién eres? -me preguntó con una voz tan ronca como calvo era su cráneo.

— Qui es-tu ? me demanda-t-il d’une voix aussi enrouée que son crâne était chauve.

5.

-¡Ah!, señor, -contesté temiendo una segunda estocada- no sé. Creía ser un mirlo pero me han convencido de que no lo soy.

— Hélas ! monseigneur, répondis-je (craignant une seconde estocade), je n’en sais rien. Je croyais être un merle, mais l’on m’a convaincu que je n’en suis pas un.

6.

La singularidad de mi respuesta y mi expresión de sinceridad le interesaron. Se acercó a mí e hizo que le contara mi historia, lo que hice con toda la tristeza y toda la humildad adecuadas a mi posición y al horrible tiempo que hacía.

La singularité de ma réponse et mon air de sincérité l’intéressèrent. Il s’approcha de moi et me fit conter mon histoire, ce dont je m’acquittai avec toute la tristesse et toute l’humilité qui convenaient à ma position et au temps affreux qu’il faisait.

7.

-Si fueras un palomo mensajero como yo -me dijo después de haberme escuchado- las simplezas que tanto te afligen no te inquietarían ni un segundo. Nosotros viajamos, ésa es nuestra vida, y tenemos amores, pero yo no sé quién es mi padre. Hender el aire, atravesar el espacio, ver a nuestros pies los montes y las llanuras, respirar el aire mismo de los cielos, y no las exhalaciones de la tierra, correr como una flecha hacia un objetivo marcado que no se nos escapa jamás, ése es nuestro placer y nuestra existencia. Hago más trayecto en un día que un hombre puede hacer en diez.

— Si tu étais un ramier comme moi, me dit-il après m’avoir écouté, les niaiseries dont tu t’affliges ne t’inquiéteraient pas un moment. Nous voyageons, c’est là notre vie, et nous avons bien nos amours, mais je ne sais qui est mon père. Fendre l’air, traverser l’espace, voir à nos pieds les monts et les plaines, respirer l’azur même des cieux, et non les exhalaisons de la terre, courir comme la flèche à un but marqué qui ne nous échappe jamais, voilà notre plaisir et notre existence. Je fais plus de chemin en un jour qu’un homme n’en peut faire en dix.

8.

-A fe, señor -le dije algo envalentonado- usted es un pájaro bohemio.

— Sur ma parole, monsieur, dis-je un peu enhardi, vous êtes un oiseau bohémien.

9.

-Ésa es otra de las cosas de las que no me preocupo en absoluto -contestó-. Yo no tengo país; sólo conozco tres cosas: los viajes, mi mujer y mis hijos. Donde está mi mujer está mi patria.

— C’est encore une chose dont je ne me soucie guère, reprit-il. Je n’ai point de pays ; je ne connais que trois choses : les voyages, ma femme et mes petits. Où est ma femme, là est ma patrie.

10.

-Pero, ¿qué es lo que lleva colgado al cuello? Parece un viejo papillote arrugado.

— Mais qu’avez-vous là qui vous pend au cou ? C’est comme une vieille papillotte chiffonnée.

11.

-Son papeles importantes, -contestó pavoneándose-; voy a Bruselas, y le llevo al célebre banquero *** una noticia que va a hacer bajar la renta un franco con setenta y ocho céntimos.

— Ce sont des papiers d’importance, répondit-il en se rengorgeant ; je vais à Bruxelles de ce pas, et je porte au célèbre banquier *** une nouvelle qui va faire baisser la rente d’un franc soixante-dix-huit centimes.

12.

-¡Dios Santo! -exclamé- ¡qué hermosa existencia la suya! y Bruselas debe ser una ciudad digna de ver, estoy seguro. ¿No podría llevarme con usted? Puesto que no soy un mirlo, tal vez sea un pichón.

— Juste Dieu ! m’écriai-je, c’est une belle existence que la vôtre, et Bruxelles, j’en suis sûr, doit être une ville bien curieuse à voir. Ne pourriez-vous pas m’emmener avec vous ? Puisque je ne suis pas un merle, je suis peut-être un pigeon ramier.

13.

-Si lo fueras -me contestó- me habrías devuelto el picotazo que te di hace un rato.

— Si tu en étais un, répliqua-t-il, tu m’aurais rendu le coup de bec que je t’ai donné tout à l’heure.

14.

-Pues bien, señor, se lo devolveré; no discutamos por tan poca cosa. He aquí que la mañana surge y la tormenta se calma. Por favor, ¡permítame acompañarlo! Estoy perdido; no tengo a nadie en el mundo; si me rechaza no me queda más que ahogarme en este canalón.

— Eh bien ! monsieur, je vous le rendrai ; ne nous brouillons pas pour si peu de chose. Voilà le matin qui paraît et l’orage qui s’apaise. De grâce, laissez-moi vous suivre ! Je suis perdu, je n’ai plus rien au monde ; — si vous me refusez, il ne me reste plus qu’à me noyer dans cette gouttière.

15.

-Está bien, ¡en marcha!, sígueme si puedes.

— Eh bien, en route ! suis-moi si tu peux.

16.

Lancé la última mirada hacia el jardín en el que dormía mi madre. Una lágrima brotó de mis ojos; el viento y la lluvia se la llevaron. Abrí mis alas y partí.

Je jetai un dernier regard sur le jardin où dormait ma mère. Une larme coula de mes yeux ; le vent et la pluie l’emportèrent. J’ouvris mes ailes et je partis.

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Historia de un mirlo blanco / Histoire d'un merle blanc

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1.

Mi padre tuvo la crueldad de dejarme durante muchos días en aquella mortificante situación. Pero pese a su violencia, tenía buen corazón, y por las miradas indirectas que me echaba, yo veía claramente que le habría gustado perdonarme y llamarme; mi madre, sobre todo, levantaba hacia mí sin cesar unos ojos llenos de ternura y, a veces, incluso se arriesgaba a llamarme con un gritito lastimero; pero mi horrible plumaje blanco les inspiraba, a su pesar, una repugnancia y un espanto para los que -lo vi claro- no había remedio.

Mon père eut l’inhumanité de me laisser pendant plusieurs jours dans cette situation mortifiante. Malgré sa violence, il avait bon cœur, et, aux regards détournés qu’il me lançait, je voyais bien qu’il aurait voulu me pardonner et me rappeler ; ma mère, surtout, levait sans cesse vers moi des yeux pleins de tendresse, et se risquait même parfois à m’appeler d’un petit cri plaintif ; mais mon horrible plumage blanc leur inspirait, malgré eux, une répugnance et un effroi auxquels je vis bien qu’il n’y avait point de remède.

2.

-¡Yo no soy un mirlo! -me repetía-; y, efectivamente, cuando me espulgaba por la mañana y me miraba en el agua del canalón, no veía sino demasiado claro hasta qué punto me diferenciaba de mi familia. ¡Oh, cielo! -repetía también- ¡díme pues qué es lo que soy!

— Je ne suis point un merle ! me répétais-je ; et, en effet, en m’épluchant le matin et en me mirant dans l’eau de la gouttière, je ne reconnaissais que trop clairement combien je ressemblais peu à ma famille. — Ô ciel ! répétais-je encore, apprends-moi donc ce que je suis !

3.

Cierta noche que llovía a mares, iba a dormirme extenuado de hambre y pena, cuando vi posarse cerca de mí un pájaro más mojado, más pálido y más delgado de lo que yo creía posible. Era más o menos de mi color, por lo que pude juzgar a través de la lluvia que nos inundaba; apenas tenía sobre el cuerpo plumas suficientes como para vestir un gorrión, y era más grueso que yo. En un primer momento me pareció un pájaro pobre y necesitado; pero, pese a la tormenta que maltrataba su frente casi rapada, conservaba una expresión de altivez que me encantó. Le hice, modestamente, una gran reverencia, a la que respondió con un picotazo que estuvo a punto de tirarme del canalón. Al ver que me rascaba una oreja y me retiraba compungido sin tratar de responderle en su mismo lenguaje:

Une certaine nuit qu’il pleuvait à verse, j’allais m’endormir exténué de faim et de chagrin, lorsque je vis se poser près de moi un oiseau plus mouillé, plus pâle et plus maigre que je ne le croyais possible. Il était à peu près de ma couleur, autant que j’en pus juger à travers >la pluie qui nous inondait ; à peine avait-il sur le corps assez de plumes pour habiller un moineau, et il était plus gros que moi. Il me sembla, au premier abord, un oiseau tout à fait pauvre et nécessiteux ; mais il gardait, en dépit de l’orage qui maltraitait son front presque tondu, un air de fierté qui me charma. Je lui fis modestement une grande révérence, à laquelle il répondit par un coup de bec qui faillit me jeter à bas de la gouttière. Voyant que je me grattais l’oreille et que je me retirais avec componction sans essayer de lui répondre en sa langue :

4.

-¿Quién eres? -me preguntó con una voz tan ronca como calvo era su cráneo.

— Qui es-tu ? me demanda-t-il d’une voix aussi enrouée que son crâne était chauve.

5.

-¡Ah!, señor, -contesté temiendo una segunda estocada- no sé. Creía ser un mirlo pero me han convencido de que no lo soy.

— Hélas ! monseigneur, répondis-je (craignant une seconde estocade), je n’en sais rien. Je croyais être un merle, mais l’on m’a convaincu que je n’en suis pas un.

6.

La singularidad de mi respuesta y mi expresión de sinceridad le interesaron. Se acercó a mí e hizo que le contara mi historia, lo que hice con toda la tristeza y toda la humildad adecuadas a mi posición y al horrible tiempo que hacía.

La singularité de ma réponse et mon air de sincérité l’intéressèrent. Il s’approcha de moi et me fit conter mon histoire, ce dont je m’acquittai avec toute la tristesse et toute l’humilité qui convenaient à ma position et au temps affreux qu’il faisait.

7.

-Si fueras un palomo mensajero como yo -me dijo después de haberme escuchado- las simplezas que tanto te afligen no te inquietarían ni un segundo. Nosotros viajamos, ésa es nuestra vida, y tenemos amores, pero yo no sé quién es mi padre. Hender el aire, atravesar el espacio, ver a nuestros pies los montes y las llanuras, respirar el aire mismo de los cielos, y no las exhalaciones de la tierra, correr como una flecha hacia un objetivo marcado que no se nos escapa jamás, ése es nuestro placer y nuestra existencia. Hago más trayecto en un día que un hombre puede hacer en diez.

— Si tu étais un ramier comme moi, me dit-il après m’avoir écouté, les niaiseries dont tu t’affliges ne t’inquiéteraient pas un moment. Nous voyageons, c’est là notre vie, et nous avons bien nos amours, mais je ne sais qui est mon père. Fendre l’air, traverser l’espace, voir à nos pieds les monts et les plaines, respirer l’azur même des cieux, et non les exhalaisons de la terre, courir comme la flèche à un but marqué qui ne nous échappe jamais, voilà notre plaisir et notre existence. Je fais plus de chemin en un jour qu’un homme n’en peut faire en dix.

8.

-A fe, señor -le dije algo envalentonado- usted es un pájaro bohemio.

— Sur ma parole, monsieur, dis-je un peu enhardi, vous êtes un oiseau bohémien.

9.

-Ésa es otra de las cosas de las que no me preocupo en absoluto -contestó-. Yo no tengo país; sólo conozco tres cosas: los viajes, mi mujer y mis hijos. Donde está mi mujer está mi patria.

— C’est encore une chose dont je ne me soucie guère, reprit-il. Je n’ai point de pays ; je ne connais que trois choses : les voyages, ma femme et mes petits. Où est ma femme, là est ma patrie.

10.

-Pero, ¿qué es lo que lleva colgado al cuello? Parece un viejo papillote arrugado.

— Mais qu’avez-vous là qui vous pend au cou ? C’est comme une vieille papillotte chiffonnée.

11.

-Son papeles importantes, -contestó pavoneándose-; voy a Bruselas, y le llevo al célebre banquero *** una noticia que va a hacer bajar la renta un franco con setenta y ocho céntimos.

— Ce sont des papiers d’importance, répondit-il en se rengorgeant ; je vais à Bruxelles de ce pas, et je porte au célèbre banquier *** une nouvelle qui va faire baisser la rente d’un franc soixante-dix-huit centimes.

12.

-¡Dios Santo! -exclamé- ¡qué hermosa existencia la suya! y Bruselas debe ser una ciudad digna de ver, estoy seguro. ¿No podría llevarme con usted? Puesto que no soy un mirlo, tal vez sea un pichón.

— Juste Dieu ! m’écriai-je, c’est une belle existence que la vôtre, et Bruxelles, j’en suis sûr, doit être une ville bien curieuse à voir. Ne pourriez-vous pas m’emmener avec vous ? Puisque je ne suis pas un merle, je suis peut-être un pigeon ramier.

13.

-Si lo fueras -me contestó- me habrías devuelto el picotazo que te di hace un rato.

— Si tu en étais un, répliqua-t-il, tu m’aurais rendu le coup de bec que je t’ai donné tout à l’heure.

14.

-Pues bien, señor, se lo devolveré; no discutamos por tan poca cosa. He aquí que la mañana surge y la tormenta se calma. Por favor, ¡permítame acompañarlo! Estoy perdido; no tengo a nadie en el mundo; si me rechaza no me queda más que ahogarme en este canalón.

— Eh bien ! monsieur, je vous le rendrai ; ne nous brouillons pas pour si peu de chose. Voilà le matin qui paraît et l’orage qui s’apaise. De grâce, laissez-moi vous suivre ! Je suis perdu, je n’ai plus rien au monde ; — si vous me refusez, il ne me reste plus qu’à me noyer dans cette gouttière.

15.

-Está bien, ¡en marcha!, sígueme si puedes.

— Eh bien, en route ! suis-moi si tu peux.

16.

Lancé la última mirada hacia el jardín en el que dormía mi madre. Una lágrima brotó de mis ojos; el viento y la lluvia se la llevaron. Abrí mis alas y partí.

Je jetai un dernier regard sur le jardin où dormait ma mère. Une larme coula de mes yeux ; le vent et la pluie l’emportèrent. J’ouvris mes ailes et je partis.

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