El lunar / La mouche - Alfred de Musset
1.

Las últimas palabras pronunciadas por el rey no eran precisamente una sentencia de muerte, pero sí una especie de prohibición de vivir. ¿Qué podría hacer en 1756 un joven sin fortuna y de quien el rey no quería ni hablar? Procurarse un destino, hacerse filósofo o acaso poeta; pero sin influencia, como en aquel caso, nada valía todo ello.

Les derniers mots prononcés par le roi n’étaient pas tout à fait un arrêt de mort, mais c’était à peu près une défense de vivre. Que pouvait faire, en 1756, un jeune homme sans fortune, dont le roi ne voulait pas entendre parler ? Tâcher d’être commis, ou se faire philosophe, poète peut-être, mais sans dédicace, et le métier, en ce cas, ne valait rien.

2.

No era ésta, ni con mucho, la vocación del caballero de Vauvert, que acababa de escribir, con los ojos arrasados en llanto, la carta de que se burlaba el rey. Entretanto, a solas con su padre en el fondo del viejo castillo de Neauflette, se paseaba por la estancia con aire triste y enfurecido.

Telle n’était pas, à beaucoup près, la vocation du chevalier de Vauvert, qui venait d’écrire avec des larmes la lettre dont le roi se moquait. Pendant ce temps-là, seul, avec son père, au fond du vieux château de Neauflette, il marchait par la chambre d’un air triste et furieux.

3.

-Quiero ir a Versalles.

— Je veux aller à Versailles, disait-il.

4.

-¿Y qué vas a hacer allí?

— Et qu’y ferez-vous ?

5.

-No lo sé; pero ¿qué hago aquí?

— Je n’en sais rien; mais que fais-je ici.

6.

-Acompañarme; ciertamente que esto no será muy divertido para vos, y de ningún modo quiero reteneros. Pero ¿olvidáis que vuestra madre ha muerto?

— Vous me tenez compagnie; il est bien certain que cela ne peut pas être fort amusant pour vous, et je ne vous retiens en aucune façon. Mais oubliez-vous que votre mère est morte ?

7.

-No, señor; y le prometí consagraros la vida que os debo. Volveré, pero quiero partir; no sabría permanecer aquí.

— Non, monsieur, et je lui ai promis de vous consacrer la vie que vous m’avez donnée. Je reviendrai, mais je veux partir; je ne saurais plus rester dans ces lieux.

8.

-¿Y a qué se debe eso?

— D’où vient cela ?

9.

-A un extremado amor. Amo perdidamente a mademoiselle d'Annebault.

— D’un amour extrême. J’aime éperdûment mademoiselle d’Annebault.

10.

-Sabéis que es inútil. Nadie más que Molière puede hacer casamiento sin dote. Olvidáis, además, que he caído en desgracia.

— Vous savez que c’est inutile. Il n’y a que Molière qui fasse des mariages sans dot. Oubliez-vous aussi ma disgrâce ?

11.

-¡Oh, señor! ¡Vuestra desgracia! ¿Me será permitido, sin apartarme del más profundo respeto, preguntaros a qué se debe? Nosotros no pertenecemos al Parlamento. Nosotros no creamos el impuesto, pero lo pagamos. Si el Parlamento escatima los dineros del rey, es cosa suya y no nuestra. ¿Por qué ha de arrastrarnos en su ruina el señor abate de Chauvelin?

— Eh! monsieur, votre disgrâce, me serait-il permis, sans m’écarter du plus profond respect, de vous demander ce qui l’a causée ? Nous ne sommes pas du parlement. Nous payons l’impôt, nous ne le faisons pas. Si le parlement lésine sur les deniers du roi, c’est son affaire et non la nôtre. Pourquoi M. l’abbé Chauvelin nous entraîne-t-il dans sa ruine ?

12.

-El señor abate de Chauvelin procede como un hombre honrado. Se niega a aprobar el diezmo porque está escandalizado de las dilapidaciones de la Corte. En tiempos de madame de Châteauroux no hubiera ocurrido nada semejante. Aquélla, al menos, era realmente hermosa, y no costaba nada, ni aun lo que prodigaba generosamente. Y aunque reina y señora, se consideraba satisfecha con que el rey no la enviase a pudrirse en un calabozo cuando le retirase su favor. Pero esta Etioles, esta Normand, esta Poisson insaciable...

— M. l’abbé Chauvelin agit en honnête homme. Il refuse d’approuver le dixième, parce qu’il est révolté des dilapidations de la cour. Rien de pareil n’aurait eu lieu du temps de madame de Châteauroux. Elle était belle, au moins, celle-là, et elle ne coûtait rien, pas même ce qu’elle donnait si généreusement. Elle était maîtresse et souveraine, et elle se disait satisfaite si le roi ne l’envoyait pas pourrir dans un cachot lorsqu’il lui retirerait ses bonnes grâces. Mais cette Étioles, cette Le Normand, cette Poisson insatiable!

13.

-¿Y qué importa?

— Et qu’importe ?

14.

-¿Qué importa, decís? Más que pensáis. ¿Sabéis siquiera que, al presente, mientras el rey nos arruina, la fortuna de su griseta es incalculable? Al principio se hacía pasar una renta de ciento ochenta mil libras; pero esto no era más que una bagatela, que hoy no se tiene en cuenta. No es posible hacerse idea de las tremendas sumas que el rey pone a sus pies. No pasan tres meses sin que ella coja al vuelo, como sin darle importancia, quinientas o seiscientas mil libras, unas veces sobre las sales y otras sobre el aumento de crédito para las caballerizas; con el alojamiento de que disfruta en todas las mansiones reales, compra la Selle, Cressy, Aulnay, Brimborion, Marigny, Saint-Remi, Bellevue y otras muchas tierras y castillos en París, Fontainebleau, Versalles y Compiègne, sin contar una fortuna secreta colocada en todos los países y en todos los Bancos de Europa, para el caso de su probable desgracia o de que el soberano muriera. Y ¿quién paga todo esto, queréis decirme?

— Qu’importe! dites-vous ? Plus que vous ne pensez. Savez-vous seulement que, à présent, tandis que le roi nous gruge, la fortune de sa grisette est incalculable ? Elle s’était fait donner au début cent quatre-vingt mille livres de rente; mais ce n’était qu’une bagatelle, cela ne compte plus maintenant; on ne saurait se faire une idée des sommes effrayantes que le roi lui jette à la tête; il ne se passe pas trois mois de l’année où elle n’attrape au vol, comme par hasard, cinq ou six cent mille livres, hier sur les sels, aujourd’hui sur les augmentations du trésorier des écuries; avec les logements qu’elle a dans toutes les maisons royales, elle achète la Selle, Cressy, Aulnay, Brinborion, Marigny, Saint-Rémi, Bellevue, et tant d’autres terres, des hôtels à Paris, à Fontainebleau, à Versailles, à Compiègne, sans compter une fortune secrète placée en tous pays dans toutes les banques d’Europe, en cas de disgrâce probablement, ou de la mort du souverain. Et qui paye tout cela, s’il vous plaît ?

15.

-Lo ignoro, señor; pero yo no.

— Je l’ignore, monsieur, mais ce n’est pas moi.

16.

-Vos como todo el mundo. Francia, el pueblo que suda sangre y agua, que grita en las calles e insulta la estatua de Pigalle. Y el Parlamento se niega a más: no quiere nuevos impuestos. Cuando se trataba de gastos de guerra, nuestro último escudo se hallaba siempre dispuesto; no pensábamos en regatear. El rey, victorioso, pudo ver claramente cuán amado era de todo el reino, y aun más claramente cuando estuvo para morir. Cesó entonces toda disidencia, toda facción, todo rencor; Francia entera se arrodilló ante el lecho del rey y rogó por él. Pero si pagamos sin reparar sus soldados y sus médicos, no queremos seguir pagando sus queridas, y tenemos que hacer algo más que sostener a madame de Pompadour.

— C’est vous, comme tout le monde, c’est la France, c’est le peuple qui sue sang et eau, qui crie dans la rue, qui insulte la statue de Pigalle. Et le parlement ne veut plus de cela; il ne veut plus de nouveaux impôts. Lorsqu’il s’agissait des frais de la guerre, notre dernier écu était prêt; nous ne songions pas à marchander. Le roi victorieux a pu voir clairement qu’il était aimé par tout le royaume, plus clairement encore lorsqu’il faillit mourir. Alors cessa toute dissidence, toute faction, toute rancune; la France entière se mit à genoux devant le lit du roi, et pria pour lui. Mais si nous payons, sans compter, ses soldats ou ses médecins, nous ne voulons plus payer ses maîtresses, et nous avons autre chose à faire que d’entretenir madame de Pompadour.

17.

-No la defiendo, señor. No sabría darle ni quitarle la razón; no la he visto jamás.

— Je ne la défends pas, monsieur. Je ne saurais lui donner ni tort ni raison; je ne l’ai jamais vue.

18.

-Sin duda, y no os disgustaría verla, ¿verdad?, para formar sobre ella alguna opinión: que a vuestros años la cabeza juzga por los ojos. Intentadlo, si bien os parece, pero se os rehusará tal satisfacción.

— Sans doute; et vous ne seriez pas fâché de la voir, n’est-il pas vrai, pour avoir là-dessus quelque opinion ? Car, à votre âge, la tête juge par les yeux. Essayez donc, si bon vous semble, mais ce plaisir-là vous sera refusé.

19.

-¿Por qué, señor?

— Pourquoi, monsieur ?

20.

-Porque es una locura; porque la tal marquesa es tan invisible en sus camarines de Brimborion como el Gran Turco en su serrallo; porque os darán pon todas las puertas en las narices. ¿Qué intentáis hacer? ¿Conseguir lo imposible? ¿Buscar fortuna como un aventurero?

— Parce que c’est une folie; parce que cette marquise est aussi invisible dans ses petits boudoirs de Brinborion que le Grand Turc dans son sérail; parce qu’on vous fermera toutes les portes au nez. Que voulez-vous faire? Tenter l’impossible? chercher fortune comme un aventurier?

21.

-No, como un enamorado. No pretendo suplicar, señor, sino reclamar contra una injusticia. Tenía una esperanza fundamentada, casi una promesa de monsieur de Biron; estaba en víspera de poseer lo que más amo, y mi amor no era ninguna insensatez; vos no lo desaprobasteis. Permitid, pues, que trate de defender mi causa. Ignoro si tendré que entenderme con el rey o con madame de Pompadour, pero quiero partir.

— Non pas, mais comme un amoureux. Je ne prétends point solliciter, monsieur, mais réclamer contre une injustice. J’avais une espérance fondée, presque une promesse de M. de Biron; j’étais à la veille de posséder ce que j’aime, et cet amour n’est point déraisonnable; vous ne l’avez pas désapprouvé. Souffrez donc que je tente de plaider ma cause. Aurai-je affaire au roi ou à madame de Pompadour, je l’ignore, mais je veux partir.

22.

-¡No sabéis lo que es la Corte, y queréis presentaros en ella!

— Vous ne savez pas ce que c’est que la cour, et vous voulez vous y présenter!

23.

-¡Bah! Acaso por lo mismo que soy un desconocido se me reciba con mayor facilidad.

— Eh! j’y serai peut-être reçu plus aisément par cette raison que j’y suis inconnu.

24.

-¡Vos desconocido! ¡Un antiguo noble! ¿Así pensáis? ¡Con un nombre como el vuestro...! Somos antiguos gentilhombres, señor mío; no podréis pasar inadvertido.

— Vous inconnu, chevalier! y pensez-vous ? Avec un nom comme le vôtre!… Nous sommes vieux gentilshommes, monsieur; vous ne sauriez être inconnu.

25.

-¡Mejor entonces! El rey me escuchará.

— Eh bien donc! le roi m’écoutera.

26.

-No querrá ni oír hablar de vos. Soñáis con Versalles, y pensáis veros en él no más que en cuanto el postillón se detenga... Supongamos que llegáis hasta la antecámara, hasta la galería, hasta el Ojo de Buey; veréis que entre Su Majestad y vos no hay más que el batiente de una puerta: pues mediará un abismo. Retrocederéis, buscaréis recomendaciones, protectores: nada encontraréis. ¿Cómo creéis que el rey se venga, de nuestro parentesco con monsieur de Chauvelin? De Damieus se venga con el tormento; del Parlamento, con el destierro; pero de nosotros, con una palabra o, peor todavía, con el silencio. ¿Sabéis lo que es el silencio del rey cuando, con muda mirada, en vez de responderos os examina fijamente, al pasar, y os anonada? Después del cadalso en la plaza de la Grève y en la prisión de la Bastilla, existe una especie de suplicio que, menos cruel en apariencia, deja tanta huella como la mano del verdugo. Cierto que el condenado queda en libertad; pero ya no ha de pensar nunca en acercarse a una mujer, a un cortesano, a un salón, a una abadía o a un cuartel. Todo se cerrará o dará media vuelta ante sus ojos, y así habrá de vagar, al azar, en una invisible prisión.

— Il ne voudra pas seulement vous entendre. Vous rêvez Versailles, et vous croirez y être quand votre postillon s’arrêtera… Supposons que vous parveniez jusqu’à l’antichambre, à la galerie, à l’Œil-de-Bœuf : vous ne verrez entre Sa Majesté et vous que le battant d’une porte : il y aura un abîme. Vous vous retournerez, vous chercherez des biais, des protections, vous ne trouverez rien. Nous sommes parents de M. de Chauvelin; et comment croyez-vous que le roi se venge ? Par la torture pour Damiens; par l’exil pour le parlement, mais pour nous autres, par un mot, ou, pis encore, par le silence. Savez-vous ce que c’est que le silence du roi, lorsque, avec son regard muet, au lieu de vous répondre, il vous dévisage en passant et vous anéantit ? Après la Grève et la Bastille, c’est un certain degré de supplice qui, moins cruel en apparence, marque aussi bien que la main du bourreau. Le condamné, il est vrai, reste libre, mais il ne lui faut plus songer à s’approcher ni d’une femme, ni d’un courtisan, ni d’un salon, ni d’une abbaye, ni d’une caserne. Devant lui tout se ferme ou se détourne, et il se promène ainsi au hasard dans une prison invisible.

27.

-Pero yo daré tantas vueltas que saldré de ella.

— Je m’y remuerai tant que j’en sortirai.

28.

-No más que salieron otros. El hijo de monsieur de Meynières no era más culpable que vos. Como vos, había recibido las mejores promesas y las más legítimas esperanzas. Su padre, el más fiel vasallo de Su Majestad, el hombre más honrado de su reino, desatendido por el rey, ha tenido que ir, con sus cabellos blancos, no a suplicar, sino a intentar convencer a la griseta favorita. ¿Y sabéis lo que le ha respondido? He aquí sus propias palabras, que monsieur de Meynières me copia en una carta: «El rey es el dueño; no juzga digno de vos manifestaros personalmente su desagrado; se contenta con hacéroslo experimentar privando a vuestro hijo de una brillante posición. Castigaros de otro modo sería comenzar un proceso, y el rey no quiere; es preciso respetar su voluntad. Sin embargo, os compadezco y participo de vuestras penas porque he sido madre; sé lo que es para vos dejar a vuestro hijo sin una posición.» ¡Ya veis el estilo de esa criatura! ¡Y queréis poneros a sus pies!

— Pas plus qu’un autre. Le fils de M. de Meynières n’était pas plus coupable que vous. Il avait, comme vous, des promesses, les plus légitimes espérances. Son père, le plus dévoué sujet de Sa Majesté, le plus honnête homme du royaume, repoussé par le roi, est allé, avec ses cheveux gris, non pas prier, mais essayer de persuader la grisette. Savez-vous ce qu’elle a répondu ? Voici ses propres paroles, que M. de Meynières m’envoie dans une lettre : « Le roi est le maître; il ne juge pas à propos de vous marquer son mécontentement personnellement; il se contente de vous le faire éprouver en privant monsieur votre fils d’un état; vous punir autrement, ce serait commencer une affaire, et il n’en veut pas; il faut respecter ses volontés. Je vous plains cependant, j’entre dans vos peines, j’ai été mère; je sais ce qu’il doit vous en coûter pour laisser votre fils sans état. » Voilà le style de cette créature, et vous voulez vous mettre à ses pieds!

29.

-¡Se dice que los tiene preciosos!

— On dit qu’ils sont charmants, monsieur.

30.

-¡Sí, por cierto! No siendo guapa, todos sabemos que el rey la adora. Cede y se doblega ante ella. Para mantener su extraño poder, preciso es que tenga algo más que su cabeza hueca.

— Parbleu! oui. Elle n’est pas jolie, et le roi ne l’aime pas, on le sait. Il cède, il plie devant cette femme. Pour maintenir son étrange pouvoir, il faut bien qu’elle ait autre chose que sa tête de bois.

31.

-¡Pretenden que tiene un talento especial!

— On prétend qu’elle a tant d’esprit!

32.

-¡Y muy poco corazón! ¡Bonito mérito!

— Et point de cœur; le beau mérite!

33.

-¿Poco corazón ella, que tan bien sabe declamar los versos de Voltaire, cantar la música de Rousseau y representar Alcira y Colette? Es imposible, jamás lo creeré.

— Point de cœur! elle qui sait si bien déclamer les vers de Voltaire, chanter la musique de Rousseau! elle qui joue Alzire et Colette! C’est impossible, je ne le croirai jamais.

34.

-Id a verlo, puesto que así lo queréis. Yo aconsejo, no ordeno; pero perderéis el viaje. ¿Tanto amáis, en fin, a esa damisela d'Annebault?

— Allez-y voir, puisque vous le voulez. Je conseille et n’ordonne pas, mais vous en serez pour vos frais de voyage. Vous aimez donc beaucoup cette demoiselle d’Annebault ?

35.

-Más que a mi vida.

— Plus que ma vie.

36.

-Pues idos.

— Allez, monsieur.

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Alfred de Musset

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El lunar / La mouche

Capítulo 2

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1.

Las últimas palabras pronunciadas por el rey no eran precisamente una sentencia de muerte, pero sí una especie de prohibición de vivir. ¿Qué podría hacer en 1756 un joven sin fortuna y de quien el rey no quería ni hablar? Procurarse un destino, hacerse filósofo o acaso poeta; pero sin influencia, como en aquel caso, nada valía todo ello.

Les derniers mots prononcés par le roi n’étaient pas tout à fait un arrêt de mort, mais c’était à peu près une défense de vivre. Que pouvait faire, en 1756, un jeune homme sans fortune, dont le roi ne voulait pas entendre parler ? Tâcher d’être commis, ou se faire philosophe, poète peut-être, mais sans dédicace, et le métier, en ce cas, ne valait rien.

2.

No era ésta, ni con mucho, la vocación del caballero de Vauvert, que acababa de escribir, con los ojos arrasados en llanto, la carta de que se burlaba el rey. Entretanto, a solas con su padre en el fondo del viejo castillo de Neauflette, se paseaba por la estancia con aire triste y enfurecido.

Telle n’était pas, à beaucoup près, la vocation du chevalier de Vauvert, qui venait d’écrire avec des larmes la lettre dont le roi se moquait. Pendant ce temps-là, seul, avec son père, au fond du vieux château de Neauflette, il marchait par la chambre d’un air triste et furieux.

3.

-Quiero ir a Versalles.

— Je veux aller à Versailles, disait-il.

4.

-¿Y qué vas a hacer allí?

— Et qu’y ferez-vous ?

5.

-No lo sé; pero ¿qué hago aquí?

— Je n’en sais rien; mais que fais-je ici.

6.

-Acompañarme; ciertamente que esto no será muy divertido para vos, y de ningún modo quiero reteneros. Pero ¿olvidáis que vuestra madre ha muerto?

— Vous me tenez compagnie; il est bien certain que cela ne peut pas être fort amusant pour vous, et je ne vous retiens en aucune façon. Mais oubliez-vous que votre mère est morte ?

7.

-No, señor; y le prometí consagraros la vida que os debo. Volveré, pero quiero partir; no sabría permanecer aquí.

— Non, monsieur, et je lui ai promis de vous consacrer la vie que vous m’avez donnée. Je reviendrai, mais je veux partir; je ne saurais plus rester dans ces lieux.

8.

-¿Y a qué se debe eso?

— D’où vient cela ?

9.

-A un extremado amor. Amo perdidamente a mademoiselle d'Annebault.

— D’un amour extrême. J’aime éperdûment mademoiselle d’Annebault.

10.

-Sabéis que es inútil. Nadie más que Molière puede hacer casamiento sin dote. Olvidáis, además, que he caído en desgracia.

— Vous savez que c’est inutile. Il n’y a que Molière qui fasse des mariages sans dot. Oubliez-vous aussi ma disgrâce ?

11.

-¡Oh, señor! ¡Vuestra desgracia! ¿Me será permitido, sin apartarme del más profundo respeto, preguntaros a qué se debe? Nosotros no pertenecemos al Parlamento. Nosotros no creamos el impuesto, pero lo pagamos. Si el Parlamento escatima los dineros del rey, es cosa suya y no nuestra. ¿Por qué ha de arrastrarnos en su ruina el señor abate de Chauvelin?

— Eh! monsieur, votre disgrâce, me serait-il permis, sans m’écarter du plus profond respect, de vous demander ce qui l’a causée ? Nous ne sommes pas du parlement. Nous payons l’impôt, nous ne le faisons pas. Si le parlement lésine sur les deniers du roi, c’est son affaire et non la nôtre. Pourquoi M. l’abbé Chauvelin nous entraîne-t-il dans sa ruine ?

12.

-El señor abate de Chauvelin procede como un hombre honrado. Se niega a aprobar el diezmo porque está escandalizado de las dilapidaciones de la Corte. En tiempos de madame de Châteauroux no hubiera ocurrido nada semejante. Aquélla, al menos, era realmente hermosa, y no costaba nada, ni aun lo que prodigaba generosamente. Y aunque reina y señora, se consideraba satisfecha con que el rey no la enviase a pudrirse en un calabozo cuando le retirase su favor. Pero esta Etioles, esta Normand, esta Poisson insaciable...

— M. l’abbé Chauvelin agit en honnête homme. Il refuse d’approuver le dixième, parce qu’il est révolté des dilapidations de la cour. Rien de pareil n’aurait eu lieu du temps de madame de Châteauroux. Elle était belle, au moins, celle-là, et elle ne coûtait rien, pas même ce qu’elle donnait si généreusement. Elle était maîtresse et souveraine, et elle se disait satisfaite si le roi ne l’envoyait pas pourrir dans un cachot lorsqu’il lui retirerait ses bonnes grâces. Mais cette Étioles, cette Le Normand, cette Poisson insatiable!

13.

-¿Y qué importa?

— Et qu’importe ?

14.

-¿Qué importa, decís? Más que pensáis. ¿Sabéis siquiera que, al presente, mientras el rey nos arruina, la fortuna de su griseta es incalculable? Al principio se hacía pasar una renta de ciento ochenta mil libras; pero esto no era más que una bagatela, que hoy no se tiene en cuenta. No es posible hacerse idea de las tremendas sumas que el rey pone a sus pies. No pasan tres meses sin que ella coja al vuelo, como sin darle importancia, quinientas o seiscientas mil libras, unas veces sobre las sales y otras sobre el aumento de crédito para las caballerizas; con el alojamiento de que disfruta en todas las mansiones reales, compra la Selle, Cressy, Aulnay, Brimborion, Marigny, Saint-Remi, Bellevue y otras muchas tierras y castillos en París, Fontainebleau, Versalles y Compiègne, sin contar una fortuna secreta colocada en todos los países y en todos los Bancos de Europa, para el caso de su probable desgracia o de que el soberano muriera. Y ¿quién paga todo esto, queréis decirme?

— Qu’importe! dites-vous ? Plus que vous ne pensez. Savez-vous seulement que, à présent, tandis que le roi nous gruge, la fortune de sa grisette est incalculable ? Elle s’était fait donner au début cent quatre-vingt mille livres de rente; mais ce n’était qu’une bagatelle, cela ne compte plus maintenant; on ne saurait se faire une idée des sommes effrayantes que le roi lui jette à la tête; il ne se passe pas trois mois de l’année où elle n’attrape au vol, comme par hasard, cinq ou six cent mille livres, hier sur les sels, aujourd’hui sur les augmentations du trésorier des écuries; avec les logements qu’elle a dans toutes les maisons royales, elle achète la Selle, Cressy, Aulnay, Brinborion, Marigny, Saint-Rémi, Bellevue, et tant d’autres terres, des hôtels à Paris, à Fontainebleau, à Versailles, à Compiègne, sans compter une fortune secrète placée en tous pays dans toutes les banques d’Europe, en cas de disgrâce probablement, ou de la mort du souverain. Et qui paye tout cela, s’il vous plaît ?

15.

-Lo ignoro, señor; pero yo no.

— Je l’ignore, monsieur, mais ce n’est pas moi.

16.

-Vos como todo el mundo. Francia, el pueblo que suda sangre y agua, que grita en las calles e insulta la estatua de Pigalle. Y el Parlamento se niega a más: no quiere nuevos impuestos. Cuando se trataba de gastos de guerra, nuestro último escudo se hallaba siempre dispuesto; no pensábamos en regatear. El rey, victorioso, pudo ver claramente cuán amado era de todo el reino, y aun más claramente cuando estuvo para morir. Cesó entonces toda disidencia, toda facción, todo rencor; Francia entera se arrodilló ante el lecho del rey y rogó por él. Pero si pagamos sin reparar sus soldados y sus médicos, no queremos seguir pagando sus queridas, y tenemos que hacer algo más que sostener a madame de Pompadour.

— C’est vous, comme tout le monde, c’est la France, c’est le peuple qui sue sang et eau, qui crie dans la rue, qui insulte la statue de Pigalle. Et le parlement ne veut plus de cela; il ne veut plus de nouveaux impôts. Lorsqu’il s’agissait des frais de la guerre, notre dernier écu était prêt; nous ne songions pas à marchander. Le roi victorieux a pu voir clairement qu’il était aimé par tout le royaume, plus clairement encore lorsqu’il faillit mourir. Alors cessa toute dissidence, toute faction, toute rancune; la France entière se mit à genoux devant le lit du roi, et pria pour lui. Mais si nous payons, sans compter, ses soldats ou ses médecins, nous ne voulons plus payer ses maîtresses, et nous avons autre chose à faire que d’entretenir madame de Pompadour.

17.

-No la defiendo, señor. No sabría darle ni quitarle la razón; no la he visto jamás.

— Je ne la défends pas, monsieur. Je ne saurais lui donner ni tort ni raison; je ne l’ai jamais vue.

18.

-Sin duda, y no os disgustaría verla, ¿verdad?, para formar sobre ella alguna opinión: que a vuestros años la cabeza juzga por los ojos. Intentadlo, si bien os parece, pero se os rehusará tal satisfacción.

— Sans doute; et vous ne seriez pas fâché de la voir, n’est-il pas vrai, pour avoir là-dessus quelque opinion ? Car, à votre âge, la tête juge par les yeux. Essayez donc, si bon vous semble, mais ce plaisir-là vous sera refusé.

19.

-¿Por qué, señor?

— Pourquoi, monsieur ?

20.

-Porque es una locura; porque la tal marquesa es tan invisible en sus camarines de Brimborion como el Gran Turco en su serrallo; porque os darán pon todas las puertas en las narices. ¿Qué intentáis hacer? ¿Conseguir lo imposible? ¿Buscar fortuna como un aventurero?

— Parce que c’est une folie; parce que cette marquise est aussi invisible dans ses petits boudoirs de Brinborion que le Grand Turc dans son sérail; parce qu’on vous fermera toutes les portes au nez. Que voulez-vous faire? Tenter l’impossible? chercher fortune comme un aventurier?

21.

-No, como un enamorado. No pretendo suplicar, señor, sino reclamar contra una injusticia. Tenía una esperanza fundamentada, casi una promesa de monsieur de Biron; estaba en víspera de poseer lo que más amo, y mi amor no era ninguna insensatez; vos no lo desaprobasteis. Permitid, pues, que trate de defender mi causa. Ignoro si tendré que entenderme con el rey o con madame de Pompadour, pero quiero partir.

— Non pas, mais comme un amoureux. Je ne prétends point solliciter, monsieur, mais réclamer contre une injustice. J’avais une espérance fondée, presque une promesse de M. de Biron; j’étais à la veille de posséder ce que j’aime, et cet amour n’est point déraisonnable; vous ne l’avez pas désapprouvé. Souffrez donc que je tente de plaider ma cause. Aurai-je affaire au roi ou à madame de Pompadour, je l’ignore, mais je veux partir.

22.

-¡No sabéis lo que es la Corte, y queréis presentaros en ella!

— Vous ne savez pas ce que c’est que la cour, et vous voulez vous y présenter!

23.

-¡Bah! Acaso por lo mismo que soy un desconocido se me reciba con mayor facilidad.

— Eh! j’y serai peut-être reçu plus aisément par cette raison que j’y suis inconnu.

24.

-¡Vos desconocido! ¡Un antiguo noble! ¿Así pensáis? ¡Con un nombre como el vuestro...! Somos antiguos gentilhombres, señor mío; no podréis pasar inadvertido.

— Vous inconnu, chevalier! y pensez-vous ? Avec un nom comme le vôtre!… Nous sommes vieux gentilshommes, monsieur; vous ne sauriez être inconnu.

25.

-¡Mejor entonces! El rey me escuchará.

— Eh bien donc! le roi m’écoutera.

26.

-No querrá ni oír hablar de vos. Soñáis con Versalles, y pensáis veros en él no más que en cuanto el postillón se detenga... Supongamos que llegáis hasta la antecámara, hasta la galería, hasta el Ojo de Buey; veréis que entre Su Majestad y vos no hay más que el batiente de una puerta: pues mediará un abismo. Retrocederéis, buscaréis recomendaciones, protectores: nada encontraréis. ¿Cómo creéis que el rey se venga, de nuestro parentesco con monsieur de Chauvelin? De Damieus se venga con el tormento; del Parlamento, con el destierro; pero de nosotros, con una palabra o, peor todavía, con el silencio. ¿Sabéis lo que es el silencio del rey cuando, con muda mirada, en vez de responderos os examina fijamente, al pasar, y os anonada? Después del cadalso en la plaza de la Grève y en la prisión de la Bastilla, existe una especie de suplicio que, menos cruel en apariencia, deja tanta huella como la mano del verdugo. Cierto que el condenado queda en libertad; pero ya no ha de pensar nunca en acercarse a una mujer, a un cortesano, a un salón, a una abadía o a un cuartel. Todo se cerrará o dará media vuelta ante sus ojos, y así habrá de vagar, al azar, en una invisible prisión.

— Il ne voudra pas seulement vous entendre. Vous rêvez Versailles, et vous croirez y être quand votre postillon s’arrêtera… Supposons que vous parveniez jusqu’à l’antichambre, à la galerie, à l’Œil-de-Bœuf : vous ne verrez entre Sa Majesté et vous que le battant d’une porte : il y aura un abîme. Vous vous retournerez, vous chercherez des biais, des protections, vous ne trouverez rien. Nous sommes parents de M. de Chauvelin; et comment croyez-vous que le roi se venge ? Par la torture pour Damiens; par l’exil pour le parlement, mais pour nous autres, par un mot, ou, pis encore, par le silence. Savez-vous ce que c’est que le silence du roi, lorsque, avec son regard muet, au lieu de vous répondre, il vous dévisage en passant et vous anéantit ? Après la Grève et la Bastille, c’est un certain degré de supplice qui, moins cruel en apparence, marque aussi bien que la main du bourreau. Le condamné, il est vrai, reste libre, mais il ne lui faut plus songer à s’approcher ni d’une femme, ni d’un courtisan, ni d’un salon, ni d’une abbaye, ni d’une caserne. Devant lui tout se ferme ou se détourne, et il se promène ainsi au hasard dans une prison invisible.

27.

-Pero yo daré tantas vueltas que saldré de ella.

— Je m’y remuerai tant que j’en sortirai.

28.

-No más que salieron otros. El hijo de monsieur de Meynières no era más culpable que vos. Como vos, había recibido las mejores promesas y las más legítimas esperanzas. Su padre, el más fiel vasallo de Su Majestad, el hombre más honrado de su reino, desatendido por el rey, ha tenido que ir, con sus cabellos blancos, no a suplicar, sino a intentar convencer a la griseta favorita. ¿Y sabéis lo que le ha respondido? He aquí sus propias palabras, que monsieur de Meynières me copia en una carta: «El rey es el dueño; no juzga digno de vos manifestaros personalmente su desagrado; se contenta con hacéroslo experimentar privando a vuestro hijo de una brillante posición. Castigaros de otro modo sería comenzar un proceso, y el rey no quiere; es preciso respetar su voluntad. Sin embargo, os compadezco y participo de vuestras penas porque he sido madre; sé lo que es para vos dejar a vuestro hijo sin una posición.» ¡Ya veis el estilo de esa criatura! ¡Y queréis poneros a sus pies!

— Pas plus qu’un autre. Le fils de M. de Meynières n’était pas plus coupable que vous. Il avait, comme vous, des promesses, les plus légitimes espérances. Son père, le plus dévoué sujet de Sa Majesté, le plus honnête homme du royaume, repoussé par le roi, est allé, avec ses cheveux gris, non pas prier, mais essayer de persuader la grisette. Savez-vous ce qu’elle a répondu ? Voici ses propres paroles, que M. de Meynières m’envoie dans une lettre : « Le roi est le maître; il ne juge pas à propos de vous marquer son mécontentement personnellement; il se contente de vous le faire éprouver en privant monsieur votre fils d’un état; vous punir autrement, ce serait commencer une affaire, et il n’en veut pas; il faut respecter ses volontés. Je vous plains cependant, j’entre dans vos peines, j’ai été mère; je sais ce qu’il doit vous en coûter pour laisser votre fils sans état. » Voilà le style de cette créature, et vous voulez vous mettre à ses pieds!

29.

-¡Se dice que los tiene preciosos!

— On dit qu’ils sont charmants, monsieur.

30.

-¡Sí, por cierto! No siendo guapa, todos sabemos que el rey la adora. Cede y se doblega ante ella. Para mantener su extraño poder, preciso es que tenga algo más que su cabeza hueca.

— Parbleu! oui. Elle n’est pas jolie, et le roi ne l’aime pas, on le sait. Il cède, il plie devant cette femme. Pour maintenir son étrange pouvoir, il faut bien qu’elle ait autre chose que sa tête de bois.

31.

-¡Pretenden que tiene un talento especial!

— On prétend qu’elle a tant d’esprit!

32.

-¡Y muy poco corazón! ¡Bonito mérito!

— Et point de cœur; le beau mérite!

33.

-¿Poco corazón ella, que tan bien sabe declamar los versos de Voltaire, cantar la música de Rousseau y representar Alcira y Colette? Es imposible, jamás lo creeré.

— Point de cœur! elle qui sait si bien déclamer les vers de Voltaire, chanter la musique de Rousseau! elle qui joue Alzire et Colette! C’est impossible, je ne le croirai jamais.

34.

-Id a verlo, puesto que así lo queréis. Yo aconsejo, no ordeno; pero perderéis el viaje. ¿Tanto amáis, en fin, a esa damisela d'Annebault?

— Allez-y voir, puisque vous le voulez. Je conseille et n’ordonne pas, mais vous en serez pour vos frais de voyage. Vous aimez donc beaucoup cette demoiselle d’Annebault ?

35.

-Más que a mi vida.

— Plus que ma vie.

36.

-Pues idos.

— Allez, monsieur.

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