Historia de un mirlo blanco / Histoire d'un merle blanc - Alfred de Musset
1.

¡Qué glorioso, y qué penoso es ser en este mundo un mirlo1excepcional! No soy un pájaro fabuloso, el señor Buffón me ha descrito. Pero, desgraciadamente, soy raro y muy difícil de encontrar. ¡Ojalá fuera completamente imposible de encontrar!

Qu’il est glorieux, mais qu’il est pénible d’être en ce monde un merle exceptionnel ! Je ne suis point un oiseau fabuleux, et M. de Buffon m’a décrit. Mais, hélas ! je suis extrêmement rare et très difficile à trouver. Plût au ciel que je fusse tout à fait impossible !

2.

Mi padre y mi madre eran dos buenos individuos que vivían, desde hacía años, al fondo de un viejo jardín aislado del Marais. Era una pareja ejemplar. Mientras mi madre, instalada en un tupido arbusto, ponía regularmente tres veces al año e incubaba somnolienta con un fervor patriarcal, mi padre, aún muy limpio y petulante pese a su edad, picoteaba alrededor de ella, le traía hermosos insectos que atrapaba delicadamente por el extremo de la cola para no inspirarle repugnancia a su mujer y, al anochecer, si hacía buen tiempo, no dejaba jamás de obsequiarla con una canción que alegraba a todo el vecindario. Jamás una querella, jamás el menor nubarrón turbó aquella plácida unión.

Mon père et ma mère étaient deux bonnes gens qui vivaient, depuis nombre d’années, au fond d’un vieux jardin retiré du Marais. C’était un ménage exemplaire. Pendant que ma mère, assise dans un buisson fourré, pondait régulièrement trois fois par an, et couvait, tout en sommeillant, avec une religion patriarcale, mon père, encore fort propre et fort pétulant, malgré son grand âge, picorait autour d’elle toute la journée, lui apportant de beaux insectes qu’il saisissait délicatement par le bout de la queue pour ne pas dégoûter sa femme, et, la nuit venue, il ne manquait jamais, quand il faisait beau, de la régaler d’une chanson qui réjouissait tout le voisinage. Jamais une querelle, jamais le moindre nuage n’avait troublé cette douce union.

3.

Apenas vine al mundo, y por primera vez en su vida, mi padre empezó a manifestar mal humor. Aunque yo no fuera aún sino de un gris sospechoso, no reconocía en mí ni el color, ni el aspecto de su numerosa prole.

À peine fus-je venu au monde, que, pour la première fois de sa vie, mon père commença à montrer de la mauvaise humeur. Bien que je ne fusse encore que d’un gris douteux, il ne reconnaissait en moi ni la couleur, ni la tournure de sa nombreuse postérité.

4.

-¡Qué sucio es este hijo! -decía a veces mirándome de través-; se diría que este chiquillo va a revolcarse en todos los escombros y montones de barro que se encuentra, para estar siempre tan feo y enfangado.

— Voilà un sale enfant, disait-il quelquefois en me regardant de travers ; il faut que ce gamin-là aille apparemment se fourrer dans tous les plâtras et tous les tas de boue qu’il rencontre, pour être toujours si laid et si crotté.

5.

-¡Eh, Dios mío! -contestaba mi madre siempre hecha una bola en una vieja escudilla de la que había hecho su nido- ¿no ve, amigo mío, que es propio de su edad? Usted mismo, ¿no fue un encantador granuja? Deje que nuestro mirlito crezca, y ya verá como será hermoso; es uno de los mejores que he puesto.

— Eh, mon Dieu ! mon ami, répondait ma mère, toujours roulée en boule dans une vieille écuelle dont elle avait fait son nid, ne voyez-vous pas que c’est de son âge ? Et vous-même, dans votre jeune temps, n’avez-vous pas été un charmant vaurien ? Laissez grandir notre merlichon, et vous verrez comme il sera beau ; il est des mieux que j’aie pondus.

6.

Pese a encargarse de mi defensa, mi madre no se engañaba; veía crecer mi fatal plumaje, que le parecía una monstruosidad; pero hacía lo que todas las madres que se aferran con frecuencia a sus hijos, por el hecho de ser maltratados por la Naturaleza, como si fuera culpa suya, o como si rechazaran por anticipado la injusticia de la suerte que recaerá sobre ellos.

Tout en prenant ainsi ma défense, ma mère ne s’y trompait pas ; elle voyait pousser mon fatal plumage, qui lui semblait une monstruosité ; mais elle faisait comme toutes les mères qui s’attachent souvent à leurs enfants par cela même qu’ils sont maltraités de la nature, comme si la faute en était à elles, ou comme si elles repoussaient d’avance l’injustice du sort qui doit les frapper.

7.

Cuando llegó el momento de mi primera muda, mi padre se fue poniendo pensativo y me miraba atentamente. Mientras que mis plumas fueron cayendo, aún me trató con bastante bondad e incluso me dio de comer al verme tiritar casi desnudo en un rincón; pero tan pronto como mis alas ateridas empezaron a cubrirse de plumón, a cada pluma que veía nacer, entraba en un estado de ira tal que temí que me desplumara para el resto de mis días. Desgraciadamente, yo no tenía espejo; ignoraba la causa de aquel furor, y me preguntaba por qué el mejor de los padres se mostraba tan inhumano conmigo.

Quand vint le temps de ma première mue, mon père devint tout à fait pensif et me considéra attentivement. Tant que mes plumes tombèrent, il me traita encore avec assez de bonté et me donna même la pâtée, me voyant grelotter presque nu dans un coin ; mais dès que mes pauvres ailerons transis commencèrent à se recouvrir de duvet, à chaque plume blanche qu’il vit paraître, il entra dans une telle colère, que je craignis qu’il ne me plumât pour le reste de mes jours ! Hélas ! je n’avais pas de miroir ; j’ignorais le sujet de cette fureur, et je me demandais pourquoi le meilleur des pères se montrait pour moi si barbare.

8.

Un día en que un rayo de sol y mi plumaje incipiente me habían alegrado el corazón -pese a mí mismo-, para mi desgracia, me puse a cantar cuando revoloteaba por una alameda. A la primera nota que escuchó, mi padre saltó en el aire como un cohete.

Un jour qu’un rayon de soleil et ma fourrure naissante m’avaient mis, malgré moi, le cœur en joie, comme je voltigeais dans une allée, je me mis, pour mon malheur, à chanter. À la première note qu’il entendit, mon père sauta en l’air comme une fusée.

9.

-¿Qué estoy oyendo? -exclamó- ¿así es como canta un mirlo? ¿así canto yo? ¿eso es cantar?

— Qu’est-ce que j’entends-là ? s’écria-t-il ; est-ce ainsi qu’un merle siffle ? est-ce ainsi que je siffle ? est-ce là siffler ?

10.

Y, dejándose caer cerca de mi madre, dijo con el más terrible aplomo:

Et, s’abattant près de ma mère avec la contenance la plus terrible :

11.

-¡Desgraciada! ¿quién ha puesto en tu nido?

— Malheureuse ! dit-il, qui est-ce qui a pondu dans ton nid ?

12.

Al oír estas palabras, mi madre indignada se arrojó de su escudilla, no sin hacerse daño en una pata; quiso hablar, pero los sollozos la ahogaban y cayó al suelo casi desmayada. La ví a punto de expirar y, asustado y temblando de miedo, me arrojé a las rodillas de mi padre.

À ces mots, ma mère indignée s’élança de son écuelle, non sans se faire du mal à une patte ; elle voulut parler, mais ses sanglots la suffoquaient, elle tomba à terre à demi pâmée. Je la vis près d’expirer ; épouvanté et tremblant de peur, je me jetai aux genoux de mon père.

13.

-¡Oh, padre mío! -le dije- si canto desafinado y si estoy mal vestido, que mi madre no sea castigada por ello. ¿Es culpa suya si la Naturaleza me ha negado una voz como la de usted? ¿Es culpa suya si no tengo el mismo hermoso pico amarillo que usted, y su hermoso traje negro a la francesa, que le dan el aspecto de un sacristán comiéndose una tortilla? Si el Cielo ha hecho de mí un monstruo, y si alguien debe pagar por ello, ¡que al menos yo sea el único desdichado!

— Ô mon père ! lui dis-je, si je siffle de travers, et si je suis mal vêtu, que ma mère n’en soit point punie ! Est-ce sa faute si la nature m’a refusé une voix comme la vôtre ? Est-ce sa faute si je n’ai pas votre beau bec jaune et votre bel habit noir à la française, qui vous donnent l’air d’un marguillier en train d’avaler une omelette ? Si le Ciel a fait de moi un monstre, et si quelqu’un doit en porter la peine, que je sois du moins le seul malheureux !

14.

-No se trata de eso -dijo mi padre-; ¿qué significa la forma absurda con la que acabas de permitirte cantar? ¿quién te ha enseñado a cantar así, en contra de todas las costumbres y todas las reglas?

— Il ne s’agit pas de cela, dit mon père ; que signifie la manière absurde dont tu viens de te permettre de siffler ? qui t’a appris à siffler ainsi contre tous les usages et toutes les règles ?

15.

-¡Ah! señor, -contesté humildemente- he cantado como he podido, me sentía alegre porque hace un buen día, pero tal vez haya comido demasiadas moscas.

— Hélas ! monsieur, répondis-je humblement, j’ai sifflé comme je pouvais, me sentant gai parce qu’il fait beau, et ayant peut-être mangé trop de mouches.

16.

-¡En mi familia no se canta así! -prosiguió mi padre fuera de sí-. Hace siglos que cantamos de padres a hijos y, cuando dejo oír mi voz durante la noche, entérate bien, hay en el primer piso un anciano señor y en la buhardilla una joven obrera que abren sus ventanas para escucharme cantar. ¿No basta con tener ante mis ojos el horrible color de tus absurdas plumas que te hacen parecer enharinado como un payaso de feria? Si yo no fuera el más pacífico de los mirlos, ya te habría dejado desnudo cien veces, ni más ni menos que un pollo de corral listo para ser espetado.

— On ne siffle pas ainsi dans ma famille, reprit mon père hors de lui. Il y a des siècles que nous sifflons de père en fils, et, lorsque je fais entendre ma voix la nuit, apprends qu’il y a ici, au premier étage, un vieux monsieur, et au grenier une jeune grisette, qui ouvrent leurs fenêtres pour m’entendre. N’est-ce pas assez que j’aie devant les yeux l’affreuse couleur de tes sottes plumes qui te donnent l’air enfariné comme un paillasse de la foire ? Si je n’étais le plus pacifique des merles, je t’aurais déjà cent fois mis à nu, ni plus ni moins qu’un poulet de basse-cour prêt à être embroché.

17.

-¡Pues bien! -exclamé sublevado por la injusticia de mi padre-. Así son las cosas, señor, ¡que no quede por eso!, desapareceré de su presencia, libraré sus ojos de esta desgraciada cola blanca, de la que me tira a lo largo de todo el día. Me iré, señor, huiré; otros muchos hijos consolarán su vejez, dado que mi madre pone tres veces al año; me iré lejos de usted a ocultar mi miseria y tal vez -añadí sollozando- tal vez encuentre en el huerto del vecino o sobre los canalones algunas lombrices o algunas arañas para nutrir mi triste existencia.

— Eh bien ! m’écriai-je, révolté de l’injustice de mon père, s’il en est ainsi, monsieur, qu’à cela ne tienne ! je me déroberai à votre présence, je délivrerai vos regards de cette malheureuse queue blanche, par laquelle vous me tirez toute la journée. Je partirai, monsieur, je fuirai ; assez d’autres enfants consoleront votre vieillesse, puisque ma mère pond trois fois par an ; j’irai loin de vous cacher ma misère, et peut-être, ajoutai-je en sanglotant, peut-être trouverai-je, dans le potager du voisin ou sur les gouttières, quelques vers de terre ou quelques araignées pour soutenir ma triste existence.

18.

-¡Como gustes! -contestó mi padre lejos de enternecerse por mi discurso-; ¡que no te vea más! Tú no eres mi hijo; tú no eres un mirlo.

— Comme tu voudras, répliqua mon père, loin de s’attendrir à ce discours ; que je ne te voie plus ! Tu n’es pas mon fils ; tu n’es pas un merle.

19.

-¿Y entonces qué soy, señor, dígame?

— Et que suis-je donc, monsieur, s’il vous plaît ?

20.

-No lo sé, pero desde luego tú no eres un mirlo.

— Je n’en sais rien, mais tu n’es pas un merle.

21.

Tras estas aterradoras palabras, mi padre se alejó a paso lento. Mi madre se levantó tristemente y, cojeando, fue a acabar de llorar dentro de su escudilla. Por lo que a mí respecta, confundido y desolado, emprendí vuelo lo mejor que pude, y como lo había anunciado, fui a colocarme sobre el canalón de una casa próxima.

Après ces paroles foudroyantes, mon père s’éloigna à pas lents. Ma mère se releva tristement, et alla, en boitant, achever de pleurer dans son écuelle. Pour moi, confus et désolé, je pris mon vol du mieux que je pus, et j’allai, comme je l’avais annoncé, me percher sur la gouttière d’une maison voisine.

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Historia de un mirlo blanco / Histoire d'un merle blanc

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1.

¡Qué glorioso, y qué penoso es ser en este mundo un mirlo1excepcional! No soy un pájaro fabuloso, el señor Buffón me ha descrito. Pero, desgraciadamente, soy raro y muy difícil de encontrar. ¡Ojalá fuera completamente imposible de encontrar!

Qu’il est glorieux, mais qu’il est pénible d’être en ce monde un merle exceptionnel ! Je ne suis point un oiseau fabuleux, et M. de Buffon m’a décrit. Mais, hélas ! je suis extrêmement rare et très difficile à trouver. Plût au ciel que je fusse tout à fait impossible !

2.

Mi padre y mi madre eran dos buenos individuos que vivían, desde hacía años, al fondo de un viejo jardín aislado del Marais. Era una pareja ejemplar. Mientras mi madre, instalada en un tupido arbusto, ponía regularmente tres veces al año e incubaba somnolienta con un fervor patriarcal, mi padre, aún muy limpio y petulante pese a su edad, picoteaba alrededor de ella, le traía hermosos insectos que atrapaba delicadamente por el extremo de la cola para no inspirarle repugnancia a su mujer y, al anochecer, si hacía buen tiempo, no dejaba jamás de obsequiarla con una canción que alegraba a todo el vecindario. Jamás una querella, jamás el menor nubarrón turbó aquella plácida unión.

Mon père et ma mère étaient deux bonnes gens qui vivaient, depuis nombre d’années, au fond d’un vieux jardin retiré du Marais. C’était un ménage exemplaire. Pendant que ma mère, assise dans un buisson fourré, pondait régulièrement trois fois par an, et couvait, tout en sommeillant, avec une religion patriarcale, mon père, encore fort propre et fort pétulant, malgré son grand âge, picorait autour d’elle toute la journée, lui apportant de beaux insectes qu’il saisissait délicatement par le bout de la queue pour ne pas dégoûter sa femme, et, la nuit venue, il ne manquait jamais, quand il faisait beau, de la régaler d’une chanson qui réjouissait tout le voisinage. Jamais une querelle, jamais le moindre nuage n’avait troublé cette douce union.

3.

Apenas vine al mundo, y por primera vez en su vida, mi padre empezó a manifestar mal humor. Aunque yo no fuera aún sino de un gris sospechoso, no reconocía en mí ni el color, ni el aspecto de su numerosa prole.

À peine fus-je venu au monde, que, pour la première fois de sa vie, mon père commença à montrer de la mauvaise humeur. Bien que je ne fusse encore que d’un gris douteux, il ne reconnaissait en moi ni la couleur, ni la tournure de sa nombreuse postérité.

4.

-¡Qué sucio es este hijo! -decía a veces mirándome de través-; se diría que este chiquillo va a revolcarse en todos los escombros y montones de barro que se encuentra, para estar siempre tan feo y enfangado.

— Voilà un sale enfant, disait-il quelquefois en me regardant de travers ; il faut que ce gamin-là aille apparemment se fourrer dans tous les plâtras et tous les tas de boue qu’il rencontre, pour être toujours si laid et si crotté.

5.

-¡Eh, Dios mío! -contestaba mi madre siempre hecha una bola en una vieja escudilla de la que había hecho su nido- ¿no ve, amigo mío, que es propio de su edad? Usted mismo, ¿no fue un encantador granuja? Deje que nuestro mirlito crezca, y ya verá como será hermoso; es uno de los mejores que he puesto.

— Eh, mon Dieu ! mon ami, répondait ma mère, toujours roulée en boule dans une vieille écuelle dont elle avait fait son nid, ne voyez-vous pas que c’est de son âge ? Et vous-même, dans votre jeune temps, n’avez-vous pas été un charmant vaurien ? Laissez grandir notre merlichon, et vous verrez comme il sera beau ; il est des mieux que j’aie pondus.

6.

Pese a encargarse de mi defensa, mi madre no se engañaba; veía crecer mi fatal plumaje, que le parecía una monstruosidad; pero hacía lo que todas las madres que se aferran con frecuencia a sus hijos, por el hecho de ser maltratados por la Naturaleza, como si fuera culpa suya, o como si rechazaran por anticipado la injusticia de la suerte que recaerá sobre ellos.

Tout en prenant ainsi ma défense, ma mère ne s’y trompait pas ; elle voyait pousser mon fatal plumage, qui lui semblait une monstruosité ; mais elle faisait comme toutes les mères qui s’attachent souvent à leurs enfants par cela même qu’ils sont maltraités de la nature, comme si la faute en était à elles, ou comme si elles repoussaient d’avance l’injustice du sort qui doit les frapper.

7.

Cuando llegó el momento de mi primera muda, mi padre se fue poniendo pensativo y me miraba atentamente. Mientras que mis plumas fueron cayendo, aún me trató con bastante bondad e incluso me dio de comer al verme tiritar casi desnudo en un rincón; pero tan pronto como mis alas ateridas empezaron a cubrirse de plumón, a cada pluma que veía nacer, entraba en un estado de ira tal que temí que me desplumara para el resto de mis días. Desgraciadamente, yo no tenía espejo; ignoraba la causa de aquel furor, y me preguntaba por qué el mejor de los padres se mostraba tan inhumano conmigo.

Quand vint le temps de ma première mue, mon père devint tout à fait pensif et me considéra attentivement. Tant que mes plumes tombèrent, il me traita encore avec assez de bonté et me donna même la pâtée, me voyant grelotter presque nu dans un coin ; mais dès que mes pauvres ailerons transis commencèrent à se recouvrir de duvet, à chaque plume blanche qu’il vit paraître, il entra dans une telle colère, que je craignis qu’il ne me plumât pour le reste de mes jours ! Hélas ! je n’avais pas de miroir ; j’ignorais le sujet de cette fureur, et je me demandais pourquoi le meilleur des pères se montrait pour moi si barbare.

8.

Un día en que un rayo de sol y mi plumaje incipiente me habían alegrado el corazón -pese a mí mismo-, para mi desgracia, me puse a cantar cuando revoloteaba por una alameda. A la primera nota que escuchó, mi padre saltó en el aire como un cohete.

Un jour qu’un rayon de soleil et ma fourrure naissante m’avaient mis, malgré moi, le cœur en joie, comme je voltigeais dans une allée, je me mis, pour mon malheur, à chanter. À la première note qu’il entendit, mon père sauta en l’air comme une fusée.

9.

-¿Qué estoy oyendo? -exclamó- ¿así es como canta un mirlo? ¿así canto yo? ¿eso es cantar?

— Qu’est-ce que j’entends-là ? s’écria-t-il ; est-ce ainsi qu’un merle siffle ? est-ce ainsi que je siffle ? est-ce là siffler ?

10.

Y, dejándose caer cerca de mi madre, dijo con el más terrible aplomo:

Et, s’abattant près de ma mère avec la contenance la plus terrible :

11.

-¡Desgraciada! ¿quién ha puesto en tu nido?

— Malheureuse ! dit-il, qui est-ce qui a pondu dans ton nid ?

12.

Al oír estas palabras, mi madre indignada se arrojó de su escudilla, no sin hacerse daño en una pata; quiso hablar, pero los sollozos la ahogaban y cayó al suelo casi desmayada. La ví a punto de expirar y, asustado y temblando de miedo, me arrojé a las rodillas de mi padre.

À ces mots, ma mère indignée s’élança de son écuelle, non sans se faire du mal à une patte ; elle voulut parler, mais ses sanglots la suffoquaient, elle tomba à terre à demi pâmée. Je la vis près d’expirer ; épouvanté et tremblant de peur, je me jetai aux genoux de mon père.

13.

-¡Oh, padre mío! -le dije- si canto desafinado y si estoy mal vestido, que mi madre no sea castigada por ello. ¿Es culpa suya si la Naturaleza me ha negado una voz como la de usted? ¿Es culpa suya si no tengo el mismo hermoso pico amarillo que usted, y su hermoso traje negro a la francesa, que le dan el aspecto de un sacristán comiéndose una tortilla? Si el Cielo ha hecho de mí un monstruo, y si alguien debe pagar por ello, ¡que al menos yo sea el único desdichado!

— Ô mon père ! lui dis-je, si je siffle de travers, et si je suis mal vêtu, que ma mère n’en soit point punie ! Est-ce sa faute si la nature m’a refusé une voix comme la vôtre ? Est-ce sa faute si je n’ai pas votre beau bec jaune et votre bel habit noir à la française, qui vous donnent l’air d’un marguillier en train d’avaler une omelette ? Si le Ciel a fait de moi un monstre, et si quelqu’un doit en porter la peine, que je sois du moins le seul malheureux !

14.

-No se trata de eso -dijo mi padre-; ¿qué significa la forma absurda con la que acabas de permitirte cantar? ¿quién te ha enseñado a cantar así, en contra de todas las costumbres y todas las reglas?

— Il ne s’agit pas de cela, dit mon père ; que signifie la manière absurde dont tu viens de te permettre de siffler ? qui t’a appris à siffler ainsi contre tous les usages et toutes les règles ?

15.

-¡Ah! señor, -contesté humildemente- he cantado como he podido, me sentía alegre porque hace un buen día, pero tal vez haya comido demasiadas moscas.

— Hélas ! monsieur, répondis-je humblement, j’ai sifflé comme je pouvais, me sentant gai parce qu’il fait beau, et ayant peut-être mangé trop de mouches.

16.

-¡En mi familia no se canta así! -prosiguió mi padre fuera de sí-. Hace siglos que cantamos de padres a hijos y, cuando dejo oír mi voz durante la noche, entérate bien, hay en el primer piso un anciano señor y en la buhardilla una joven obrera que abren sus ventanas para escucharme cantar. ¿No basta con tener ante mis ojos el horrible color de tus absurdas plumas que te hacen parecer enharinado como un payaso de feria? Si yo no fuera el más pacífico de los mirlos, ya te habría dejado desnudo cien veces, ni más ni menos que un pollo de corral listo para ser espetado.

— On ne siffle pas ainsi dans ma famille, reprit mon père hors de lui. Il y a des siècles que nous sifflons de père en fils, et, lorsque je fais entendre ma voix la nuit, apprends qu’il y a ici, au premier étage, un vieux monsieur, et au grenier une jeune grisette, qui ouvrent leurs fenêtres pour m’entendre. N’est-ce pas assez que j’aie devant les yeux l’affreuse couleur de tes sottes plumes qui te donnent l’air enfariné comme un paillasse de la foire ? Si je n’étais le plus pacifique des merles, je t’aurais déjà cent fois mis à nu, ni plus ni moins qu’un poulet de basse-cour prêt à être embroché.

17.

-¡Pues bien! -exclamé sublevado por la injusticia de mi padre-. Así son las cosas, señor, ¡que no quede por eso!, desapareceré de su presencia, libraré sus ojos de esta desgraciada cola blanca, de la que me tira a lo largo de todo el día. Me iré, señor, huiré; otros muchos hijos consolarán su vejez, dado que mi madre pone tres veces al año; me iré lejos de usted a ocultar mi miseria y tal vez -añadí sollozando- tal vez encuentre en el huerto del vecino o sobre los canalones algunas lombrices o algunas arañas para nutrir mi triste existencia.

— Eh bien ! m’écriai-je, révolté de l’injustice de mon père, s’il en est ainsi, monsieur, qu’à cela ne tienne ! je me déroberai à votre présence, je délivrerai vos regards de cette malheureuse queue blanche, par laquelle vous me tirez toute la journée. Je partirai, monsieur, je fuirai ; assez d’autres enfants consoleront votre vieillesse, puisque ma mère pond trois fois par an ; j’irai loin de vous cacher ma misère, et peut-être, ajoutai-je en sanglotant, peut-être trouverai-je, dans le potager du voisin ou sur les gouttières, quelques vers de terre ou quelques araignées pour soutenir ma triste existence.

18.

-¡Como gustes! -contestó mi padre lejos de enternecerse por mi discurso-; ¡que no te vea más! Tú no eres mi hijo; tú no eres un mirlo.

— Comme tu voudras, répliqua mon père, loin de s’attendrir à ce discours ; que je ne te voie plus ! Tu n’es pas mon fils ; tu n’es pas un merle.

19.

-¿Y entonces qué soy, señor, dígame?

— Et que suis-je donc, monsieur, s’il vous plaît ?

20.

-No lo sé, pero desde luego tú no eres un mirlo.

— Je n’en sais rien, mais tu n’es pas un merle.

21.

Tras estas aterradoras palabras, mi padre se alejó a paso lento. Mi madre se levantó tristemente y, cojeando, fue a acabar de llorar dentro de su escudilla. Por lo que a mí respecta, confundido y desolado, emprendí vuelo lo mejor que pude, y como lo había anunciado, fui a colocarme sobre el canalón de una casa próxima.

Après ces paroles foudroyantes, mon père s’éloigna à pas lents. Ma mère se releva tristement, et alla, en boitant, achever de pleurer dans son écuelle. Pour moi, confus et désolé, je pris mon vol du mieux que je pus, et j’allai, comme je l’avais annoncé, me percher sur la gouttière d’une maison voisine.

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